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306. Je demande en troifiéme lieu que l'on m'accorde que l'étendue eft divifible indéfiniment, c'est-à-dire en parties auffi petites qu'il fera néceffaire pour expliquer les effets qui fe préfentent dans ce monde vifible; de forte que quelques petites que nous ayons pû fuppofer les parties de l'étendue finiment divifée, nous puiffions encore les fuppofer plus petites, fi cela eft néceffaire pour l'explication de quelque effet de la nature vifible.

307. Nous avons dit ci-deffus (d)& nous avons clairement prouvé (e) que l'étendue eft divifible à l'infini, ainfi l'on ne doit pas avoir de peine préfentement à l'accorder divifible à l'indéfini. De plus il eft cer tain qu'il n'y a point de parties fi petites que l'on ne doive en reconnoître encore d'autres plus petites poffibles, quelque oppofition que notre imagination puiffe y former. Un nombre innombrable d'effets de la nature nous démontrent des corps d'une fubtilité qui échape, je ne dis pas feulement à nos fens, mais même à notre imagination: car fans parler de ces petits. animaux que l'on découvre par le moyen du microfcope, qui font fi petits qu'il en faudroit plus de mille pour faire le moindre petit point fenfible, fans parler des petits corps qui compofent le fang & toutes les parties de ces petits animaux, qui doivent avoir leurs organes auffi bien que nous; comment expliquer la maniére dont les corps vivans fe nourriffent, croiffent & engendrent leurs femblables, fi on ne reconnoît pas des corps d'une fubtilité qui

[d] Fin du n. 114.

[e] Depuis le n. 80 juf qu'au 114

furpaffe tout ce que l'on peut imaginer. 308. Qu'il me foit donc permis de fup pofer des corps de telle groffeur ou de telle petiteffe que je voudrai, lorfque j'en aurai befoin pour expliquer les phénomênes qui fe préfenteront dans la nature.

309. Qu'il me foit auffi permis de fuppofer dans les corps telle viteffe que je voudrai, fi j'en ai befoin pour expliquer les effets qui fe préfenteront, puifque la viteffe peut être augmentée ou diminuée N. 238. à l'infini (f) & que l'on ne peut refufer ce qui eft evidemment néceffaire pour expliquer les phénoménes de la nature lorfque l'on veut en entendre l'explication.

310. On ne peut encore fe difpenfer de m'accorder que les parties de l'étendue ne fe pénétrent point au fens des Philofophes, c'est-à-dire ne fe pénétrent point de telle forte, que les parties de l'une ne foient pas feulement environnées par les parties de l'autre, mais même foient précisément en même efpace que les parties de l'autre : car quand même cette pénétration feroit poffible & concevable, il faudroit toujours fuppofer que Dieu ne veut pas qu'elle arrive dans les mouvemens de la nature; fans cela il n'y auroit aucune régle pour qu'un corps qui en rencontre un autre, le remue ou foit réfléchi, puisqu'il pourroit paffer au travers. Quand un corps en rencontreroit un autre, il ne fe trouveroit aucune raifon de faire aucun changement ni dans l'un ni dans l'autre, chacun pouvant demeurer dans l'état où il étoit auparavant, fans que leur rencontre s'y opposât. Dicu

pourroit bien changer leurs directions, les remuer ou les retarder felon fon bon plaifir, quand même ils feroient pénétrables; mais ces mouvemens, ces changemens de direction & ces retardemens ne feroient plus fondez fur la nature des chofes fi les corps pouvoient naturellement fe pénétrer, & ils ne feroient plus du reifort des Philofophes. Or nous ne pouvons point concevoir que les différens ouvrages de la nature puiffent fe former comme ils font, par la rencontre des corps, à moins que ces corps ne foient remuez ou ne changent de direction ou de vitesse à la rencontre les uns des autres.

311. En quatriéme lieu, quoiqu'un corps ne puiffe jamais être abfolument feul, caufe des autres corps qui l'environnent, quoiqu'il ne puifle arriver que ces corps qui l'environnent n'empêchent ou n'aident point fon mouvement; cependant je demande qu'il foit permis de confidérer chaque corps fcul, c'est-à-dire de ne le comparer avec les autres corps que comme à des efpaces parcourus fans avoir égard aux empêchemens ou fecours qu'ils lui apportent.

312. En effet pour favoir ce qui doit réfulter de l'empêchement ou du fecours des corps étrangers, il faut favoir ce qui convient à chaque corps en particulier par lui-même, & confidéré indépendemment de ces fecours ou de ces empêchemens : car ce réfultat dépend de ce qui convient à chacun indépendemment des autres, chacun ayant fa part dans l'effet à proportion de ce qu'il eft & de ce qu'il a.

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313. Cette maniére de confidérer les corps dans un état où ils ne fauroient être & de confidérer en eux ce qui dérive de ce qu'ils feroient dans cet état, fe nom me abstraction; il eft donc auffi permis de confidérer le corps en cet état, quoiqu'il n'y foit jamais, qu'il eft permis de confidérer dans l'animal fa qualité d'ani mal, fans faire attention s'il eft raifonnable ou irraifonnable, quoiqu'il n'y ait point & qu'il ne puiffe y avoir d'animal qui ne foit l'un ou l'autre.

314. En cinquiéme lieu je demande que l'on m'accorde qu'il exifte dans la nature corporelle un mouvement qui ne foit point produit par les corps, & qu'il me foit per mis de ne confidérer dans ce mouvement que fa nature, fans avoir égard à la maniére dont fa caufe le produit, ni aux changemens qui peuvent arriver par les changemens de fa caufe ou par les différentes circonftances de la libre volonté de cette cause.

315. Puifque les différens effets de la nature ne se produiroient point fi les différentes parties de l'étendue n'étoient différemment rangées & divifées, & que cet arrangement & cette divifion ne peuvent fe faire que par le mouvement, j'ai raison de demander à celui qui veut entendre l'explication des effets de la nature, qu'il m'accorde ce mouvement.

316. Et puifque j'ai prouvé (g) que le mouvement doit être produit dans la nature corporelle par une cause incorporelle, j'ai encore raifon de demander qu'il exifte

un mouvement qui ne foit point produit par les corps.

que

317. Mais comme nous ne connoissons par unc idée intuitive (b) aucune autre caufe incorporelle que notre efprit, & nous ne connoiffons pas même la manière dont notre efprit agit fur notre corps, nous ne pouvons pas déterminer les différentes circonftances & les différentes combinaisons des caufes incorporelles avec les corps; par conféquent s'il plaît à Dieu de mouvoir les corps, fans que les régles qui font les fuites de la fimple nature du mouvement & des circonstances corporelles où ces corps & leurs mouvemens fe trouvent, foient obfervées, ce mouvement passera chez le Phyficien pour un miracle & ne fera point du reffort de notre Phyfique imparfaite, quoiqu'il puiffe appartenir à la Phyfique parfaite, & qu'il foit auffi naturel aux combinaisons des caufes incorporelles qui le produifent, que ceux dont nous connoiffons les caufes.

[b] Voyez le

11, 20,

[i] N. 311,

318. Et comme il eft permis (i) de confidérer par abftraltion & d'une maniére 312 fimple les êtres les plus environnez de circonftances & qui entrent dans les compofitions les plus embaraffées, le Phyficien peut & doit ne confidérer dans les mouvemens que Dieu produit, autre chofe que la nature & les fuites de la nature de ccs mouvemens & des circonftances où ils fe trouvent, qui peuvent lui être connues par des idées intuitives (h).

313

(b) Voyez le

n. 20.

[k] N. 300

319. Il s'enfuit que quoiqu'il foit certain (k) que le mouvement n'eft dans la nature & 301.

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