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n. 20.

non, que s'il alloit avec la lenteur de l'ombre d'un cadran. Que fi on reconnoît qu'un corps qui va plus vîte, a plus de force que s'il étoit plus lent, on reconnoit que la difficulté n'a plus de force elle - même, puifqu'elle prouve également qu'un corps plus prompt n'a pas plus de force que s'il étoit plus lent.

279. Je répondrai donc que fi on confi. dére la chose du côté de Dicu qui ne nous a) Voyez eft point connu par des idées intuitives (a), nous ne pouvons pas dire qu'il faille plus de force Divine pour remuer un corps que pour le laifler en repos. La force Divine eft d'une nature différente de toutes celles que nous connoiffons, elle ne contient point en elle-même & dans fon effence, de plus ni de moins, ce n'eft que dans les effets qu elle produit.

280. La force Divine eft infinie & en même tems très-fimple; parcequ'elle eft fimple, elle ne peut être employée que toute entiére à la fois; parcequ'elle eft infinic & toujours employée toute entiére à la fois, elle n'eft pas plus grande pour les plus grands que pour les plus petits effets, c'eft pour cela que la création du monde (b) Ludens in_ n'a été qu'un jeu pour elle (b).

orbe terrarum.

281. Mais il ne s'agit pas ici de la quantité de force Divine qui eft employée pour remuer les corps ou pour les produire en repos. Cette force nous étant inconnue ne doit pas nous fervir pour mefurer des grandeurs connues telles que font l'étendue & la vitefle des corps. Il s'agit de favoir s'il y a plus de force créée dans un corps en

mouvement

mouvement que dans ce même corps en repos. Or la force des corps consistant en ce qui s'y trouve de permanent, capable de contenir du plus & du moins, & de produire des effets différens felon qu'il est plus ou moins grand; & la maffè & la viteffe ayant ces deux caractéres, je dis qu'un corps en repos qui n'a que fa maffe a moins de force que s'il étoit en mouvement, auquel cas il auroit toujours fa maffe & encore outre cela une vitesse, de même que ceux qui font l'objection veulent qu'il y ait plus de force créée dans une grande que dans une petite masse, quoique du côté de Dieu ce foit la même vertu qui produit l'une & l'autre.

282. Mais, dira-t-on, quand on voudroit confidérer les chofes du côté du corps même, il paroît qu'un corps en mouvement, c'est-à-dire exiftant fucceffivement dans les lieux A, B, C, ne contient rien de plus que s'il étoit toujours au lieu A. Car s'il contenoit quelque chose de plus, ou ce plus feroit du côté du corps même ou du côté des lieux dans lesquels ce corps fe trouve l'un après l'autre : or ce ne peut être du côté du corps même. Pour le comprendre confidérons un corps d'un pied cubique, ce corps ne fera pas plus grand quand il fera en mouvement, que quand il eft en repos; dans l'un & l'autre cas il n'aura ni plus ni moins d'un pied cubique. ; ainfi ce plus ou ce moins ne peut venir de fon côté. Confidérons à préfent les lieux : le licu 4 n'eft pas plus grand dans le premier instant du

F

mouvement que dans le premier instant du repos. B, au fecond inftant du mouvement n'eft pas plus grand que A au fecond moment du repos & ainfi de fuite; & on ne peut pas dire que ces trois lieux ensemble étans plus grands que le lieu A feul, il y a plus dans le corps en mouvement qui lés occupe tous trois que dans le corps en repos qui n'en occupe qu'un feul: car le corps en mouvement n'eft pas dans ces trois lieux en même tems, mais l'un après l'autre or il ne faut avoir égard qu'à ce que le corps occupe à la fois, puifque deux lieux occupez l'un après l'autre ne valent pas plus par raport au corps qui les occupe, qu'un feul occupé continuellement, vû qu'à chaque inftant le corps n'eft qu'en un feul lieu qui n'eft pas plus grand que cclui où le corps feroit en repos.

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283. Il femble que ceux qui font cette inftance s'imaginent que le corps en mouvement demeure pendant tout le premier tems, c'est-à-dire depuis le commencement jufqu'à la fin de ce premier tems, immobile dans le lieu A fans commencer à en fortir & à entrer dans le lieu B, qu'enfuite dès le commencement du fecond tems, ce corps fe trouve tout d'un coup tout entier hors le lieu A fans qu'il y ca refte rien & tout entier dans le lieu B fans y être entré par parties, & qu'il y demeure comme en repos pendant tout le fecond moment & ainfi de fuite; mais il s'en faut beaucoup que la chofe foit ainfi; ce premier tems fe divife encore en plufieurs parties qui font les unes après les au

res, & ces parties fe divisent elles-mêmes en d'autres parties à l'infini. Toutes ces parties de tems répondent chacune à fa partie du mouvement, le corps au commencement du premier tems commence à entrer fa premiére furface dans le commencement du lieu B, & à fortir fa derniére furface du commencement du lieu A. Il fort fucceffivement du lieu A & entre fucceffivement dans le lieu B, de forte qu'il n'eft entiérement dans le lieu B qu'a près la fin du premier tems & au commencement du fecond (c); & fi on veut pren dre pour le licu A du corps en mouvement le lieu entier qu'il parcourt depuis le commencement jufqu'à la fin du premier tems, ce lieu contiendra le lieu A du corps en repos, & une partie du lieu B auffi grande que ce lieu A du corps en repos, c'est-àdire que le licu A du corps en mouvement pendant le premier tems fera double du licu A du corps en repos, & de même du lieu B.

284. Il eft donc faux que le lieu A dans le premier tems du mouvement, ne foit pas plus grand que le lieu A dans le premier tems du repos, fi par le lieu A dans le premier tems du mouvement on entend tout l'espace décrit pendant ce premier tems: car tout corps en mouvement dans quelque partie de tems que ce foit, oc cupe ou décrit un efpace plus grand que foi (d), & on doit avoir égard à la vitesse de ce corps: car de même qu'un corps en mouvement, dans quelque partie de tems que ce foit, occupe un efpace plus grand

(e) Voyez le n. 227, & la Planche 1.

Fig. 3.

(d) N. 223%

1.225.

(e) Fin du que s'il étoit en repos (e), de même un corps qui va plus vîte occupe plus d'espace dans ce même tems, qu'un autre qui va plus lentement (f); & c'eft pour cette raiN. 249. fon que j'ai dit (g) que moins un corps a de viteffe, plus il approche du repos.

(f) N. 230.

285. Il eft vrai que quand on veut regarder de près le mouvement & fa viteffe, il fe préfente à notre efprit un abîme fans fond & une immensité de ténébres qui terminent & femblent même obfcurcir ce beau

jour qui nous paroît au premier afpect. Cet être qui d'abord nous paroiffoit fi clair ne préfente plus qu'un affreufe nuit quand on veut y pénétrer un peu trop avant, comme on peut le voir par ce qui a été dit ci-deffus (b); mais quoique cela foit ainfi, quand on veut chercher la vitefle dans fes caufes & dans fes premiers principes,il fuffit cependant que nous concevions par une (i) Voyez le idée intuitive (i) la viteffe elle-même, &

(b) Depuis fe n. 190 juf

qu'au 200.

A. 20.

(k) Fin du A. 238.

que l'expérience nous la faffe voir exiftante: car cela pofé, fans nous arrêter à chercher fes caufes que nous ne connoiffons point par des idées intuitives, nous la regarderons elle-même comme un principe très-certain d'où nous déduirons dans la fuite nos conclufions, & comme une caufe dont nous tâcherons de conclure les effets: or dans ce que nous connoiffons de la vitefle, nous voyons (k) qu'elle eft capable de contenir du plus & du moins.

286. La quatriéme difficulté a coutume d'être propoféc en cette forte. La force qui meut le corps ne doit point être diftinguée de celle qui le produit & le con

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