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les n'ont pas befoin de définition ; & que toutes ces définitions que l'on en donne, ne font que des comparaifons que l'efprit fait de ces idées entr'elles, lefquelles fervent à fixer l'efprit, à l'empêcher de s'égarer & fe perdre en des raifonnemens creux, qui lui font fuppofer deux fortes d'étendues, comme s'il les entendoit.

164. Ceux qui font cette difficulté ne prennent pas garde qu'elle eft autant contr'eux que contre nous car ils admettent pour lieu un efpace immobile, c'est-à-dire, dont les parties font en repos, ou du moins ne fe meuvent point les unes à l'égard des autres, & ils définiffent le mouvement & le repos par rapport à cet efpace.

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165. Ces Philofophes nous oppofent encore une difficulté. Le mouvement & le repos, difent-ils, font quelque chofe de réel il faut donc les définir par quelque chofe de réel, & non point par une chofe qui ne foit que dans notre confideration. Monfieur Descartes a donc tort de les définir par les corps confidérez entant qu'ils font en repos.

166. Je répons à cela que les corps font réellement en mouvement & réellement en repos tout à la fois en divers fens. Par exemple, un vaisleau qui defcend avec rapidité, fuivant le courant des eaux, eft réellement en mouvement par rapport aux rivages, & fes parties font réellement en repos les unes à l'égard des autres. Dans ce dernier fens, c'est-à-dire, entant que les parties du vaiffeau font réellement en repos les unes à l'égard des autres

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(x) N. 141.

définit le mouvement d'un homme dans ce vaiffeau, par rapport à ce vaiffeau (x). Quand nous dirons donc avec Mr Descartes que le mouvement doit être défini par rapport aux corps confiderez comme en repos, nous ne prétendrons pas que le mouvement foit défini par rapport à l'action de notre efprit qui confidére les corps, mais par rapport au fens réel & véritable des corps, dans lequel fens notre efprit doit confiderer ces corps pour connoître le moument. C'est pourquoi au lieu de dire les ) N. 134. corps confiderez en repos, nous difons (y) les corps entant qu'ils font en repos.

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167. Il eft vrai qu'il paroît que ce n'est point là le fentiment de Mr Descartes, mais je préférerai toujours la verité, lorfque je la verrai, à l'autorité de tous les Philofophes, quelques grands qu'ils foient. Mr Defcartes dit d'un autre côté que tout mouvement est réciproque. Par exemple il prétend que quand un homme va à Rome, ce n'eft pas plus lui qui va à Rome que Rome qui vient à lui, & que cela ne dépend que de la maniere de confiderer ces corps. Car fi je confidere Rome & tout le chemin qui eft d'ici à Rome, comme en repos, alors c'est l'homme qui va à Rome : que fi je m'imagine cet homme fixe visà-vis quelque point immobile au ciel, alors ce n'eft plus lui qui va à Rome, mais Rome qui vient à lui, il ne fait que lever les pieds l'un après l'autre pour laiffer paffer le chemin fous lui; de même qu'une perfonne qui eft dans un bateau, & qui va de bas en haut dans le bateau aufli vîte

que le bateau defcend par rapport aux rivages, de forte qu'elle réponde toujours aux mêmes endroits du rivage, ne fait que lever les pieds pour laiffer paffer le bateau. 168. C'eft peut-être là le fondement de la fameufe régle de M Defcartes, otril dit qu'un corps plus petit, fi vîte qu'il aille, ne peut jamais en remuer un plus gros qui eft en repos. Car felon cette idée, ce gros ne feroit en repos que par notre imagination; & en effet iroit auffi vîte que le petit par confequent il feroit toujours le plus fort.

(z) M. Da

159. Un Philofophe (2) com' at par une mauvaise raifon, cette penfée de Mr goumer. Defcartes fur le mouvement réciproque : il dit qu'il s'enfuivroit que Rome pourroit aller tout à la fois d'orient en occident, & d'occidenr en orient; parcequ'il pourroit fe faire que deux corps s'éloignaffent tout à la fois de Rome, l'un en allant vers l'orient, l'autre en allant vers l'occident, & que Rome iroit en occident par rapport au premier, & en orient par rapport au fecond.

170. Ce raifonnement ne peut avoir beaucoup de force contre Mr Descartes : car s'il prenoit envie à Mr Defcartes de ne confiderer le mouvement que comme un fimple changement de rapports de diftan cc & de proximité, comme ce Philofophe convient que tout rapport eft réciproque, fon raifonnement tomberoit tout d'un coup. En effet un corps ne peut être proche de Rome, que Rome ne foit proche de lui; il ne peut être loin de Rome, que Rome ne

foit loin de lui; il ne peut changer de rapport, de loin devenir proche, ou de proche devenir loin, que Rome nc change auffi, & ne devienne de loin proche, ou de proche loin de lui. Or cela fuppofé, quelle difficulté y aura-t-il, que Rome change de rapport à l'égard d'un corps, & que ce changement fe fafle d'occident en orient, pendant qu'elle changera auffi de rapport à l'égard d'un autre corps, & que ce fecond changement fe fera d'orient en occident. Il eft certain que dans le cas fuppofé de deux hommes qui quittent Rome, l'un vers l'orient, l'autre vers l'occident; Rome change réellement de rapport à eux, auffi bien qu'eux à Rome, & qu'il est réellement vrai que ce changement fe fait de deux fens contraires. Les Aftronomes ne difent-ils pas tous les jours que le foleil tourne d'occident en orient par rapport au ciel, pendant qu'il tourne d'orient en occident par rapport à la terre › que le premier mouvement eft extrêmement lent en comparaifom du fecond: ce ne feront donc pas les raifons de ce Philofophe, qui convaincront les Cartefiens.

171. Je croi néanmoins cette opinion de Mr Defcartes fauffe. Le mouvement n'appartient pas à tous les corps qui changent de rapport de diftance ou de proximité, mais feulement à ceux qui répondent fucceffivement à diverfes parties du lieu, c'est-à-dire, à diverfes parties des autres corps, entant que ces parties font en repos. Ainfi quand un homme va à Rome, quoique Rome change de rapport d'éloi

gnement ou de proximité à l'égard de cet homme, auffi bien que cet homme à l'égard de Ronie, cependant Rome ne parcourt pas le chemin qui eft cntr'elle & cet homme, c'eft l'homme qui le parcourt.

172. Et quand même on fuppoferoit au ciel des points immobiles, ou des corps autour de Rome & du chemin, à l'égard defquels Rome & le chemin marcheroient avec la même viteffe avec laquelle cet homme marche vers Rome, de forte que cet homme répondit toûjours aux mêmes endroits de ces corps; cependant Rome ne feroit point réellement en mouvement à l'égard de cet homme, parceque ce ne feroit pas Rome qui parcourroit le chemin qui eft entr'elle & cet homme, Rome ne feroit en mouvement qu'à l'égard des corps qui l'environneroient elle & le chemin, pendant que l'homme feroit en mouvement à fon égard; de même qu'un vaiffeau eft en mouvement à l'égard du rivage, pendant qu'un homme qui eft dans ce vaiffeau eit en mouvement à l'égard de ce vaiffeau.

173. Si le fentiment de Mr Defcartes fur le mouvement réciproque étoit véri table, les régles du mouvement qu'il établit, ne pourroient plus fubfifter. Voici fa premiére régle. Si deux corps étoient parfaitement égaux, & qu'ils fuffent mus également vite, fçavoir, le corps B de droite à gauche, le corps C de gauche à droite, &c. Si le mouvement eft réci proque, il eft inutile de fuppofer que ces corps foient mûs également vite l'un de

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