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Prélats d'emploier le glaive fpirituel contre ceux AN.1301. qui les offenfent, ni d'exercer leur jurifdiction fur les monafteres dont vous prétendez avoir la garde. Enfin vous traitez fi mal la noble Eglife de Lion & l'avez réduite à une telle pauvreté, qu'il eft difficile qu'elle s'en releve; & toutefois elle n'eft point de vôtre royaume, nous fommes parfaitement inftruits de fes droits, en ayant été chanoine.

Vous ne gardez point de moderation dans la perception des revenus des Eglifes Cathedrales vacantes, ce que par abus vous appellez Regale: vous confumez ces fruits & tournez en pillage ce qui a été introduit pour les conferver. Nous ne parlons point maintenant du changement de la monoïe & des autres griefs dont nous recevons des plaintes de tous côtez: mais pour ne pas nous rendre coupable devant Dieu qui nous demandera compte de vôtre ame, voulant pourvoir à vôtre falut & à la réputation d'un royaume qui nous eft fi cher: après en avoir deliberé avec nos freres les Cardinaux, nous avons par d'autres lettres appellé pardevant nous les Archevêques, les Evêques facrez ou élûs, les Abbez de Cîteaux, de Clugni, de Premontré, de faint Denis en France & de Marmoutier : les chapitres des cathedrales de vôtre royaume, les Docteurs en Theologie, en droit ca non & en droit civil, & quelques autres Ecclefiaftiques; leur ordonnant de fe prefenter devant nous le premier jour de Novembre prochain, pour les confulter fur tout ce que deffus, comme perfonnes qui loin de vous être fufpectes, font affectionnées au bien de vôtre royaume, dont nous traiterons avec eux. Vous pourrez, fi vous croyez y avoir interêt, vous y trouver en même-tems, par vous-même ou par des envoiez fidéles & bien inftruits de vos intentions. Autrement nous ne laifferons pas de

pro

proceder en vôtre abfence, ainfi que nous juge

rons à propos. La lettre finit par une exhorta- AN. 1301. tion à fecourir la Terre fainte..

Quant à ce qui eft dit de l'autorité fur les Rois, & du pouvoir d'arracher & de planter & le refte, ce font les paroles de Dieu adreffées à Jeremie, qui ne regardent que fa miffion extraordinaire comme prophete, & la commiffion de prédire les revolutions des états, fans lui donner aucun pouvoir pour l'exécution. Et quant à l'autre propofition, que le Roi eft foumis au chef de la hierarchie ecclefiaftiques, il en convenoit volontiers à l'égard des chofes fpirituelles, mais il eft évident par toute la fuite de la lettre que le Pape étendoit plus loin cette foumiffion, puifqu'il vouloit faire rendre compte au Roi du gouvernement de fon état, & être le fouverain juge entre lui & fes fujets. La lettre aux Pré- Diff. p. 536 lats de France pour les appeller en cour de Ro- Rain. n.29. me eft du même jour cinquiéme de Decembre; & par une autre lettre encore du même jour, p. 54. le Pape difpenfa de ce voyage les docteurs en droit qui propoferoient devant l'ordinaire des excufes legitimes mais pour les Evêques, il vouloit qu'ils lui propofaffent leurs excufes à lui

même.

La bulle Aufculta fili, fut prefentée au Roip.68. Philippe par Jaques des Normans Archidiacre de Narbonne, notaire & nonce du Pape; & le Roi en ayant oui le contenu en fut extrêmement furpris & troublé, comme furent auffi les Seigneurs qui fe trouverent auprès de lui. Par leur confeil il refolut d'affembler les autres Seigneurs qui étoient absens avec les Abbez & les communautez tant ecclefiaftiques que feculieres; & cependant le dimanche après l'octave de la Pu-1.59. rification, lorfque l'on comptoit encore en France 1301. c'est-à-dire le onzième de Fevrier 1302.

le

le Roi fit brûler la bulle du Pape au milieu de AN.1302. tous les nobles & les autres qui fe trouverent à Paris ce jour-là, & fit publier à fon de trompe cette exécution par toute la ville.

VIII. Affemblée de Paris.

p. 68.

L'affemblée ou parlement, comme on la nommoit alors, se tint à Nôtre-Dame de Paris le mardi dixiéme jour d'Avril de la même année 1302. en prefence du Roi, qui y fit propofer publiquement ce qui fuit par Pierre Flotte & quelques autres. L'Archidiacre de Narbonne m'a rendu de la part du Pape une lettre où il dit, que je lui fuis foumis pour le temporel de mon royaume, & que je dois reconnoître le tenir de lui: quoique jufqu'ici ni mes predeceffeurs ni moi n'ayons reconnu le tenir que de Dieu feul. Le Pape non content de ce difcours fi nouveau & fi inoui en ce royaume, a voulu en venir à l'exécution; & a mandé tous les Prélats, les Docteurs en Theologie & en droit de mon royaume, pour venir en fa prefence afin de corriger les abus & les torts que mes officiers & moi faifons, à ce qu'il prétend, aux Prélats & aux Seigneurs, aux Ecclefiaftiques & aux feculiers. Ainfi le Pape veut priver la France de fon plus precieux trefor, qui eft la fageffe des Prélats & des autres par le confeil defquels elle doit être gouvernée; & par le même moyen, il veut l'épuifer de fes richeffes & l'expofer à fa ruine.

:

Le Pape fait bien d'autres vexations au royaume & à l'Eglife Gallicane, par les referves & les collations arbitraires des évêchés & les provifions des benefices qu'il donne à des étrangers & des inconnus, qui ne refident jamais. D'où il arrive que le fervice divin eft diminué, l'intention des fondateurs fruftrée, les pauvres privés de leurs aumônes ordinaires, & le royaume p.69. apauvri. Les Prélats ne trouvent plus de fujets pour fervir les Eglifes, n'ayant point de bene

fices à donner aux nobles dont les ancêtres les ont fondés, & aux autres hommes de lettres: AN.1302. ce qui fait auffi qu'on ne donne plus aux Eglifes. Elles font encore chargées de penfions, de fubfides & d'exactions nouvelles de diverfes fortes on ôte aux métropolitains la liberté de donner des coadjuteurs à leurs fuffragans, & on prive tous les Evêques de l'exercice de leur ministe re, afin qu'il faille recourir au faint Siege & y porter des prefens. Tous ces abus font augmentés fous ce pontificat & augmentent tous les jours: je ne puis les tolerer plus long-tems.

C'est pourquoi je vous commande comme vôtre maître, & vous prie comme vôtre ami, dé me donner vos confeils & vôtre fecours, pour la confervation de nôtre ancienne liberté & le rétablissement du royaume & de l'Eglife Gallicane particulierement à l'égard des entreprises de mes officiers contre les droits de l'Eglife, s'ils en ont fait. J'avois refolu d'y remedier avant l'arrivée du nonce du Pape, & je l'aurois déja fait,' fi je n'avois voulu éviter qu'on l'attribuât à la crainte de fes menaces, ou à la foumiffion à fes ordres. Au refte, je vous déclare, que pour cet interêt general, je fuis prêt d'exposer tous mes biens, ma perfonne même & mes enfans s'il étoit befoin; & je vous demande tout prefentement une réponse precise & decifive fur tous ces articles.

Après cette propofition du Roi les Barons avec les findics des communautés laïques fe retirerent, & ayant deliberé ensemble, ils revinrent au Roi, lui donnerent de grandes louanges, & lui firent de grands remerciemens de fa genereuse refolution lui déclarant qu'ils étoient prêts d'expofer leurs biens & leurs perfonnes, jufqu'à fouffrir la mort & toutes fortes de tourmens, plûtôt que d'endurer les entreprises du Pape, quand même

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P. 70.

le Roi voudroit les tolerer ou les diffimuler. Le AN.1302. Roi voulut enfuite avoir la réponse des Prélats, qui demanderent plus de tems pour déliberer, & s'efforcerent d'excufer le Pape & de perfuader au Roi & aux principaux Seigneurs › que fon intention n'étoit pas de combattre la liberté du royaume ou la dignité royale: exhortant le Roi à conferver l'union qui avoit toûjours été entré l'Eglife Romaine, fes predeceffeurs & lui-même. Mais on les preffa de répondre fur le champ,. & on déclara publiquement, que fi quelqu'un paroiffoit être d'un avis contraire, il feroit tenu pour ennemi du Roi & du royaume. Alors les Prélats comprirent que s'ils ne contentoient le Roi & les Barons, ils attireroient des perils & des fcandales fans nombre; & que l'obéiffance des laïques envers l'Eglife Romaine & la Gallicane, feroit perduë entierement & fans retour. Dans cet extrême embaras, ils répondirent, qu'ils affifteroient le Roi de leurs confeils & des fecours convenables pour la confervation de fa perfonne, des fiens & de fa dignité, de la liberté & des droits du royaume, comme quelques-uns d'entre eux qui tenoient des feigneuries & d'autres fiefs y étoient obligez par leur ferment, & les autres par la fidélité qu'ils devoient au Roi. Mais en même-tems ils fupplierent le Roi de leur permettre d'aller trouver le Pape fuivant fon mandement, à caufe de l'obéiffance qu'ils lui devoient.. Ce que le Roi & les Barons declarerent qu'ils ne fouffriroient en aucune forte.

IX.

Prélats & des Sei

C'est ce qui fe paffa dans l'affemblée du dixié- Lettres des me d'Avril, comme nous l'apprenons de la lettre des Prélats au Pape dattée du même jour, où ils ajoûtent Confiderant donc cette émotion fi violente du Roi, des Barons & des autres laïques du royaume, & voyant la porte ouverte à une rupture entiere avec l'Eglife Romaine, &

gneurs.

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