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(x) N. 2 & 3.

voir & fans réfléchir bien fur l'idée que nous avons (x) d'effence.

64. Quand ils veulent, rendre raison de cette immobilité, ils difent 1°. Que le fujet de cette étendue eft fimple, & par conféquent indivifible; mais cette raifon cft tirée du fujet que cette étendue a, & non pas de ce qu'elle est.

65. Ils difent 2°. Que les parties de cette étendue ne font que des formalitez ou perfections indivisibles & inféparables; mais fi-tôt que cette étendue eft étendue, elle a des parties éloignées les unes des autres. Si ces parties éloignées ne font que des formalitez, cette qualité de formalitez ne peut empêcher celles qui fe touchent de s'éloigner, ou felle les en empêche, celles qui font éloignées ne font plus de fimples formalitez, mais de vraies fubftances féparables.

66. Ils difent 3°. Que cela vient de ce que cette étendue eft la régle du mouve(y) Réponse ment, (y) qu'elle eft le premier efpace dans. qui m'a été lequel toutes les autres étendues font leurs donnée par mouvemens & qui ne peut en avoir", n'y nier Profef- ayant point d'autre étendue dans laquelle feur de Phi- ce premier efpace puiffe fe mouvoir, mais lofophie au 10. Cette raifon eft tirée d'un raport de College 'de régle au mouvement, & non point de l'ef

M. le Mon

Harcourt.

fence même de cette étendue. 2o. Une

étendue qui eft mobile en un fens peut être la régle du mouvement d'une autre étendue. Par exemple un batteau qui eft en mouvement par raport aux rivages, eft la régle & la mesure du mouvement d'un homme dans ce même batteau: car fi cet

homme marchant d'un bout à l'autre de ce batteau fait deux ou trois toifes de chemin, ces deux ou trois toifes fe mefureront par raport au batteau dans lequel cet homme marche. De plus, toutes ces différences viennent de fuppofitions faites par ces Philofophes, qui ne font point prouvées, que l'on ne voit point dans la nature de ces étendues, ni fuivre de leur na

ture.

67. Mais pour achever cette démonstration qui fera expliquéc plus au long dans un autre Ouvrage, confidérons que l'on ne conçoit que trois maniéres dont les partics d'une étendue puiffent être immobiles; favoir, ou parcequ'elles feroient néceffairement liées chacune à celles qui la touchent & qui l'environnent immédiatement, ou parcequ'elles tiendroient à une autre étendue qui feroit intimement au-dedans d'elles & les pénétreroit, ou enfin parcequ'aucunes d'elles ne pourroit fe quitter foi-même.

68. Or nous venons de faire voir (z) qu'il n'y a rien dans les parties d'une étendue qui lie néceffairement chacune de fes parties à celles qui l'environnent & qui la touchent immédiatement. La feconde maniére de concevoir une étendue immobile ne peut avoir aucun lieu : car quand même il y auroit plufieurs fortes d'étendues, ce qui n'eft pas, (a) dont l'une feroit le premier cfpace de toutes chofes le premier lieu de tous les êtres, fi les parties de cet efpace étoient immobiles, cela ne pourroit venir de ce qu'elles fe

ou

(2) N. 62.

(a) N. 58.

roient attachées néceflairement à un autre cfpace qui feroit au-dedans d'elles & qui les pénétreroit. Je croi que cette propofition peut bien pafler pour un axiome, & je ne pense pas que ces Philofophes ayent envie de la contefter, puifque fi cela étoit, cet efpace ne feroit plus le premier espace, mais en fuppoferoit un autre qui le pénetreroit intimement & auquel il feroit attaché.

69. La derniére maniére de concevoir un efpace immobile n'a pas plus de licu que les deux autres, c'eft-à-dire que chaque partie de l'efpace ne peut être appellée immobile précisément, à caufe que chacune ne peut fe quitter foi-même, & cette propofition peut, auffi bien que la précédente, être mife au rang des axiomes, autrement rien ne feroit mobile, tout feroit abfolument immobile, puifque rien ne peut fe quitter foi-même. Les parties de l'étenduc ne font mobiles que parcequ'elles font capables de quitter d'autres parties d'éten duc. Par exemple, mon corps eft en mouvement quand il quitte un jardin, une maifon où d'autres corps auprès defquels il étoit & dont il s'éloigne, quoiqu'il ne fe quitte jamais foi-même.

70. D'où il s'enfuit qu'il n'y a aucune maniére dont nous puiffions concevoir une étendue immobile. Je fai bien que toute l'étendue du monde ne peut fe remuer toute entiére & passer toute entiére d'un licu dans un autre, car il faudroit fuppofer une autre étendue qu'elle qui l'environnât, un lieu qu'elle quitteroit & un autre dans

lequel elle iroit, & elle ne feroit pas toute l'étendue du monde; mais il n'y a point de partie dans cette étendue qui ne foit pable de mouvement.

ca

71. De tout ce qui a été dit ci-deffus, il eft aifé de conclure quelle eft l'effence du corps, ou il faut dire que nous ne la connoiffons point: car de la notion que nous avons donné (b) ci-deffus, nous pouvons conclure. 1. (e) Que l'effence du corps confidérée précisément en elle-même, diftinguée de tous fes modes & de toutes fes propriétez, doit être quelque chofe de fubfiftant en foi-même, c'est-à-dire ne doit être ni mode, ni formalité, ni raport d'un autre être que foi-même. 2°. Que tout ce qui étant confidéré précisément en foimême n'eft pas conçû comme fubstance, mais feulement comme réellement uni, & pour parler avec l'Ecole, identifié quant au fond avec une fubftance, n'eft point auffi l'effence du corps.

72. Il s'enfuit que la pluralité des parties qui fubfiftent chacune en foi-même, n'eft point l'effence du corps: car quoique la pluralité des parties, qui font fubitances, foit réellement & dans le fond une même chofe avec ces fubstances, cette pluralité confidérée précisément en elle-même n'eft pas fubitance, & cela eft fi vrai qu'elle convient aux modes: or la chofe précise qui eft fubftance ne peut convenir aux modes. 73. Ces partics qui font fubftances & qui font plufieurs, avec lesquelles cette pluralité eft réellement unie, font bien l'ef fence du corps, mais elles n'en font que

(b) N. 17 (c) N. 3

l'effence inconnue : car être partic, ou la qualité de partie, qui eft une des chofes que nous connoiffons dans ces parties, n'eft pas la chofe qui fubfifte en foi-même; la propriété de fubfifter en foi-même & de n'être point façon d'un autre que foi, n'cft, pas non plus la chofe même qui fubfiste en foi-même, elle eft feulement unic & réellement identi ée avec cette chofe ;.. c'eft de cette chofe qui fubfifte en foi, même, qui eft partie, qui a la pluralité, qui a cette propriété de fubfifter en foimême, qu'il s'agit de favoir comment elle cft faite ou quelle est son effence.

74. Il s'enfuit auffi que la qualité de principe ou de racine de l'étendue n'eft pas l'eflence du corps, & que ce feroit plutôt la chofe qui a cette qualité, fuppofé que. l'étendue elle-même ne foit pas l'effence. du corps; mais cette chofe, qui eft racine de l'étendue, nous eft inconnue : nous. pouvons croire qu'elle eft racine, mais nous ne favons point comment elle eft fai-te. Toutes les racines ne font pas faites les. unes comme les autres, la racine de l'é tendue ne doit pas être faite comme la tacine de la penfée, fuppofé que la pensée &. l'étendue ayent des racines; ainfi fuppofé que l'eflence du corps fût une racine d'étendue, cette eflence nous feroit inconnue,, (d) N. 56. mais de plus il eft aifé de voir (a) que cette racine de l'étendue eft purement imagi

& $7.

(e) N. 17.

& 71.

naire.

75. Puifque l'effence du corps doit être. une chofe fubfiftante en foi-même (e) &. fujet de toutes les formes qui compofent

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