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ou on pourroit s'y prendre pour produire en lui cette idée. Tout ce que l'on pourroit faire, feroit de remuer en fa préfence un corps, c'est-à-dire, de faire paffer ce corps d'un licu en un autre lieu, lui faire décrire le chemin qui eft de l'un à l'autre de ces lieux, & lui dire que ce chemin décrit, eft ce que l'on nomme une longucur, ou bien de lui montrer un fil ou un corps long, en lui difant que c'eft là ce que l'on nomme longueur. Cette opération ne produiroit pas en cet homme l'idée de la longucur, elle ne feroit que le rendre attentif à l'idée qu'il en avoit déja auparavant, & à lui faire remarquer à quel mot ou à quel fon de la voix on attache cette idée.

25. Nous ne concevons point qu'une lon-gueur puifle être feule fans aucune largeur. On ne conçoit même jamais aucune longucur fans concevoir en même tems quelque largeur; mais on peut concevoir une longueur fans avoir égard à la mesure de la largeur qui l'accompagne, & fans déterminer cette largeur: on peut examiner les propriétez & les effets qui viennent de la longueur, fans penfer à ceux qui dépendent de la largeur. Par exemple quand on eft fatigué d'avoir marché, on ne s'en prend pas à la largeur mais à la feule lon gueur du chemin, quoiqu'il n'y ait point de chemin fans largeur, & qu'il foit même impoffible de repréfenter un chemin, fans repréfenter en même tems quelque largeur, du moins indéterminée. La longueur ainfi confiderée feule & fans atten-tion particuliére à fa largeur, fe nommes premiére dimenfion..

26. Si on conduit de front une longueur le long d'une autre longueur, il réfultera une nouvelle dimension. Par exemple que (Planche. la longueur AB(k) foit conduite le long

Fig. 1.

de la longueur A D, & tranfportée de la fituation AB à la fituation D B, elle décrira une feconde dimenfion, laquelle confiderée feule le nomme largeur, fuperficie, furface.

27. Si on conduit une furface ou largcur de front le long d'une ligne ou longueur, cette furface décrira une troifiéme dimenfion. Par exemple fi la furface A B C D Planche 1. (4) eft conduite de front le long de la ligne Fig. 2.

(0) N. 22. Voy. N. 20

(g) N. 23 &

24.

ou longueur D E, cette furface décrira la dimension C F, & cette troifiéme dimenfion eft nommée épaiffeur, folidité ou felide. Les trois dimenfions ensemble & chacune féparément, font nommées étendue ou maffe.

28. Puifque la largeur ou fuperficie n'est autre chofe qu'une longueur multipliée par (98) N. 26. une autre longueur (m) & qu'un folide n'eft autre chofe qu'une largeur multipliée par (a) N. 27: une longueur, (n) il s'enfuit (•) que nous. avons une idée intuitive (p) de largeur ou furface, & d'épaiffeur ou folide auffi-bien que de la longueur. Il s'enfuit (9) même que l'on ne peut produire en nous ces idées par aucune explication, mais que l'on peut feulement exciter l'efprit à faire attention à ces idées, en fe fervant du mouvement d'une ligne le long d'une autre ligne ou d'une furface le long d'une ligne, & faifant connoître par là le fon de la voix ou le mot auquel on attache ces idées.

29. Il s'enfuit encore que toute largeut ou furface peut être mesurée par deux longucurs ou lignes, fçavoir par la ligne qui a décrit cette largeur, & par la ligne le long de laquelle on a conduit celle qui l'a décrite en les multipliant l'une par l'autre. Par exemple la largeur de la furface A B B D (r) peut fe mefurer par la longueur AB & (r) Planche par la longueur A D, multipliée l'une par Fig. 1.

l'autre.

30. De même l'épaiffeur ou folidité peut être mefurée par une longueur & une largeur ou fuperficie, multipliée l'une par l'autre, fçavoir par la ligne le long de laquelle on a conduit cette largeur ou furface qui a décrit cette folidité ou épaiffeur. Par exemple on peut mesurer l'épaiffeur du folide CF (s) par la longueur AB, en con- (s) Planche r duifant ou multipliant la surface A DEF Fig. par la ligne A B.

31. Cette idée de l'étendue eft dans tous les hommes, ce que nous venons de dire ne peut la former, il peut feulement enga ger l'efprit à l'envifager. Après quoi nous remarquerons que la forme de ce monde vifible renferme ces trois dimensions, c'està-dire, longueur, largeur & épaiffeur, & l'idée que nous avons de ce même monde, renferme l'idée de ces trois dimensions; de forte que fi on nous ôtoit cette idée des trois dimenfions, il feroit impoffible de concevoir ce monde.

32. Et quand même nous nous perfuaderions que la fubftance de ce monde, ou la chofe qui eft le fujet de cette belle forou dans laquelle fubfifte cet admira

me,

ble fpectacle qui frape nos fens, pourroit fubfifter fans étendue ; quand même nous voudrions reconnoître dans cette fubftan se certaines formes fubfiftantes, diftinguées de cette belle apparence que nous admirons; ces formes, dis-je, que les Ecoles appelloient autrefois fubftantielles, en les regardant comme des efpeces d'ames qui animent chaque partie de ce monde, defquelles ames quelques-uns doutent fi elles font étendues, nous ne pourrions jamais douter que cette forme qui frape nos fens & que nous admirons, ne renferme l'éten (1) Fin d'un duc, c'est-à-dire, (†) la longueur, la largeur & l'épaifleur.

27.

33. C'eft à cette fubftance, qui eft le fujet de toutes ces formes qui compofent ce monde vifible & fenfible, & dans laquelle toutes ces formes fubfiftent, que j'ai don() N. 17. né (a) le nom de corps. D'où il s'enfuit que la notion du corps renferme l'étendue, ou du moins un raport à l'étendue, & cc raport, fuppofé que le corps ne foit pas l'é tendue même, ne peut être qu'un raport de fujet à fa forme, c'est-à-dire à fa maniére ou façon d'être.

34. Il s'enfuit auffi qu'il faut procéder à la recherche de la nature & des propriétez de l'étendue, pour connoître la nature du corps.

35. Or fi-tôt que je commence à m'apliquer à la recherche de la nature de l'éten

due, la premiere chofe que j'aperçois, c'eft que je ne trouve en moi aucune idée intui(x) Voyez le tive (x) laquelle me représente aucun être qui par fon existence puiffe exclure l'exi

R.-20.

ftence de l'étendue, c'eft-à-dire, que je ne connois point cet être lui-même, que je ne fçai comment il eft fait, & que je ne conçois point l'état des chofes ou comment les chofes feroient s'il n'exiftoit aucune étendue. De forte que s'il y a un tel être, je ne le connois que par l'idée générale d'êtte ou de quelque chofe, & par l'éten due qui feroit ic terme du raport d'oppofition que cet être auroit avec elle. Ainsi je ne peux concevoir par une idée intuitive (y) qu'il n'exifte ou qu'il puiffe n'exifter (3) Voyez le aucune étenduc.

36. Il s'enfuit que notre efprit ne peut envifager l'idée de l'étendue fans fe perfuader, par un préjugé naturel, que l'étendue cxifte, & même qu'elle exifte néceffairement, qu'elle eft infinie & éternelle.

que notre

n. 20.

37. Car quand nous penfons à l'étendue, notre efprit vcit & aperçoit quelque chofe : ce quelque chofe que notre efprit aperçoit, exifte dans le moment qu'il l'aperçoit. Il y a contradiction à dire efprit voit & aperçoit ; & que cependant il ne voit & n'aperçoit rien, ou que ce qu'il voit & ce qu'il aperçoit n'exifte point au moment qu'il le voit & l'aperçoit : car notre efprit le voit & l'aperçoit comme existant. 38. Un Philofophe renommé dans notre Univerfité, (2) prétend que notre efprit peut apercevoir ce qui n'exifte point; mais il faut qu'il confonde ce mot apercevoir avec celui de concevoir, comme font pluficurs autres Philofophes qui nomment nos vais. idées perceptions, & qui refufent ce nom perception aux fenfations, c'eft-à-dire au

(z) M. Poi

tevin Profeffophie au Col lege de Beau

feur de Philo

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