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Ce que l'on apporte pour expliquer une chofe, doit donc être plus clair que ce que l'on veut expliquer. On ne conçoit point clairement ces forces prétendues, qui ne confiftent ni dans la maffe ni dans la viteffe des corps. On ne les repréfente que par des idées abstractives (g), par une ref- [q] Voyez le Temblance éloignée avec les forces con- n. 20. nues, par les chofes connues aufquelles elles fe rapportent, c'est-à-dire, par les fujets dans lefquels on dit qu'elles font, & par les effets que l'on prétend qu'elles produifent. Pour ce qui les regarde ellesmêmes, on ne peut en dire autre chose, finon que ce font des forces, fans pouvoir dire comment elles font faites. Or les forces des corps ne font pas faites comme les forces de l'efprit.

334. On ne fait ce que c'eft, ni comment eft fait ce que je ne fai quoi, que certains Philofophes (r) reconnoiffent [r] Les Da dans les corps pour les remuer, & qu'ils goumériftes. nomment en latin impetus, c'est-à-dire, impetuofité. Ils nous difcnt que c'est une application de la force Divine au corps pour le mouvoir. Mais comment fe fait cette application? Nous ne concevons ni cette application ni la force Divine par une idée intuitive [9], nous ne connoiffons autre chofe en Dieu les corps, que fon Decret éternel. La force Divine n'eft pas une force créée, ce n'eft point la force du corps même. Donc fi la force du corps ne consiste ni dans fa maffe ni dans fa vitefle, & que toute fa force pour remuer les autres

, pour remuer

G

corps, foit cette impétuofité, il s'enfuit que les corps n'ont point de force, & que nous avons toûjours raifon de dire qu'il n'y a autre chofe dans les corps mêmes en quoi leurs forces puiffent confifter, que leur maffe & leur viteffe.

335. Mais quoique la maffe & la viteffe des corps ne puiffent paffer pour les forces de la caufe premiére, parcequ'elles ont befoin d'une caufe étrangère qui les produife, elles font cependant de vrayes forces de caufes fecondes & inftrumentales; & les effets qui fuivent d'elles, font véritablement produits par elles. Cela eft fi vrai qu'il fuffit, dans la Phyfique, de fuppofer une étendue exiftante, & du mouvement dans cette étendue avec certaines directions, fans fe mettre en peine fi ces chofes font produites par une cause étrangére, ou fi elles exiftent d'elles-mêmes, pour en déduire les différens effets, & que la recherche de l'origine de ces chofes appartient à la Métaphyfique ou à la Théologie naturelle; de même que quoique le mouvement d'un pinceau ne foit qu'une force d'inftrument, parcequ'il faut une caufe pour le produire : fi cependant on fuppofe ce mouvement dans le pinceau avec toutes les directions différentes par lefquelles le tableau cft produit, ce tableau fe trouvera fait, & s'enfuivra véritablement de ce mouvement, foit que l'on fuppofe que le pinceau fe remue par lui-même, ou qu'un Peintre lui donne le mouvement, & il ne faut point s'imaginer qu'à l'occafion du mouvement & des rencontres du

pinceau, quelqu'un averti de ces rencontres, vienne immédiatement faire ce tableau, fans que le pinceau fafle autre chofe que lui fervir d'occafion pour le déterminer à le faire.

336. Je remarque en troifiéme lieu, que je ne conçoi aucune raifon pour qu'un corps agifle fur un autre, c'est-à-dire, faffe quelque changement dans cet autre à moins que l'état de cet autre ne lui foit un obftacle qui l'empêche de demeurer dans l'état où il eft, c'eft-à-dire, dans fon repos ou dans fa direction de mouvement, ou dans fon degré de viteffe.

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337. Et comme un corps A ne peut augmenter óu diminuer la viteffe d'un autre corps B, fans agir fur lui, je ne conçoi point de raifon pour qu'un corps A augmente ou diminue la viteffe d'un autre corps B, à moins que B demeurant dans fa premiére viteffe ne fafle obstacle au corps A, & ne l'empêche de continuer la fienne.

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338. Je remarque en quatrième lieu que deux corps en repos, l'un à l'égard de l'autre, font toûjours également éloignez l'un de l'autre ; s'ils ne fe touchent pas, ils ne fe toucheront jamais, tant qu'ils demeureront en repos l'un à l'égard de l'autre.

339. Je remarque cinquièmement, que deux corps en repos, l'un à l'égard de l'autre, ne peuvent fe faire l'un à l'autre aucun obftacle qui les empêche de demeurer chacun comme il eft. Cette propofition eft claire. Tant qu'un corps B sera

[s] Par le n. 336.

en repos à l'égard d'un autre corps A, il peut continuer de demeurer comme il est, fans que le corps A, fuppofé auffi en repos à l'égard de B, ceffe de demeurer comme il cft, c'est-à-dire en repos : ou A en repos n'empêche point B de demeurer en repos, il ne le pouffe ni le preffe, puifque pouffer ou preffer font des actions qui réfultent de quelque mouvement.

340. Il s'enfuit premiérement (s) que deux corps en repos, l'un à l'égard de l'autre, ne fe feront jamais rien l'un à l'autre, ou n'agiront jamais l'un fur l'autre, tant qu'ils feront en repos.

341. Il s'enfuit en fecond lieu, que s'il arrive réguliérement & conftamment qu'un corps fe trouvant auprès d'un autre corps, l'un des deux foit remué, quoiqu'ils ayent d'abord paru tous deux en repos, il fau[] N. 327. dra conclure () qu'il y a autour d'eux ou dans l'autre quelque troifiéme corps que l'on ne voit point, lequel eft en mouvement, & qui remue le premier.

342. Je remarque fixièmement, qu'un corps en repos confidéré feul, ne fe remuera jamais. Car outre que le repos eft une fuite neceffaire du corps confidéré [*] N. 263. feul (u), ce corps étant en cet état ,y doit demeurer jufqu'à ce qu'il arrive quelque changement: or tant qu'il reftera fçul, il n'arrivera aucun changement, c'eftpourquoi indépendamment même de la propofition du n. 263, celle-ci peut paffer pour

axiome.

343. Il s'enfuit que quand un corps qui étoit en repos, commencera de fe remuer,

il faut qu'il foit furvenu quelque caufe étrangère, ou quelque nouvel aflemblage de circonftances & de caufes, différent de celui qui étoit auparavant, & ces causes doivent être des corps en mouvement (x). [x] N. 327. 344. Je remarque feptiémement qu'un corps en mouvement contient toute la même quantité de maffe qu'il contiendroit s'il étoit en repos, & outre cela il contient de la viteffe qu'il ne contiendroit pas étant en repos.

345. D'où il s'enfuit (y) qu'un corps en mouvement contient toute la force qu'il contiendroit s'il étoit en repos, mais qu'un corps en repos ne contient pas toute la force qu'il contiendroit s'il étoit en mouvement; & cette conféquence a déja été prouvée ci-deffus (2).

346. Il s'enfuit auffi que le raport de la viteffc d'un corps A qui eft en mouvement, à la vitefle d'un autre corps B en repos, eft toujours plus grand que le rapport de la maffe de cet autre B à la mafle de A, puifque les deux ont toujours quelque maffe & que B n'a point de viteffe. 347. Et par conféquent (a) les forces corps A en mouvement, fi petit qu'il foit & quelque lentement qu'il aille font plus grandes que celles du corps B en repos ; & fi CCS deux corps fe trouvent en concours, A doit vaincre B.

du

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348. Je remarque en huitiéme lieu que fi deux corps A & B vont vers le même côté D fuivant la même ligne E F ou deux lignes paralléles (b) G H & IK, celui qui va devant; fçavoir A ne peut ja

[y] N. 329.

[z] Depuis le n. 249 jufqu'au 255, & depuis le n.

259 jufqu'au 267.

[a] N. 330.

[b] Planche 1. Fig. 4.

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