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lon ce qui vient d'être clairement prouvé.
(e) Entendent-ils le mouvement abftrait de
tous les mouvemens particuliers, c'est-à-
dire réellement uni avec tous les mouve-
mens finguliers, mais confideré fans faire
attention à aucun d'eux ? Il faudra le mesu-
rer par le lieu en général abftrait de tous
les lieux particuliers, qui fera le corps en
général abftrait de tous les corps fingu-
liers. Que la chofe doive être ainfi en gé-
néral, cela fe démontre par la fimple idée
des chofes (f) & par tous les finguliers. (g)
144. Mais pour rendie cette veri-
té encore plus fenfible,
faifons voir que
ces Meflicurs ne peuvent cux-mêmes s'em-
pêcher de reconnoître la définition de Mon-
fieur Descartes. Ils veulent que l'on admet-
te une étendue réellement diftinguée de cel-
le des corps, & que cette étendue foit im-
mobile, & même que fes parties foient aussi
immobiles les unes à l'égard des autres. Mais
je leur demande comment il fe peut faire
que les parties de cet cfpace foient immobi-
les les unes à l'égard des autres ? Est-ce
cequ'il ne fe trouve point de puiffance affez
forte pour les, arracher les unes d'avec les
autres ? Cette immobilité ne viendroit plus
de leur nature & de leur cffence, elles fe-
roient mobiles de leur côté. D'ailleurs ces
Meffieurs reconnoiffent avec nous un Dicu
Tout-puiffant, qui peut tout ce qui eft pof-
fible en foi.

par

145. Que trouvera-t-on donc dans la nature de ces parties, qui les rende immobiles? Eft-ce que chacune eft effentiellement attachée à celles qui l'environnent, & qui la

(e) N. 125,

& depuis le n. 133, juf. qu'au 142.

(N. 122. (g) Depuis le n. 137, jufqu'au 141.

touchent immediatement, ou que fon effen ee l'attache neceffairement à un autre efpace interieur qui la pénétre comme l'on fuppofe qu'elle pénétre les corps, ou parceque chacune ne peut fe quitter foi-même, ou en fin parceque chacune n'a point d'autre ef pace intérieur à quitter.

146. Prenons pour exemple la partie de l'efpace où eft préfentement Paris. Je ne conçoi pas & je ne croi pas que ces Meffieurs conçoivent que cette partie foit par fa nature moins capable de mouvement que Paris même. Car on ne peut pas la dire immobile de sa nature, faute de puiffance, Par la fin capable de la mouvoir on vient de le prouver. (b)

du n. 144.

147. On ne peut pas dire qu'elle foit immobile, parceque fon effence l'attache à un autre efpace interieur. 19. Parceque l'on ne reconnoît point d'autre cfpace interieur à cette partie, & qu'on la fuppofe être partie du premier efpace. 2°. Parceque fi on admettoit pour elle un autre efpace intérieur, il faudroit par la même raison un troifiéme efpace à ce fecond pour le rendre immobile; il faudroit des efpaces les uns pénétrans intimement les autres à l'infini; il n'y auroit plus de premier efpace, & il n'y en auroit plus d'immobile contre l'intention de ces Meffieurs. 30. Parceque quand on admettroit un nouvel cfpace intérieur pour cette partie de l'efpace; il s'agiroit de trouver dans l'effence de cette partie quelque chofe qui l'attachât plus à ce nouvel efpace, que Paris n'est attaché à

elle.

148. On ne peut pas dire que cette partie d'efpace où eft Paris, foit immobile; parcequ'elle ne peut fe quitter elle-même ; car cela ne la rend pas plus immobile que Paris, & que tout autre corps, puifqu'un corps ne fe quitte jamais lui-même, foit qu'il foit en mouvement ou en repos.

149. On ne peut pas non plus répondre que cette partie foit immobile, parcequ'elle n'a point d'autre efpace intérieur à quitter. 10. Parceque ce feroit fuppofer ce qui est en question, savoir, que pour être en mouvement il faille quitter un efpace interieur diftingué de foi. C'eft une propofition qui n'eft pas claire d'elle-même, & qu'il s'agit de prouver: car què ces Meffieurs y prenRent garde, s'il leur plaît, ils fe difent Philofophes, ils ne doivent point foutenir de fentiment qu'ils ne l'aient clairement prouvé; ils difent qu'ils conçoivent une étendue immobile, il faut qu'ils tâchent de la faire concevoir en donnant de bonnes raifons de cette immobilité; & ces raifons pour être bonnes ne doivent point fuppofer la queftion. 2o. Parceque dans la fuppofition que cette partie vînt à quitter fculement celles qui l'environnent immédiatement, fans en quitter une intérieure qui la pénétre, on ne pourroit pas nier qu'elle ne fût en mouvement. Ainfi il faut neceffairement que ces Meffieurs, pour concevoir cette partie immobile, fuppofent qu'un mouvement de cette Partie, relatif aux parties d'efpace qui l'environnent immédiatement, eft exclu par cette immobilité prétendue, & toute la difficulté ne peut

(i) Par la fin P. 144.

tomber que fur les parties qui l'environnent, favoir, fi clle leur eft attachée par fon effence & par fa natute. Car fi fon essencc & fa nature ne l'y attache point, cette nature ou effence ne l'empêchera point d'en être feparée, elle fera mobile de fa nature; & fi elle ne peut être mûe, ce ne fera que faute de puiflance étrangere, capable de la mouvoir; ce qui ne peut fe dire. (i)

150. Or en fuppofant cette partie immobile, parcequ'elle ne peut quitter celles qui l'evironnent, c'est reconnoître une immobilité qui exclut le mouvement par lequel elle quitteroit celles qui l'environnent ; c'eft reconnoître pour mouvement la féparation de cette partie d'avec celles qui l'environnent, fuppofé que cette féparation foit poffible, puifqu'il faut l'exclure pour en exclure le mouvement, & pour rendre cette partie immobile: c'eft en un mot reconnoître malgré foi la définition du mouvement que nous avons apportée, qui ne confifte qu'en ce qu'une partie d'étendue quitte celles qui l'environnent.

ISI. Mais

pour ne laiffer point là notre difficulté, demandons un peu à ces Mefficurs ce qu'ils trouvent dans l'effence de cette partie qui l'attache à celles qui l'environnent. Qu'y a-t-il dans la partie d'efpace que j'occupe préfentement, & dont on prétend que je fuis pénétré, qui l'attache aux parties d'efpace qui font autour de moi, & qui me touchent immédiatement plutôt qu'à celles qui environnent à Rome un autre homme comme moi ? Voit-on dans cette partie une ncceffité qu'elle foit envi

ronnée de celles-ci plutôt que de celles-là, comme on voit dans l'idée d'un cercle que fes diametres doivent être égaux ? J'en prens à témoin la confcience même de ces Philofophes; ou s'ils peuvent vaincre le témoignage de leur confcience, qu'ils nous expliquent clairement ce qu'ils voyent dans la nature de cette partie qui l'attache à celles-ci plutôt qu'à celles-là.

(k) Par les

152. Diront-ils que cette partie cft immobile par la fimplicité du fujet dans lequel elle exifte, que pour être en mouvement, il faut une divifron, & que Dieu qui eft le fujet de l'immenfité, elt fimple & indivisible? On leur répondra que cette fimpli cité du fujet n'empêche point que ce fujet ne fe trouve tout entier en chaque partie de l'efpace (k), & que ces parties d'efpace ne foient de vraies parties. Quoique ces Mef- n. 109 & 110. fieurs difent que ce ne font pas des parties de fubftance, ils accordent pour la plupart que ce font des parties d'étendue & des parties d'efpace. Mr Dagoumer le dit & le foutient expreflément, ceux qui parlent autrement penfent de même ; & quand on voudroit leur refufer le nom de parties, oh les reconnoîtroit toûjours pour des lieux diftinguez & même éloignez les uns des autres (). Le lieu de Paris eft éloigné de celui de Rome, quoique l'on dife que l'un & 110. de ces lieux eft quant au fond & à la subftance, une même chofe que l'autre, parceque l'on prétend qu'ils fubfiftent en une même fubftance; cependant l'un n'eft pas précisément l'autre, autrement être dans l'un de ces lieux, feroit être dans tous, & remplir l'immenfité,

(1) N. 189

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