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fait quelque réfiftance à des sbires qui vinrent faifir quelques effets appartenans à fon maître, Sixte V le condamna à mort. Le gouverneur de Rome lui ayant repréfenté que les loix ne permettoient pas de faire mourir un criminel fi jeune, Sixte V lui répondit: « pour que la jeuneffe de ce » coupable ne vous embarraffe plus, je lui » donne dix de mes années ».

SIXTE V.

(Autre exemple de févérité de )

Pafquin fortit un jour dans les rues de Rome avec une chemife fale: on lui demanda la raison de fa malpropreté, il répondit: » c'eft que ma blanchiffeufe eft devenue » princeffe ». Il faifoit allusion à la fignora Camille, fœur du pape Sixte V, qui avoit été blanchiffeufe. Cette piquante raillerie fut rapportée à Sixte V, qui donna des ordres de faire une exacte perquifition de l'auteur. N'ayant rien pu découvrir, il fit publier à fon de trompe, qu'il s'engageoit, foi de pape, à faire grace de la vie & de donner deux mille piftoles à quiconque fe déclareroit auteur de cette pafquinade. Tenté

par les deux mille pistoles, l'auteur vint ingénuement fe déclarer. Surpris de fa hardieffe & de fon avidité, le pape lui dit : « Je fuis engagé à vous tenir parole: je vous » donne la vie & veux que vous touchiez » à l'inftant la fomme promife ». Il lui fit compter effectivement les deux mille piftoles; & après lui avoir demandé s'il n'étoit pas content de lui, il ajouta : « vous » voyez avec quelle exactitude j'ai fatisfait » à ma promeffe; mais ce que vous ignorez, » c'eft que je me fuis, en la faifant, refervé » de pouvoir vous faire couper les mains & la langue, pour vous empêcher d'écrire » déformais, ou de débiter de pareilles » médifances ». Il ordonna en effet qu'il fût puni de cette maniere, « non pas tant, » ajouta-t-il, pour la raillerie fanglante dont » il eft auteur, que pour la témérité qu'il a cue de fe préfenter pour en recevoir la » récompenfe ».

SOCRATE.

(Procès & condamnation de )

Le procès de Socrate eft le plus fameux de l'antiquité; il fut commencé peu

de temps après l'expulfion des trente tyrans d'Athènes. L'oracle de Delphes ayant. déclaré Socrate le plus fage des hommes, éveilla l'envie contre ce philofophe. Ses ennemis ne lui pardonnerent pas d'avoir ofé attaquer publiquement le vice, & furtout d'avoir été vertueux au milieu de la corruption prefque générale des citoyens ; mais voyant combien il leur feroit difficile de le perdre, en se présentant à vifage découvert, fes ennemis employerent des voies fourdes & des mancevres ténébreufes pour réuffir dans le projet infâme qu'ils avoient conçu. On rapporte que ces hommes auffi lâches que perfides, pour preffentir la difpofition des efprits, engagerent Arif tophane à le jouer fur le théâtre dans une comédie où il jetteroit les femences de l'accufation qu'ils méditoient contre lui. Quoiqu'il ne foit pas bien fûr qu'Aristophane ait été fuborné par les ennemis de Socrate, il n'en eft pas moins prouvé qu'Ariftophane employa fes talens à décrier l'homme le plus fage & le plus vertueux de toute l'antiquité. Il compofa en effet une piece intitulée les nuées, dans laquelle il représenta le philofophe perché dans un pa

nier, au milieu des airs, d'où il débitoit les maximes les plus fauffes & les plus ridicules. Un débiteur fort âgé,qui defiroit fe fouftraire aux pourfuites de fes créanciers, venoit le trouver pour apprendre de lui à les tromper & à leur prouver par des raifons fans replique qu'il ne leur devoit rien; enfuite ii lui amenoit fon fils, qui peu de temps après fortoit de cette fçavante école fi bien inftruit, qu'à la premiere rencontre il maltraitoit fon pere, & entreprenoit enfuite de lui prouver qu'il avoit très-grande raifon d'en agir de la forte.

Dans toutes les fcénes où Socrate paroiffoit, le poëte avoit eu foin de lui faire débiter mille impertinences mêlées d'impiétés contre les dieux, & fur-tout contre Jupiter.

On fçait qu'aucun peuple ne fut plus fpirituel & en même temps plus léger que les Athéniens. On applaudit donc avec tranfport les traits empoifonnés dont le poëte avoit percé le philofophe dans fa piece, & l'enthousiasme des Athéniens fut fi grand, qu'on n'attendit pas même que la représentation de la piece d'Ariftophane fût finie, pour ordonner que le nom de ce poëte feroit mis au-deffus de celui de fes rivaux.

Socrate qui avoit fçu qu'on devoit le jouer fur le théâtre, fe trouva à la comédie. Il alloit rarement au fpectacle, excepté aux tragédies d'Euripide, moins par affection pour ce poëte, fon intime ami, que pour nourrir fon cœur des principes folides de morale qui étoient répandus dans fes pieces. Il ne témoigna pas la moindre émotion pendant tout le temps que dura cette farce infâme. Quelques étrangers defirant connoître Socrate dont on parloit tant dans la piece, il fe leva & refta debout pour être plus facilement apperçu.

Il ne paroît pas vraisemblable qu'Aristophane ait eu le projet de faire périr Socrate. Un peuple léger & étourdi ne voyoit pas les refforts qu'on faifoit jouer pour perdre ce philofophe; toute la noirceur étoit du côté de fes ennemis, qui avoient leurs vues, & qui n'ignoroient pas que le ridicule conduit au mépris & le mépris à l'injustice. Cette premiere épreuve n'eut pas de fuites: les troubles de la république occuperent les efprits, & ce ne fut que plus de vingt ans après cette piece que l'entreprise éclata dans toute fa noirceur.

Un homme infâme, & dont le nom ne

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