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gner de la belle Litterature. Les jeunes gens s'y formoient à ces manieres aimables, qui fans rien fentir de la contrainte, ne paffent jamais les bornes de la plus exacte pudeur; les Etrangers y admiroient cette vivacité, cette aifance, cette délicateffe fi naturelle aux François jointe à une lageffe, à une modeftie, à une candeur digne des premiers tems. Tous y accouroient comme à une école de vertu, & fi tous n'en fortoient pas plus vertueux, tous au moins ne pouvoient difconvenir que la vertu s'y faifoit voir avec les attraits les plus

touchans.

On ne peut dire quelle joye conçut le Marquis de Salles d'avoir fçû découvrir un trétor fi précieux, & l'on peut juger avec quelle affiduité, il fréquentoit une Maifon où il trouvoir réuni tout ce qui pouvoit flater fes plus chéres inclinations; j'entens fon amour pour les beaux Arts, & fa paf

fion naiflante pour Mademoiselle de Rambouillet ; fon cœur rompit promptement les nœuds qui l'attachoient ailleurs, & fe donna tout entier à une perfonne fi accomplie ; heureux de trouver en elle un penchant réciproque, qui demeura cependant caché de part & d'autre, & qui durant quelques années ne fe manifefta que fous le nom d'amitié. D'ailleurs il y avoit dans ces commencemens affez peu d'apparence qu'ils puflent s'unir par des liens plus forts; car outre la différence de leur Religion qui fembloit y mettre un obstacle infurmontable, M. de Salles étoit un Cadet avec un bien modique, & Mademoiselle de Rambouillet avoit pour le mariage une averfion naturelle, qu'elle justifioit agréablement en difant quelquefois qu'elle ne comprenoit pas comment on pouvoit de fang froid fe donner un Maître; que les hom mes le font toujours, quoiqu'ils puiffent

dire; & que pour elle, elle renonceroit le plus tard qu'elle pourroit à fa liberté. Ils vêcurent donc ensemble fur le pied d'amis, jufqu'à ce que le tems, en applaniffant les difficultez, fit éclater leurs véritables fentimens, qui fembloient n'être ignorez que d'euxmêmes.

Sur ces entrefaites, le Marquis de 163 2 Salles qui fervoit en Alface fous les ou 3 34 ordres du fameux Bernard, Duc de Saxe-Weimar, apprit la Victoire que nos Troupes commandées par le Duc de Rohan, avoient remportée fur les Efpagnols dans la Valteline à l'attaque des Bains de Bormio; mais la Joyc d'une action fi glorieule fut bien temperée par la nouvelle qu'il apprit peu de tems après, que fon frere étoit mort des bleffures qu'il y avoit reçûës. Cette mort intéreffoit trop le Marquis de Salles, pour qu'on ne me fache pas quelque gré d'en rappor ter ici l'occafion & les circonftan

ces.

Le Duc de Rohan avoit été envoyé par le Roy dans la Valteline, pour la conferver dans le parti de la France, & pour empêcher que les Troupes de la Maifon d'Autriche ne communiquaffent par là avec l'Italie; mais le Duc après quelque féjour, nẹ fe croyant pas en état de refifter à l'Ennemi dont les forces furpaffoient de beaucoup les fiennes, réfolut d'abandonner ce pofte important, & de

retourner en France. Il s'étoit même déja mis en marche, lorfque le Marquis de Montaufier qui fervoit dans l'Armée en qualité de Maréchal de Camp, jugeant qu'avec du courage & de la conftance, on pourroit faire tête aux Espagnols malgré leur fuperiorité, repréfenta à fon General que fa retraite feroit ruineufe pour les affaires du Roy, & pour les fiennes ; qu'il y alloit de fa gloire & de celle de la Nation à foûtenir l'Entreprise, quoiqu'il en dût coûter ; & que fe défioit de fes lumieres, il lui confeilloit

s'il

feilloit d'affembler le plus qu'il pourroit d'Officiers, & de déliberer mûrement avec eux, fur le party qu'il y avoit à prendre dans des circonftances où il ne s'agiffoit pas moins que de fon honneur, & de la gloire du Roy.

Le Duc de Rohan fuivit un confeil fi fage: mais la plupart des Officiers confultez opinoient à la retraite. Le Marquisréfolu d'empêcher que cet avis ne paffât, dit que pour faire voir à Sa Majefté les fentimens, & les raifons de tout le monde, il falloit que chacun donnât fon avis par écrit, & figné de fa main. La nature de l'expedient, & la fermeté avec laquelle il étoit propofé, ébranla fort les Officiers, qu'aucun d'eux n'ofa plus foûtenir ce qu'ils croyoient neceffaire auparavant. L'amour de la gloire l'emporta fur la prudence ti mide, & on retourna dans la Valteline, déterminé à périr plutôt que de reculer. Les Ennemis ayant tenté le paffage au Val-de-Levin, Montaufier Tome L

E

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