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153. Il s'enfuit que quand même ces parties (foit qu'on les nomme réelles, ou virtuelles, ou formelles, car le nom n'y fait rien ne pourroient être divifées par une divifion qui en fit plufieurs fubftances ou qui les fît appartenir à plufieurs fubftan ces, rien n'empêcheroit de leur côté qu'elles ne fuffent divifées par une divifion qui leur fît toucher immédiatement d'autres parties que celles qu'elles touchoient auparavant.

154. Dira-t-on que ces parties ne font que de fimples formalitez inféparables & indivifibles qui fubfiftent toutes indivifiblement en un même fujet, & qui résultent inféparablement de l'éxiftence de ce fujet ? Mais, 1o. ces parties ne fentent point la formalité, elles ont tout l'air de fubftances (m), elles font le lieu; tout eft en elles, & elles ne font point en un autre; Dieu même cft en elles felon ces Philofophes, & c'est par leur moyen que Dicu eft tout hors de luimême, Totus extrà fe totum. 2o. Je demande à ces Philofophes fi cette partie d'efpace où je fuis à préfent, fe trouveroit féparée de celles qui l'environnent préfentement, fuppofé.qu'elle ceflât d'être immédiatement touchée & environnée par elles & qu'elle commençât de l'être par celles qui environnent à Rome une autre partie parcille de l'efpace. Si, fuppofé que l'on appelle cela féparation, la fimplicité du fujet de ces parties, & la qualité de formalité que l'on prétend leur attribuer, doit empêcher cette féparation.

155. Je m'allure que ces Philofophes fe trouvent ici dans la preffe. Ils commencent

à fentir la force du raifonnement: ils prévoyent bien que l'on va leur dire que fi c'est une féparation, la partie d'efpace qui eft à Rome se trouve féparée de celle qui eft à Paris; & que fi la fimplicité du sujet ou la qualité de formalité empêche cette féparation, la partie d'efpace qui eft à Rome, & celle qui eft à Paris ne font plus de fimples formalitez, ni dans un fujet fimple, mais font autant de fubftances. Que fi enfin la partie d'efpace qui eft à Rome, & celle qui eft à Paris, malgré leur éloignement, ne laiflent pas d'être de fimples for-` malitez & non pas des fubftances, & que fi cela ne les empêche point d'être dans un fujet fimple, celle qui eft à Paris pourra ceffer de toucher immédiatement celles qui l'environnent, être touchée de celles qui touchent Rome, fans que l'une & l'autre cefle d'être formalité, & de fubfifter dans un fujet indivifible; & comme cela devroit s'appeller mouvement, il () s'enfuit que la qualité de formalité & la fimplicité du sujet ne doivent point empêcher les Parties de l'immenfité de nos Philofophes d'être en

mouvement.

156. Quelques-uns d'entr'eux fentans bien la force de ce raisonnement, aiment mieux dire que ce n'elt ni la fimplicité du sujet, ni la qualité de formalité qui rend ces parties. immobiles, mais feulement parcequ'il faut un cfpace & une régle du mouvement. Que cette réponse eft foible! 1o. Ces parties ne font donc pas imunobiles par elles-mêmes & pour elles-mêmes : mais pour le mouvement des corps dont il faut qu'elles foient

(") Par le n. 150.

(0) N. 128.

(p) N. 119, & depuis le n. 137, julqu'au 142.

(g) Depuis en. 144, juf

la régle. 20. Etre la régle du mouvement, c'eft le mefurer, c'est être la mesure du chemin qu'un corps parcourt par fon mouvement. Il est bien vrai que ce qui eft la mcfure d'un mouvement ne doit pas être mobile, entant qu'il fert à mefurer ce mouvement (o), mais il peut bien être mobile en un autre fens, & par rapport à une autre chofe (p).

157. Enfin nos Philofophes répondent que ces Parties de l'immenfité Divine n'ont point de lieu pour se remuer, qu'elles ne font ni en mouvement ni en repos, puifqu'elles font le premier licu. Mais on leur a montré (9) qu'elles ne peuvent être immobiles, qu'entant qu'elles font toujours en même fituation les unes à l'égard des autres, que cette même fituation des unes à l'égard des autres mérite bien le nom de repos, puifque le changement de fituation exclu par cette prétendue immobilité feroit un mouve) N. 150. ment ().

qu'au 150.

158. Mais fans difputer du nom, fuffit-il de dire en gencral que ces parties font immobiles, parcequ'elles n'ont point de lieu à changer? Comparons-les chacune à celles qui l'environnent & qui la touchent immédiatement.. Celles-ci ne font-elles pas le lieu de celle-là ? Celle-là a donc un lieu à changer. Que fi celles-ci ne font pas le licu de celleslà, quand on diroit que les parties de l'ef pace quittent celles qui les environnent immédiatement, il ne s'enfirivroit pas qu'elles quittaflent leur licu, ni qu'elles fuffent en mouvement : & fi cela eft, nos Philofophes n'ont plus de raifon de nous dire que la

partic

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partie d'efpace où je fuis, ne peut pas
quitter celles qui l'environnent, & fe
trouver avec celles qui environnent Rome,
& d'en apporter pour raifon, que l'efpace
eft immobile. Que fi une fois ils accor-
doient que les parties de l'efpace peuvent
quitter celles qu'elles touchent immédia-
tement, qui ne voit qu'ils accorderoient
un mouvement dans les parties de l'espace,
ils le fentent bien, ils n'ofent dire qu'une
partie d'efpace peut quitter l'autre. Ils
regardent donc l'autre comme le lieu de
la premiere. Il est donc vrai que les par-
tics de l'efpace ont chacune un lieu distin-
gué d'elles, & qu'elles peuvent le quitter:
& par confequent on ne peut rien trouver
dans l'efpace qui rende fes parties immo-
biles les unes à l'égard des autres. Je mon-
trerai en un autre Ouvrage les affreuses
conféquences qui s'enfuivent du fentiment
de ceux qui croient que cet espace subsiste
en Dieu, comme dans fon fujet.
159. Il fe peut faire, dira-t-on qu'un
poiffon réfifte fi bien au courant de l'eau
dans une riviere, qu'il réponde toujours
aux mêmes endroits du rivage, & du fond.
En ce cas le poiffon feroit fans mouvement.
Il ne changeroit donc pas de licu, & ce-
pendant il feroit fans ceffe environné de
différens corps ; d'où il s'enfuit que ces
corps ne font pas le lieu, comme on l'a
dit ci-deflus. (

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160. Quelques-uns répondent que les eaux font en mouvement, & que M' Defcartes n'a défini le lieu & le mouvement que par rapport aux corps qui font en re

D

(3) N. 125

pos mais cette réponse n'eft pas jufte : car quoique les eaux foient en mouvement par rapport aux rivages & au fond, quoi même que les parties infenfibles de l'eau aient entr'elles un mouvement qui fait la liquidité; cependant les parties fenfibles ou les amas fenfibles de parties infenfibles gardent toujours le même ordre entr'eux, & l'eau defcend comme toute d'une piece le long du rivage.

161. Il eft donc plus exact de répondre que quoique ce poiffon ne foit pas en mouvement par rapport aux rivages, il y eft par rapport à l'eau. En effet, fuppofons cette eau diviféc par plufieurs barres de differentes couleurs, & que nous ne voyions ni le fond ni les rivages, mais feulement l'eau & le poiffon, alors nous verrions fenfiblement le poiffon marcher & monter dans cette eau de barre en barre : ce poiffon eft dans l'eau, comme l'Homme () N. 141. dont il a été parlé ci-dessus (†) dans le vaiffeau.

162. On dira encore que nos définitions du mouvement, & du lieu expliquent le mouvement & le lieu par le repos, d'où on prétendra qu'il s'enfuit deux grandes abfurditez; la premiére, que le mouvement fe trouvera défini par fon contraire : la feconde, que le repos fe trouvera défini par lui-même, puifqu'il faut définir le repos par le lieu, & que nous définissons le lieu par le repos.

163. Je répons à cela que les idées que nous avons du lien, du mouvement & du les n.198 20. repos, font intuitives, () fi claires qu'el

() Voyez

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