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on y voyoit encore les traces du fang; & la mesure de la plaie, qui fe trouva égale à la lame, acheva de prouver qu'il avoit été l'inftrument du crime. Le valet fe défendit inutilement; il fut arrêté, & fur le refus qu'il fit de fe reconnoître coupable, il fut condamné à la question.

Il la fouffrit d'abord avec affez de conf tance; déjà tous fes os étoient écrafés & difloqués par la violence du fupplice, mais voyant les exécuteurs prêts à recommencer, la mort lui devint moins horrible que des tourmens fi cruels il s'avoua coupable; étant même preffé de raconter les circonftances de fon crime, il en fit un détail qui parut vraisemblable, & qui fatisfit les juges; la fentence de mort alloit fuivre auffi-tôt, lorf que fon maître demanda à parler aux juges. Il leur raconta fa propre hiftoire, & le deffein qu'il avoit eu de faire ouvrir les yeux au confeil fur la témérité de tous les jugemens de cette nature. Enfuite gémissant fur la néceffité où il s'étoit trouvé, comme les autres, de facrifier quelquefois l'innocence & la vérité, à des apparences fi trompeuses, il protefta que pour s'en délivrer à l'avenir, il étoit réfolu de renoncer à fon

emploi. La confidération dont il jouiffoit porta les états non-feulement à lui pardonner fon entreprise, mais à délibérer fur les inconvéniens de la queftion. Peu de temps après les états en abolirent entierement Fusage, & la victime infortunée que le magiftrat avoit dévouée au falut public, reçut une récompenfe confidérable de fon maître.

Le président de Montefquieu étoit fi convaincu de l'inutilité & des dangers de la torture, qu'il n'a pas daigné agiter, dans fon ouvrage immortel fur l'efprit des loix, s'il étoit juste ou non de conferver cette coutume. Tant d'habiles gens & tant de beaux génies (dit ce grand homme) ont écrit contre cette pratique, que je n'ofe » parler, après eux : j'allois dire qu'elle pouvoit convenir dans les gouvernemens » despotiques, où tout ce qui infpire la. crainte entre plus dans les refforts du. » gouvernement. J'allois dire........... mais j'en» tends la voix de la nature qui crie contre ≫ moi».

Cette voix touchante s'eft fait entendre, & la question a déjà perdu fon ancienne barbarie chez les nations qui l'admettent encore; on ne l'emploie plus que lorsqu'il

s'agit de délivrer la société de monstrès qui ont foulé à leurs pieds tous les droits de l'humanité. On peut donc fe flatter ( & j'aime à le croire) que ce fiecle verra bannir la torture de l'Europe entiere. Puiffe le tableau effrayant que je vais tracer des différens fupplices inventés pour donner la queftion, hâter cette réforme fi defirée toutes les ames fenfibles!

par

De quelle maniere on donne la quefion à la Chine.

Deux fortes de queftions font en ufage à la Chine, pour tirer la vérité de la bouche des criminels. La torture dont on fait le plus fouvent ufage eft très douloureuse; elle se donne aux pieds ou aux mains: on se sert pour les pieds d'un inftrument qui confifte en trois bois croifés, dont celui du milieu. eft fixe, & les deux autres fe tournent & fe remuent; on met les pieds du patient dans cette machine, & on les y ferre avec tant de violence, que la cheville du pied s'applatit. Quand on la donne aux mains, c'est par le moyen de petits morceaux de bois, qu'on met entre les doigts du coupable; on les lie étroitement avec des cordes, & on les laiffe

pendant quelque temps dans cette torture.

La question extraordinaire dont on fe fert pour les grands crimes, comme celui de lèze-majesté, consiste à faire de légeres taillades fur le corps du criminel, & à lui enlever la peau par bandes en forme d'aiguillettes.

De quelle maniere on donne la queftion dans l'Inde.

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L'ufage de la torture eft très commun dans l'Inde. Les fouverains, & plus fouvent leurs fermiers qui ont des conceffions momentanées, & leurs intendans, font donner fans aucune forme de procès la question qu'on appelle la culotte de peau. Cette culotte ferre tellement les cuiffes du patient, que le malheureux ne peut fatisfaire les befoins les plus preffans de la nature: on le garde nuit & jour, afin qu'il ne puiffe fe procurer aucun foulagement.

De quelle maniere on donne la queftion dans l'indouftan & le long des côtes de Coromandel & du Malabar.

On met entre les doigts des mains & des pieds des accufés des mêches fouffrées qu'on

allume; on met auffi deux bâtons croisés entre leurs jambes, & des deux côtés de chaque jambe on attache à l'extrémité de chaque bâton une corde double, telle que celle d'une fcie; au milieu de cette corde il y a une petite cheville de bois pour rapproque cher les deux bâtons, de maniere le

devant & le côté de la jambe font ferrées avec violence & caufent les douleurs les plus aiguës.

De quelle maniere on donne la queftion à Rome & dans plufieurs autres états de l'Italie.

On ne donne la queftion à Rome que lorfqu'il s'agit de crimes atroces, & lorsqu'il y a dans la procédure des preuves affez confidérables pour former une preuve com. plette. Quand les juges ont condamné un criminel à la question, on l'avertit que s'il ne confeffe pas fon crime il fera appliqué à la torture, & s'il perfifte à nier, on le fait vifiter par un médecin & un chirurgien, pour reconnoître s'il n'a pas quelque malaou quelqu'imperfection qui puiffent

die,

l'empêcher de fupporter la torture.

On condamne d'abord à la question de la corde; & voici de quelle maniere on donne

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