Imágenes de páginas
PDF
EPUB

campagne,, la faveur du Prince, l'attachement que cette faveur même. fembloit lui attirer de la part des Courtilans, rien ne put l'arrêter. On lui représentoit qu'il étoit contre la fageffe de s'expofer de fang froid à un péril certain; mais il répondoit à ces confeils timides, que pour lui il croyoit les Gouverneurs obligez à la réfidence comme les Evêques, & que fi l'obligation n'en étoit pas fi étroite en toutes circonftances, elle étoit du moins égale dans les calamitez publiques. La Ducheffe fon époufe fut effrayée de fa réfolution, & fans ofer l'attaquer ou vertement, elle ne lui fit connoître que ce que fon cœur ne pouvoit cacher, les cruelles allarmes où elle alloit être réduite pendant fon absence. Mais le Duc furmonta généreufement cet obftacle, & plus touché de l'exemple héroïque de la Ducheffe dans une pareille rencontre, que des larmes qu'il lui voyoit répandre, il aima mieux l'imiter, que de céder à

fa tendreffe. 11 partit pour Roüen;

& s'étant enfermé dans cette ville infortunée, il s'appliqua tout entier au foulagement de ceux que la paste avoit déja attaquez, & à préserver ceux qu'elle avoit épargnez, jufqu'alors. Le bon ordre qu'il établit pour cela, les foins continuels qu'il prit, les vifites journaliéres qu'il faifoit dans les lieux deftinez à retirer les malades, les aumônes qu'il faifoit diftribuer de tous côtez, les exemples de courage & de charité qu'il donnoit aux Miniftres fpirituels, & aux Magiftrats, produifirent les plus falutaires effets. La fureur du mal fe ralentit peu તે peu, plufieurs malades furent fauvez, le cours de la contagion fut arrêté, dans l'efpace de deux mois, l'air fut parfaitement purifié, & tout un grand peuple reconnut devoir principalement fon falut au zele & à l'intrépi dité de fon Gouverneur. Quand il feroit encore refté dans les efprits quelques traces des anciennes préven

tions, ce feul trait auroit pu les effa cer. Auffi depuis ces tems malheureux M. de Montaufier fut regardé par les habitans comme le Pere de la Patrie, & le fouvenir de fes bienfaits, vivra auffi long-tems à Rouen qu'on y conservera la mémoire du terrible fleau, qui en fut l'occasion.

Les éloges dont il fut comblé dans la capitale de fon Gouvernement, retentirent jufques dans la capitale du Royaume, & parvinrent bien- tôt jufqu'aux oreilles du Roy. Ce grand Prince joignit fes applaudiffemens à ceux du public, & impatient de marquer fa fatisfaction à un homme fi utile à fon Etat, il le fit revenir à la Cour, & l'admit en fa préfence fans avoir pris aucune des précautions qui font en ufage contre la malignité d'un mal qui fe communique même fouvent, malgré les plus fages préfervatifs. Le Roi ne crut pas que les louanges fincéres qu'il donnoit au Duc de Montaufier, fuffent fuffifantes pour

un mérite fi rare; il lui avoit déja donné, il est vrai, des preuves plus folides de l'eftime qu'il en faifoit; mais il vouloit lui marquer d'une maniére encore plus éclatante la confiance que lui infpiroit fa vertu, en remettant dans des mains fi fidelles ce qu'il avoit de plus cher au mon❤ de.

Dès le tems que le Duc avoit quit té la Cour pour le dévouer au falut de la Normandie, on formoit des intrigues pour la place de Gouver neur de Monfeigneur le Dauphin, qui étoit en âge d'être retiré des mains des femmes Peu de gens, comme il arrive d'ordinaire, fe faifoient juftice fur ce fujet; parmi les personnes d'un certain rang, il n'y en avoit prefque aucune qui ne fût perfuadée que ce pofte honorable lui étoit dû, & ceux qui avoient affez de modeftie pour ne s'en pas croire capables, cherchoient parmi leurs parens 01 leurs amis, quelqu'un qui fût propre

à remplir cet emploi. Le peuple qui. dans ces fortes d'occafions, juge d'autant plus fainement, qu'il eft moins préoccupé par l'interêt perfonnel, & qu'il n'envifage que l'utilité publique, fouhaitoit que le choix du Roi tombât fur M. de Montaufier, dont l'équité & la droiture étoient connuës de tout le monde. Beaucoup de gens. penfoient en cela comme le peuple, & reconnoifloient en fecret que perfonne ne convenoit mieux que le Duc, pour élever le jeune Prince. Mais les uns appréhendoient de le voir dans cette place, précisément à caufe des vertus qu'ils lui connoiffoient; les autres par un rafinement de malice, cherchoient à l'en écarter, en empoifonnant la plupart des qualitez qui le rendoient préférable à fes concurrens, & en donnant à fes vertus, les noms odieux des vices oppofez. On alla même jufqu'à jetter des foupçons fur fa Religion, & à lui faire un crime d'avoir été autrefois

« AnteriorContinuar »