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droite à gauche, & l'autre de gauche à droite, puifque le mouvement de l'un de la gauche vers la droite feroit neceflairement renfermé dans le mouvement de l'autre de droite à gauche avec une égalité de viteffe.

174. La quatriéme régle de Mr Def cartes eft évidemment fauffe dans la fuppofition du mouvement réciproque. Si le corps C, dit Mr Defcartes, étoit parfaitement en repos & un peu plus grand que B, quelque vite que B allât vers C, il ne le remueroit jamais, mais il en feroit repoussé vers le côté d'où il venoit. Cette régle est fauffe. 1o. Parceque fi le mouvement eft réciproque, B ne peut être mû vers C , que C n'aille avec la même viteffe vers B & ; par conféquent on ne peut fuppofer C en repos. 2o. Parceque pendant que B s'en retournera d'où il venoit, fi le mouvement eft réciproque, C s'en retournera auffi & avec la même viteffe, par conféquent Mr Defcartes ne peut pas dire que C plus grand & en repos ne peut jamais être remué par B moindre, puifque B ne peut être mû que C ne le foit.

175. La fixiéme régle eft encore fauffe dans la fuppofition du mouvement réciproque. Car en ce cas il feroit impoffible que B s'en retournât fur fes pas avec trois dégrez de viteffe, pendant que C ne s'en iroit qu'avec un feul. Les deux fe feroient ve

nus

rencontrer avec chacun quatre dégrez, & s'en retourneroient avec quatre. Mais je voi que je fuis entré fans y penfer dans le fujet du chapitre fuivant : ce

pendant avant de le commencer, je dirai un mot fur le vuide.

176. Toute étendue étant corps (a) le vuide, par la notion que l'on en donne, devant être un efpace étendu qui exclut tout corps; il s'enfuit qu'il eft auffi impoffible qu'il y ait du vuide, qu'il eft impoffi le qu'il y ait un corps qui ne foit pas corps.

(a) N. 75.

177. L'imagination du vuide, qui a tant de force fur l'efprit de la plupart des Philofophes, femble venir de ce qu'ils ne veulent concevoir le corps que par des idées abstractives (b), & le repréfenter en géné- (6) Voyez le ral comme une certaine chofe qui fubfifte n. 20. en foi-même, & qui eft le fujet des formes & des qualitez fenfibles qui compofent ce monde vifible, fans fe mettre en peine de ce que c'est que cette chofe. Ils croyent que quand on ôte l'idée de toutes ces formes fenfibles, on ôte en même tems celle de ce fujet, parceque comme une étendue bornée ne peut être fans figure, ce fujet ne peut être fans forme. Or on conçoit bien l'étendue fans concevoir aucune de ces formes en particulier : de-là ils croyent que l'on conçoit l'étendue fans concevoir le fujet de toutes ces formes ; & par conféquent qu'ils conçoivent une étendue fans corps. Mais ils ne peuvent dire ce que c'eit que ce fujet, en fuppofant que ce n'eft pas l'étendue.

178. Ainfi quoique l'on puiffe donner aux raifonnemens qu'ils font pour prouver le vuide, plufieurs réponfes qui fatisfaffent l'efprit de toute perfonne raifonnable & dégagée de toute prévention fur ce fujet,

cependant la meilleure que l'on puiffe donner à un efprit entêté, & la plus capable de l'abbattre, lorfqu'il veut fuppofer tous les corps détruits, & trouver après cette deftruction un grand efpace vuide, c'eft de lui demander ce qu'il entend par les corps qu'il fuppofe détruits, & de l'obliger de l'expliquer, non point par des idées géné rales & abftractives de chofes qui fubfiftent en elles-mêmes, chofes qui font divisibles, mobiles, & autres, mais par des idécs intuitives. Et quand il donnera pour exemple les pierres, l'eau, &c. il faut lui dire que dans les pierres, l'cau & l'air, il y a deux chofes à confiderer, le fond ou la fubftance, ou la matiere qui fait convenir ces chofes entr'elles, & la façon qui les fait differer, que l'on conçoit affez la façon détruite, mais que l'on ne conçoit pas la deftruction du fond qui doit être détruit pour que tous lcs corps foient détruits, &. que c'eft de ce fond que l'on demande ce qu'il cft. C'eft par ce feul moyen que l'on peut abbattre les opiniâtres, d'autant plus que les réponfes véritables & folides étant difficiles à entendre, & éloignées de la portée de la plupart des hommes, ces entêtez: font ravis de paroître triompher par leurs difficultez qui s'ajuftent affez avec l'imagination des hommes.

CHAPITRE

I V.

Du mouvement & du repos en général.

179.

N confidérant le corps en repos,

EN

nuellement, & à chaque moment en un même lieu de forte : que fi le corps ou ou l'étendue eft créé, & reçoit fon existence d'une caufe étrangére, comme la foi nous l'enseigne, & comme la raison nous le perfuade, un corps en repos cft continuellement créé & produit en un même lieu: fi au contraire le corps exifte par la neceffité de fa nature, le corps en repos reçoit continuellement l'exiftence de fa nature ou exifte continuellement par fa nature en un même lieu; je ne dis pas que ce foit fa nature qui foit cause que c'eft en un même lieu qu'il exifte; mais qu'en ce cas, c'cft fa nature qui eft caufe qu'il exifte, & que cette exiftence qu'il reçoit de fa nature, cft reçûe continuellement en un même lieu s'il eft en repos. Cette propofition est si claire qu'il n'eft pas neceflaire de la prouver: elle eft même indépendante de la foi, puifqu'elle eft également vraye dans le fentiment de la création, & dans celui de l'éxiftence neceffaire des corps. C'est afin de n'avoir point à contefter avec les ennemis de la foi, & qu'ils ne puiffent point dans la fuite s'imaginer ou me reprocher que j'aye fuppofé quelque chofe fans preuves.

180. De même en confiderant le corps

qui eft en mouvement, je remarque qu'il ceffe à chaque moment d'être dans le lieu où il étoit, & qu'il commence à être en un autre lieu. De forte que fi le corps eft créé, le corps en mouvement ceffe chaque moment d'être créé en un lieu, & commence à être créé en un autre lieu. Que fi le corps exifte neceffairement, & par fon effence, le corps en mouvement ceffe d'exifter fon effence en un lieu, & par commence d'exifter par fon effence en un autre lieu. Il faut remarquer que ces mots par fon effence doivent tomber fur le mot exifter, & non point fur les mots ceße, commence, même lieu, autre lieu ; parceque quand même le corps exifteroit néceffairement & par fon effence, ce ne seroit pas pour cela fon effence qui le mettroit toujours en même lieu ou qui le changeroit continuellement de lieu mais ce fcroit par fon effence qu'il auroit fon exiftence, foit qu'il l'eût toujours en même lieu ou fucceffivement en différens lieux.

;

181. Si un corps cefloit d'être en un lieu, & commençoit de fe trouver en un autre éloigné du premier fans paffer par l'intervale qui eft entre ces deux lieux, il changeroit de lieu. Par exemple, fi ceffant d'être à Paris, je me trouvois à l'inftant à Rome, fans avoir parcouru le chemin qui eft entre Paris & Rome, j'aurois changé de lieu; & fi on veut donner le nom de mouvement à toute forte de changement de lieu, il faut dire qu'en ce cas je ferois

mouvemen.

en

182. Si tout l'efpace qui m'environne

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