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mais elle avoit eu le malheur, aufibien que M. le Baron de Montaufier, de naître, & d'être élevée dans la Religion Proteftante; funefte heritage qu'elle ne tranfmit que trop fidellement àfes enfans.

que

Dès fa douleur fut un peu rallentie, & que fes affaires commencerent à fe débrouiller, Madame de Montaufier travailla tout de bon à cultiver les tendres plantes qui lui étoient confiées. On ne fçauroit dire jufqu'où descendoit sa tendreffe; toujours attentive à ce qui pouvoit retarder ou avancer le fruit de fes fages inftructions; elle mettoit en ufage tous les innocens artifices d'un zele éclairé & industrieux, pour corriger les défauts, ou pour cultiver les vertus naiffantes de fes éleves. Elle trouva dans le Marquis de Salles des obstacles plus grands que dans les autres. Cet enfant d'un naturel vif & tout de feu, avoit de la peine à s'affujettir à une difcipline exacte, & il fals

loit fouvent que la mere employât la severité pour le ramener dans la route d'où fon humeur impetueufe le faifoit fortir de temps en temps.

Il faut avouer cependant que la prévention entroit pour quelque chofe dans la conduite de cette illuftre veuve à l'égard de ses enfans. Un certain amour de prédilection qui lui faifoit découvrir dans fon aîné jufqu'aux plus imperceptibles avantages du corps ou de l'efprit, cachoit fouvent à fes yeux les bonnes qualitez de fon cadet, que les personnes moins prévenues ne croyoient ni moins aimable,nimoins eftimable que fon frere. C'est ce qu'en penfoit entr'autres la fameule Comteffe de Braflac,fœur du Baron de Montaufier, qui fut depuis Dame d'honneur de la Reine Anne d'Autriche. Cette Dame pour adoucir la douleur qu'elle reffentoit de n'avoir point d'enfans, demanda à la bellefour le plus jeune de fes neveux, & fe chargea de l'élever auprès d'els

le elle obtint ce qu'elle defiroit. Jamais perfonne ne fut plus en état de donner à un jeune homme, ces principes de politeffe qui font neceflaires pour réuffir dans le monde. Elle auroit pû même tenir lieu au jeune Marquis du maître le plus habile dans les langues fçavantes, que fon inclination & fon efprit pénétrant lui avoient fait apprendre à elle-même, fans maître, feulement en affiftant aux leçons de fes freres. Mais la capacité ne fuffit pas tou jours dans ceux qui fe chargent de l'éducation d'un enfant ; il arrive d'ordinaire qu'une molle indulgence rend inutiles les plus beaux talens. Et c'eft ce qui arriva en effet au Marquis de Salles. Son extrême jeuneffe, fa vivacité, fes manieres pleines d'agrément, fes faillies ingenieufes, fa contenance ailée & hardie gagnerent le cœur de la Comteffe, & encore plus celui du Comte fon époux. Une affection outrée prit la place d'une fage amitié,

& par une complaifance que la tendreffe feule pourroit excufer. Ces deux perfonnes fi propres à former un cavalier parfait, laifferent à un neveu trop cheri toutes les imperfec

tions.

Une fiévre affez violente dont l'enfant fut alors attaqué, ne contribua pas peu à authorifer l'indulgence avec laquelle on le traitoit, & engagea fa mere à le venir voir. Elle apperçut avec douleur le peu de progrès qu'il avoit fait dans une fi excellente école; elle fut furprife de le trouver dans l'ignorance des premiers élemens.de fa langue maternelle, & plus fâchée encore de le voir accoutumé à suivre en tout les penchans, & difpofé à ne pas fouffrir patiemment ceux qui prétendroient s'y oppofer. Elle diffimula fon chagrin, & réfolue à ne pas permettre que les efperances qu'elle avoit conçues de fon fils, malgré les préventions, s'évanouiffent faute d'une éducation convenable, elle le retira

des mains d'un oncle & d'une tante qui l'adoroient, & le rejoignit à fon aîné. Le changement de difcipline ne fut pas long-temps fans produire dans le jeune Marquis un changement confiderable. Semblable à un Jardinier induftrieux, qui pour rendre un arbre fertile, coupe & retranche toutes les branches fuperflues; Madame de Montaufier s'arma d'une rigueur falutaire envers fon cadet, & pour lui faire prendre un bon pli s'étudia à contredire en tout fes inclinations. Par une conduite toujours ferme, & que les agrémens de l'enfant ne purent jamais déconcerter, elle le forma de bonne heure à la fatigue & au travail, à fouffrir fans fe plaindre le froid & le chaud, à courir à pied, à monter à cheval,à manger les chofes mêmes pour lefquelles il témoignoit le plus de répugnance, à fuir avec horreur le plus léger menfonge, à ne fe laiffer jamais vaincre par la douleur, & à retenir des larmes,

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