Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

étoit dans une profondeur invisible & inexplicable, & il le nommoit Proon préexistant, & de plufieurs autres noms: mais plus ordinairement Bythos, c'eft à-dire profondeur. Il étoit demeuré plufieurs fiecles inconnu, en filence & en repos, ayant avec lui feulement Ennoïa, c'est-à-dire la penfée, que Valentin nommoit auffi Charis, grace, ou Sigé, filence, & dont il faifoit comme fa femme. Enfin Bythos avoit voulu produire le principe de toutes chofes,& avec Sigé il avoit engendré Nous, fon fils unique, femblable & égal à lui, feulo capable de le comprendre. Ce fils étoit le pere & le principe de toutes choses. Nous en grec fignifie intelligence: mais il eft du genre mafculin. C'eft pourquoi ils en faifoient un fils, & quoiqu'il fût unique, ils lui donnoient une fœur Aletheia, c'està-dire la verité. Ces deux premieres couples, By thos & Sige, Nous & Aletheia, formoient un quarré, qui étoit comme la racine & le fondement de tout le fyftéme. Car Nous avoit engendré deux autre personnages ou Eones, Logos & Zoé, le verbe & la vie : & ces deux en avoient encore produit deux autres, Antropos & Ecclefia, l'homme & l'églife. Ces huit Eones étoient les principaux de tous. Valentin prétendoit les trouver dans le commencement de l'évangile de S. Jean, Dieu étoit Bythos, la grace Sigé, le principe Nous : la verité, le Verbe, la vie & l'homme y font en propres termes ; il n'y a que l'église qui par malheur ne s'y trouve point. Mais fuivons la genealogie..

Le Verbe & la vie voulant glorifier le Pere, avoient encore produit dix autres Eones, c'est-àdire cinq couples. Car ils étoient tous, deux á deux. L'homme & l'églife avoient produit douze autres Eones, entre lefquels étoient le paraclet, la foi, l'efperance, la charité : les deux derniers étoient Teletos le parfait, & Sophia la fagesse. Voilà les trente, Eones, qui tous ensemble faifoient le Pleroma, ou plenitude invifible & fpirituelle.Ces trentes Eones, étoient figurez, difoientils, par les trente années de la vie cachée du Sauveur. Ils les trouvoient encore dans la parabo- Matth. xx. le des vignerons; dont les uns font envoyez à la premiere heure, d'autres à la troifiéme, d'autres à la sixiéme, à la neuxième, à l'onziéme. Carun, trois, fix, neuf & onze font trente. Il y avoit encore du myftere à la divifion des Eones en huit, dix & douze : les douze étoient marquez par les douze ans que le Sauveur avoit, quand il difputa contre les docteurs, & par les douze apôtres : les autres étoient marquez par les deux premieres lettres du nom de JESUS: car iota vaut dix, & etha vaut huit. S. Paul fignifioit clairement le Pleroma, quand il difoit qu'en J. C. habite toutė, la plenitude de la divinité.

Continuant leur fable ils difoient, que Sophie le dernier ou plûtôt la derniere des Eones, étoit fortie du Pleroma, qu'elle avoit voulu connoître le premier Pere, & comme il étoit impoffible elle fe feroit égarée, fi elle n'avoit été retenue par la

Ddd iij

Coloff. 11.

[ocr errors]

vertu qui confervoit le pleroma, nommée Horos, c'est-à-dire terme, autrement Stauros, c'est-à direcroix, & de plufieurs autres noms. Horos donc avoit remis Sophie dans le pleroma: mais l'éfort qu'elle avoit fait pour en fortir, & fon defir de voir le Pere, étoit une fubftance fpirituelle foible & informe, qui étoit demeurée hors le pleroma. C'est ce qu'ils nommoient Enthynesis, autre ment Achamoth, ou plûtôt Hachamoth, d'un nom hebreu, qui fignifie fageffe au pluriel. Aprés que fa mere Sophie avoit été remife dans le pleroma, & renduë à son époux Teletos ; Nous avoit produit une autre couple, par la providence du Pere de peur qu'il narrivât à quelqu'un des Eones une accident semblable à celui de Sophie, Cette nouvelle couple étoit le Christ & le S. Efprit: qui avoient affermi le pleroma & l'union de tous les Eones. Le Chrift leur avoit appris à connoître le Pere, ou plûtôt à fe contenter de favoir qu'il eft incompréhensible: le S. Esprit leur avoit appris à le louer, & à demeurer dans un parfait repos. Dans cette joye tous les Eones, pour témoigner au Pere leur reconnoiffance, avoient produit de fon confentement, & du Christ, & du S. Efprit, JESUS ou le Sauveur, contribuant chacun ce qu'il avoit de plus exquis, en forte qu'il étoit comme la fleur de tout le pleroma, & portoit les noms de tous les Eones, particulierement ceux de Christ & de Verbe, parce qu'il procedoit d'eux tous. Ainfi expliquoient-ils cet

te parole de S. Paul; que tout eft raffemblé en coloff. 1. 9. J. C. Ils ajoûtoient, que pour faire honneur au Sauveur, avoient été produits en même temps. des anges de même nature que lui, comme fes gardes. Tout cela fe trouvoit dans l'écriture. La chute du dernier & douzième des Eones étoit marquée par la chute de Judas, le douziéme des apôtres : & par la maladie de la femme affligée Matth. 1x. 20.d'une perte de fang pendant douze ans. C'étoit Sophie dont la substance s'écouloit à l'infini, si la vertu du fils, c'eft-à-dire Horos, ne l'avoit arrêtée & guerie.

Cependant Achamoth étoit demeurée hors du pleroma, comme un miferable avorton informe & imparfait. Chrift en eut pitié, étendit fa croix, & lui donna la forme de l'être mais non de la connoiffance. Enfuite il retira fa vertu, & la laiffa dans une gande détreffe de connoître fa mifere & fe voir hors du pleroma fans pouvoir y arriver. Elle fut donc accueillie de toutes fortes de paffions, de trifteffe, decrainte, d'angoiffe, & enfin fe tourna à celui qui lui avoit donné la vie:: & de-là vint la matiere & tout ce monde vifible. Car ce mouvement de converfion fut la caufe des ames; la trifteffe & la crainte produifirent la matiere. Ses larmes firent les fleuves & la mer. Son découragement ftupide & infenfible fit la terre, Mais cecia befoin d'être un peu plus expliqué.

Quand Achamoth eut fait cet effort, pour

fe

XXVIII.

Fables fur la matiere & l'auteur du monde.

tourner vers fon auteur: Chrift lui envoya le Sauveur, avec la puiffance du Pere & de tous les Eones. Il vint accompagné de fes anges: donna à Achamoth la science, & la délivra de ses paffions, fans les anéantir toutefois : feulement il les condenfa, & de fes affections incorporelles condensées, il en fit une matiere corporelle, qui se trouva de deux fortes: l'une mauvaise qui venoit des paffions: l'autre qui venoit de la converfion, & qui demeura feulement fujette aux paffions. Achamoth ainfi délivrée commença à rire, & fon ris fit la lumiere. Dans la joye elle embraffa les anges qui accompagnoient le Sauveur, & en conçut un fruit fpirituel comme eux. Ainfi voilà trois fubftances: fpirituelle ou pneumatique, bonne par nature, & incapable de corruption aimable ou pfychique, capable de périr ou de fe fauver, felon qu'elle fe tourne au bien ou au mal: materielle ou hylique, non-seulement corruptible, mais deftinée à perir necessairement, & incapable de falut. Achamoth étoit de la fubftance spirituelle, mais elle avoit formé les deux autres: & de la fubitance animale, elle avoit formé le Demiourgue, c'est-à-dire l'auteur & le Dieu de tout ce qui étoit hors le pleroma : & voilà en quel rang ces heretiques mettoient l'auteur du monde, qu'ils nommoient Demiourgos; d'un nom receu par les théologiens catholiques, & qui fignifie ouvrier. Selon Valentin, il avoit fait fept cieux, au-deffus defquels il étoit.

Le

« AnteriorContinuar »