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1.43.

n. 55.

Jo. XIII. 35.

Hift. lip. ziéme & du quatorziéme fiecle. L'animofité s'y LXXXIX. mit de telle forte, que c'étoit comme une guerre ouverte, & c'eft ce qui faifoit dire à Bonifaliv. LXVIII. ce VIII. au commencement de la bulle Clericis laicos, que les laïques ont une ancienne inimitié contre le clergé. Cette antiquité toutefois n'alloit tout au plus qu'à deux cens ans, & vers le tems d'Arnaud de Breffe: mais en remontant jufques aux cinq ou fix premiers fiecles de l'Eglife, on auroit trouvé une union édifiante entre le clergé & le peuple. Il eft vrai que JESUS-CHRIST dit, qu'il eft venu exciter une guerre fur la terre; mais c'eft entre fes difciples & les infidéles, non pas à l'égard de fes difciples entre eux; & en cette guerre toute la violence eft de la part des infidéles; les Chrétiens ne font que fouffrir fans refifter. Telle devoit être la conduite des ecclefiaftiques; c'étoit à eux à faire toutes les avances pour rétablir cette union que JESUS-CHRIST avoit tant recommandée, & donnée pour marque de ceux qui feroient veritablement fes disciples: c'étoit aux Evêques à s'attirer le refpect & l'affection des peuples par la fainteté de leur vie, Matth. x. leur zele pour le falut de leurs oüailles, le foin de les inftruire & de leur procurer toutes fortes de biens fpirituels & temporels, leur douceur, leur patience & toutes les autres vertus.

34..

Mais ils prenoient un chemin tout oppofé. Ce n'étoit que fierté, hauteur, plaintes ameres, reproches piquants, menaces, procedures judiciaires, excommunications & autres cenfures : tous moyens, non d'éteindre le feu, mais de l'allumer davantage. Ainfi les laïques irrités de plus en plus, en venoient aux voyes de fait & aux violences ouvertes. Ils arrêtoient les porteurs des lettres ou des ordres des Evêques qu'ils leur arrachoient & les déchiroient. Ils prenoient les clercs, les chargeoient de coups, les emprisonnoient, les ran-.

con

des cen

çonnoient & quelquefois les mettoient à mort ;
& à tout cela point d'autre remede que
fures tant de fois méprifées. Voilà les funeftes ef-
fets de cette divifion caufée principalement par
l'extenfion exceffive de la jurifdiction ecclefiaftiqua.

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C. 9.

XIII.

Outre les caufes que j'ai marquées de l'indignation des laïques contre le clergé, il en étoit fur- Inquifition. venu une nouvelle depuis environ cent ans, favoir le tribunal de l'Inquifition. On voit combien Inftitur. de il étoit odieux, par la difficulté de l'établir mê- e c. par. 3. me en Italie & dans l'état ecclefiaftique; & par Martyr.29. les Inquifiteurs mis à mort, comme faint Pierre A. Hift. de Verone compté entre les martyrs, le B. Pierre liv LXXVI. de Castelnau & tant d'autres. Or l'Inquifition n'é- " 36. toit pas feulement odieufe aux heretiques, qu'elle recherchoit & pourfuivoit, mais aux catholiques mêmes aux Evêques & aux magiftrats dont elle diminuoit la jurisdiction, & aux particuliers aufquels elle fe rendoit terrible par la rigueur de fa procedure. Vous en avez vû des plaintes frequentes, & grand nombre de constitutions des Papes pour moderer cette rigueur. Enfin quelques pays, après avoir reçu d'abord l'Inquifition l'ont rejettée, comme la France, & plufieurs ne l'ont jamais reçue fans que la religion Chrétienne y foit moins bien enfeignée ou pratiquée, que dans les pays où l'Inquifition eft la plus autorifée. Ceux qui ont vû ces differens pays peuvent en rendre témoignage.

La fin pour laquelle on a inftitué l'Inquifition, eft de purger ou preferver d'heretiques les lieux où elle eft établie : mais on a employé, pour parvenir à cette fin, des moyens qui naturellement produisent l'hypocrifie & l'ignorance. La crainte d'être denoncé, emprifonné & puni fur un fimple foupçon, dont le fondement fera quelque parole indifcrete empêche de parler de ce qui regarde la religion, de proposer ses doutes

fi l'on en a, de faire des queftions & de chercher à s'instruire. Le plus court & le plus für eft de fe taire, ou de parler & d'agir comme les autres, foit qu'on penfe de même ou non. Un pecheur d'habitude, qui ne veut pas quitter fa concubine, ne laiffe pas de faire fes pâques, pour n'être pas deferé à l'Inquifition au bout de l'année, comme fufpect d'herefie. Les pays d'Inquifition font les plus fertiles en cafuiftes relâchés.

La lecture eft un des meilleurs moyens de s'inftruire; mais elle eft difficile en ces pays-là. On n'y trouve l'écriture fainte qu'en Latin, non en langue vulgaire, & c'eft fe rendre fufpect de Judaïfme, que de l'avoir en Hebreu. Plufieurs bonnes éditions des peres & des autres auteurs ecclefiaftiques y font défendues, parce qu'elles font faites par des heretiques ou des auteurs fufpects. 'Du moins il eft ordonné d'en retrancher une préface, un avertiffement, un commentaire, une note: d'effacer à telle & telle page une ligne Ind. lib. pro- ou un not, comme il est specifié fort au long b. Madr dans l'index de l'inquifition d'Espagne. Sans ces 1667. fol. corrections il eft défendu fous de rigoureuses peines de lire le livre ou de l'expofer en vente. Les libraires aiment mieux ne s'en point charger : ainfi quantité de bons livres n'entrent point dans les pays d'inquifition.

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J'admire fur ce point, comme fur tout le refte Hift. liv. la fageffe des anciens. Nous avons un decret du XXX. . 35. Pape Gelafe publié dans un concile de Rome l'an Cons.p 1260.494. où font fpecifiés les livres que l'Eglife Romaine

to. 4.

reçoit & ceux qu'elle rejette: mais je ne voi point
de cenfures ou d'autres peines prononcées contre
ceux qui liront les livres apocryphes ou condam-
nés :
: ce qui me fait croire que l'Eglife fe con-
tentoit de les indiquer, fachant que c'étoit affés
pour les confciences timorées; & qu'une défenfe
rigoureufe ne feroit qu'exciter la curiofité des

libertins & des indociles. Saint Paul exhortant les fidéles à tout éprouver & retenir ce qui eft bon, femble leur accorder une fainte liberté d'en faire le difcernement. En general les pafteurs dans les 1.Thess. v. premiers tems, avoient foin de bien inftruire 21. les Chrétiens chacun felon fa portée: fans prétendre les gouverner par la foumiffion aveugle qui eft l'effet & la caufe de l'ignorance.

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XIV.

Les plaintes reciproques des ecclefiaftiques & des laïques furent le fujet de la fameufe difpute Plaintes de entre Pierre de Cugnieres & Pierre Bertrandi, devant le Roi Philippe de Valois. Mais on peut di

Pierre de
Cugnieres.

Hift. liv. re que la caufe de l'Eglife y fut mal attaquée & xciv. n. 3. mal défenduë: parce que de part & d'autre on 4. n'en favoit pas affés & on raifonnoit fur de faux principes, faute de connoître les veritables. Pour traiter folidement ces queftions, il eût fallu remonter plus haut que le decret de Gratien ; & revenir à la pureté des anciens canons, & à la difcipline des cinq ou fix premiers fiecles. Mais elle étoit tellement inconnue alors, qu'on ne s'avifoit pas même de la chercher; & ceux qui vouloient reftraindre l'autorité du Pape se jettoient dans le raifonnement, comme Marfile de Padouë: Hift. liv. qui par les principes de la politique d'Ariftote, xcIII. . prétendoit montrer que l'Empereur avoit droit Geld. Mon. to. 2.p.1556 de borner la jurifdiction des Evêques & du Pape même. Vous avez vû en quelles erreurs ces raifonnemens le conduifirent.

Dubonl.si.

Il faut toutefois obferver. qu'entre les erreurs de Marfile, on comptoit une propofition très- to.4. p.2.16, veritable, & la faculté de théologie de Paris donna dans cette méprife: la propofition qu'elle condamna eft que le Pape ou toute l'Eglife enfemble ne peut punir de peine coactive aucun homme, quelque méchant qu'il foit, fi l'Empereur ne lui en donne le pouvoir. Toutefois la puiffance que l'Eglife a reçuë de J. C. eft purement Tome XIX. b

fpiri

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fpirituelle & toûjours la même, je pense l'avoir montré le refte vient de la conceffion des princes, & fe trouve different felon les tems & les lieux.

Deux prélats répondirent à Pierre de Cugnieres, favoir Pierre Roger élu Archevêque de Sens, & Pierre Bertrandi Evêque d'Autun. Ils s'arrêterent long-tems à prouver que la jurisdiction temporelle n'eft pas incompatible avec la fpirituelle, & que les ecclefiaftiques font capables de l'une & de l'autre mais ce n'étoit pas la question: il s'agiffoit de favoir s'ils l'avoient effectivement, & à quel titre. Si c'étoit par l'inftitution de J. C. ou par la conceffion des princes; & fi les princes ne pouvoient pas révoquer ces conceffions, quand le clergé en abufoit manifeftement.

Pour établir le pouvoir des prêtres fur les chofes temporelles, l'Archevêque employe les exemples de l'ancien teftament. Melchifedec prêtre & Roi; Moïfe & Aaron, Samuël, Efdras, les Rois de la famille des Maccabées. Mais ces exemples prouvent tout au plus que les deux puiffances peuvent être unies par accident en une même perfonne ce qui n'étoit pas contesté : pour aller plus loin, il auroit fallu prouver deux propofitions, l'une que les prêtres de l'ancienne loi euffent eu pouvoir fur le temporel comme prêtres, l'autre que J. C. eut établi fon Eglife fur le même plan que le gouvernement temporel des Ifraëlites. Or on ne prouvera jamais ni l'un ni l'autre ; & il eft évident par toutes les écritures du nouveau teftament, & par toute la tradition des dix premiers fiécles, que le royaume de J. C. eft purement fpirituel, & qu'il n'eft venu établir fur la terre que le culte du vrai Dieu & les bonnes mœurs : fans rien changer au gouvernement politique de differens peuples, ni aux loix & aux coûtumes qui ne regardent que les interêts de la vie prefente.

L'Archevêque prétend enfuite montrer que fa in

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