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131. Cela n'empêche pas qu'on ne regarde comme lieu de grands efpaces dans lefquels font plufieurs corps, par exemple une chambre où eft un homme; mais pour lors ce font des lieux communs à plufieurs corps; & le lieu propre de chacun est la furface qui le touche immédiatement, & qui eft fon licu dans le grand lieu commun. Par exemple dans une chambre, qui elt le lieu commun de tout ce qui eft dedans, fe trouve le lieu & la place particuliére de chaque chofe, celle de la table, d'une chaife, &c. & c'est par rapport au lieu propre & particulier que fe doit eltimer le mouvement propre & particulier de chaque chofe.

132. Je remarque enfin que c'est par le lieu que les corps font ou voifins ou éloignez les uns des autres, & que chaque lieu cft la mesure du mouvement des corps qui font dans ce lieu-là. Ces deux propofitions & celles des n. 122, 128 & 130, contiennent les conditions que les Philofophes ont coutume de demander pour le lieu, & elles peuvent bien paffer pour axiomes.

133. Il s'enfuit des n. 125, 128, 130, & de la fin du n. 131, que la définition du mouvement apportée par M. Defcartes eft jufte, & qu'elle explique en même tems le mouvement & le lieu: voici cette définition. Le mouvement est le transport d'un corps du voisinage d'autres corps. qui le touchent immédiatement, entant qu'ils font en repos, dans le voisinage d'autres corps auffi confiderez entant qu'ils font en repos.

134. Si on veut une définition plus exacte, on pourra partager celle de M. Defcartes en deux, en difant que le mouvement ef le paffage d'un corps d'un lieu en un autre lieu, & que le lieu d'un corps font les corps qui l'environnent & qui le touchent immédiatement entant qu'ils font en repos.

135. Ces définitions du lieu & du mouvement font affez courtes, comme chacun peut le voir. Elles font claires, puifqu'il n'y a perfonne qui ne conçoive les corps qui environnent immédiatemenr un autre corps & un repos dans ceux qui environnent. Nous concevons affez le paffage d'un lieu en un autre, ou la préfence fucceffive d'un corps à toutes les parties d'un autre corps les unes après les autres, pendant que les parties de cet autre corps n'ont aucun mouvement les unes à l'égard des autres. Chacun conçoit cela par une idée intuitive, & le conçoit auffi clairement qu'il conçoir la longueur, la largeur & l'épaiffeur; & fi quelqu'un difoit qu'il ne fait ce que c'est qu'un paffage d'un lieu en un autre, & une préfence fucceffive d'un corps à toutes les parties d'un autre corps, lefquelles font en repos les unes à l'égard des autres; on ne pourroit faire autre chofe que de conduire en fa préfence un corps le long d'un autre

corps.

(b) Par le

136. Ces définitions font réciproques, puifque (6) il n'y a point de lieu qui ne foit corps, & réciproquement l'étendue n. 125. étant divifible à l'infini (c) il n'y a point de corps fi petit qui n'en contienne d'au- n. 88,89,9

(c) Par les

tres plus petits dont il peut être le lieu. Enfin on peut montrer par plufieurs exem ples que ces définitions peuvent fervir à expliquer toutes les propriétez qui nous font connues du lieu & du mouvement.

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137. Premiérement quand un navire defcend rapidement le long du rivage un homme affis au milieu de ce vaisleau ne remue pas & ne quitte point fa place: mais s'il va d'un bout à l'autre du vaifleau, que ce vaiffeau ait trente pieds de long, cet homme fera veritablement en mouvement, il parcourra trente pieds de chemin ; ce mouvement, ce chemin parcouru ne feront point imaginaires, ce fera une vérité & une réalité : ce qui ne fe peut concevoir que parceque le vaiffeau eft le lieu véritable de cet homme, entant que les párties du vaiffeau gardent toujours entr'elles le même ordre, & font en repos les unes à l'égard des autres.

138. En fecond lieu, qu'un tonneau plein de vin foit emporté dans un vaisseau fuivant le courant de l'eau, quoiqu'il foit vrai que le tonneau & le vin ont un mouvement commun avec le bateau, par rapport aux rivages & au fond de l'eau, aux diverfes parties defquels ils répondent perpendiculairement l'une après l'autre, cependant le vin n'et point en mouvement par raport au tonneau duquel il ne fort point, ni le tonneau par rapport au vaiffeau dans lequel il eft fixc.

139. Que fi pendant que le bateau defcend, fivant le courant de l'eau, on roule le tonneau d'un bout à l'autre de ce ba

teau, & que pendant ce même tems le vin forte du tonneau, alors il fe fait plufieurs mouvemens qui ne font point imaginaires, mais réels, l'un du tonneau par raport au barcau, & la mefure de ce mouvement fera ou la longueur du bateau, ou la longueur que le tonneau aura parcourue dans le bateau; l'autre du vin par rapport au tonneau, & fa mcfure fera la quantité dont le vin jaillira hors du tonneau, par exemple, d'un pied.

140. En troifiéme licu, fi nous concevons que pendant qu'un tonneau plein de vin eit mû fur la terre d'orient en occident, le vin forte du tonneau, & jailliffe d'occident en orient avec la même viteffe avec laquelle le tonneau eft mû d'orient en occident, de forte qu'il tombe fur le même endroit de la terre vis-à-vis duquel il répondoit en fortant du tonneau, quoile vin ne fe mcuve que de haut en bas par raport à la terre, cependant par rapport au tonneau il va d'occident en orient; & comme ces raports font réels, ces mouvemens font auffi réels.

que

141. Enfin, qu'un homme fe promene d'un bout à l'autre d'un vaifleau qui defcende rapidement, fuivant le courant de l'eau, qu'il tiennne en fa main droite une montre, que de la droite il la mette dans la gauche, il fe rencontrera ici plufieurs mouvemens; le premier du vaiffeau par raport aux rivages, lequel fe mefurera par la longucur du rivage qui aura été parcourue par le bateau : le fecond de l'homme par rapport au bateau, lequel se me

22:132.

furcra par la longueur de ce bateau le troifiéme de la montre par raport au corps de cet homme, lequel fe mefurera par la distance de fes mains : le quatriéme des roues par raport aux côtez de la montre, lequel fe mefurera par les côtez de cette montre qui font fixes les uns à l'égard des autres.

142. Puifque le lieu doit être la mesure (d) Par le du mouvement des corps qui font dans ce lieu (d), puifque c'eft unc des conditions que les Philofophes demandent pour le lieu, & que cette condition peut paffer pour un axiome, puifqu'il eft fi clair que les différens corps fervent de mefure au mouvement des autres corps qu'ils environnent, entant que les parties de ceux qui environnent font en repos les unes à l'égard des autres ; il s'enfuit que ces corps qui environnent, entant que leurs parties font en repos les unes à l'égard des autres, font le vrai lieu des corps environnez, & que le mouvement de ceux-ci doit être défini par raport à ceux-là. 143. J'ai vû des Philofophes répondre à ces raifons , que tout ce qui vient d'être dit elt bon lorfqu'il ne s'agit que, des mouvemens particuliers, mais qu'il faut un efpace général pour fervir de mefure au mouvement général. Je demande à ces Meffieurs-là ce qu'ils entendent par mouvement & efpace général; eft-ce l'affemblage de tous les efpaces & de tous les mouvemens ? Cet affemblage n'eft compofé que des mouvemens & des efpaces particuliers; & par confequent le mouvement général devra fe mefurer par l'affemblage de tous les corps, qui eft l'affemblage de tous les lieux, fe

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