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elle étoit d'or & de grand prix; Antiochus Epiphane l'avoit emportée, lorfqu'il pilla le temple. Cet Apion étoit un homme vain, grand parleur Plin. praf. hist & plein d'oftentation: l'empereur Tibere l'apel

loit le tambour du monde.

Les députés des Juifs étant arrivés à Rome, ils fe présentérent à l'empereur pour la premiere fois dans le champ de Mars comme il fortoit du jardin de fa mere. Il leur rendit leur falut, leur montra un vifage gai, fit figne de la main qu'il leur feroit favorable : & il leur fit dire par Homilus qui étoit chargé du foin des Ambaffadeurs, qu'il entendroit leur affaire à loifir.Tous les affiftans les felicitoient de ce bon accueil : mais Philon qui avoit plus d'âge & d'experience que les autres, fe défioit de ces belles aparences.

Gell, lib.v.c.14:

nat.

Philolegat.p.

Ils allerent à Pouzole à la fuite de l'empereur, Leg. p. 1019. qui vifitoit les belles maifons de cette côte. Comme ils attendoient leur audience, un Juifs'approcha d'eux hors d'haleine, les yeux égarés & baignés de larmes. Il les tira à part, & leur dit: Sçavés-vous les nouvelles ? Et comme il voulut continuer, les pleurs lui couperent la parole: jufques à trois fois. Les députés épouvantés le prefferent de s'expliquer. Nous n'avons plus de temple, leur dit-il, Caïus fait dreffer une statue coloffalle dans le fanctuaire fous le nom de Jupiter. Les députés à cette nouvelle demeurerent fans voix & fans mouvement, elle leur fut confirmée pard 'autres, ils s'en firent conter le détail; & on Tome I.

F

Philo. leg. p. 1029. C.

Jol xvII, antiq. c.1'. P. 64, C.

leur dit ce qui s'étoit paffé à Jammia, l'ordre que Petrone avoit receu, la follicitation que les Juifs de Palestine lui avoient faite, & tout le reste.

Dans le même tems; c'est-à-dire peu aprés que l'empereur cut fait réponse à Petrone, le roi Agrippa qui étoit à Rome, & ne favoit rien de tout cela, vint pour lui faire fa cour. Il vit que l'empereur étoit en colere & le regardoit de travers, & il ne favoit qu'en penfer. L'empereur lui dit: Agrippa, je veux vous tirer de peine. Vos bons & fideles fujets, qui feuls de tout le genre humain ne me tienent pas pour un dieu, femblent par leur défobéïffance chercher la mort. J'ai ordonné que l'on confacre dans leur temple une statue de Jupiter : & ils font fortis de la ville & du plat païs à grandes troupes, en apparence pour demander grace, en effet pour refifter à mes ordres. Il alloit continuer, mais Agrippa aprés avoir changé plufieurs fois de couleur, commença à trembler depuis la tête jusques aux pieds, & fût tombé fi ceux qui fe trouverent proches ne l'euffent foûtenu. On l'emporta à fon logis privé de fentiment. Mais l'empereur n'en fut que plus irrité contre les Juifs,Car,difoit-il,fi Agrippa mon ami, qui m'a tant d'obligation, cft si attaché à fa religion, qu'il ne peut entendre une parole qui la choque, fans tomber en foibleffe dois-je attendre des autres que rien ne retient? Agrippa demeura fans connoiffance tout ce jour, & le jour suivant jusques au foir. Enfin étant

que

revenu à lui, il écrivit à l'empereur une grande lettre, où il lui representoit : qu'étant Juif & né à Jerufalem, il ne pouvoit s'empêcher de prendre l'interêt de la ville & de toute la nation. Que Jerufalem étoit regardée comme capitale & métropole, non feulement par la Judée, mais par les Juifs établis dans tous les païs voifins, & principalement au-delà de l'Eufrate, où ils étoient en trés-grand nombre : que tous fentiroient l'effet de la grace qu'il demandoit : que cette grace n'étoit ni le droit de cité, ni la liberté; mais feulement la confervation de leur religion. Venant au temple en particulier, il reprefentoit qu'il avoit été épargné par les ennemis mêmes, & refpecté par les étrangers. Qu'Agrippa ayeul de leg. pag. 133 e. l'empereur avoit admiré le bel ordre du fervice; que l'empereur Tibere avoit confervé les droits du temple, & de la fainte cité : jufques à obliger Pilate à ôter de Jerufalem des boucliers d'or qu'il lui avoit confacrés, quoique fans aucune image: qu'Augufte avoit défendu d'empêcher les Juifs p. 1035. E. de s'affembler dans leurs fynagogues, ni d'envoyer leurs collectes à Jerufalem : & avoit luimême fondé un facrifice perpetuel d'un taureau & de deux agneaux tous les jours: que l'imperatrice Livie fon épouse avoit donné au temple des coupes d'or & d'autres vafes precieux. Agripfiniffoit par les lui-même avoit pa graces que reçûës de l'empereur ; & concluoit,que paroiffant en être tant aimé, s'il n'obtenoit pas cette liberté

p. 1033.

Phil. leg. p.

104) D.

pour sa religion, on croiroit qu'il avoit trahi la

cause commune.

L'empereur lifant la lettre d'Agrippa, fut agité de divers mouvemens. Enfin il s'adoucit, lui accorda comme une grace trés finguliere que la ftatuë ne feroit point dédiée : & écrivit à Petrone de ne rien innover dans le temple des Juifs. Mais, ajoûta-t-il, fi dans les autres villes, excepté Jerufalem feule, quelqu'un me veut ériger des autels, des temples, ou des ftatues, quiconque s'y oppofera, foit auffi-tôt puni, ou qu'on me l'envoye. Il fe repentit bien-tôt de cette bonté : & laiffant la ftatuë de Sidon, il fit faire à Rome un autre coloffe de bronze doré, pour le transporter fecretement par mer, & le mettre tout d'un coup dans le temple de Jerufalem, avant que perfonne s'en aperçût.

Il donna enfin audience aux députés des Juifs d'Alexandrie. Ce fut prés de Rome, comme il fe faifoit montrer les maifons qui dépendoient des jardins de Mécenas & de Lamia. Au premier abord les Juifs le profternerent, l'apellant empereur & Augufte. Lui d'un air moqueur & outrageant leur demanda : Etes-vous ces ennemis des dieux, qui êtes les feuls à ne me pas connoître pour un dieu, moi qui le fuis du confentement de tout le monde, & qui me préferés votre dieu fans nom: Puis levant les mains au ciel, il ajoûta une parole que Philon n'a ofé raporter, tant elle étoit impie. Les

ennemis des Juifs étoient ravis. Ils batoient des mains ; ils fautoient, & donnoient à l'empereur les titres de tous les dieux. Un nommé Ifidore lui dit: Seigneur, vous détefteriés bien davantage ces gens, fi vous connoiffiez leur impieté & leur malice. Ils ont été les feuls qui n'ont point fait de facrifices pour vôtre fanté. Et quand je dis ceux-ci, je dis tous les Juifs. Les députés des Juifs s'écrierent tout d'une voix: Seigneur Caïus, c'eft une calomnie. Nous avons immolé des hecatombes; & aprés avoir répandu le fang fur l'autel, nous avons fait brûler les victimes toutes entieres fans emporter les chairs pour les manger; & nous l'avons fait par trois fois : la premiere à votre avenement à l'empire: la feconde quand vous revintes de cette grande maladie : la troifiéme pour demander la victoire fur les Germains. Soit, dit l'empereur, vous avez fait des facrifices, mais à un autre : dequoi cela me fert-il, puifque ce n'eft pas à moy que vous avés facrifié? A ces paroles les députés friffonnoient

d'horreur.

Cependant il vifitoit les appartemens du haut p. 1042, en bas, regardant les fales & les chambres, marquant ce qui lui déplaifoit, & ce qu'il vouloit changer. Les députés montoient & descendoient aprés lui, pouffés & moqués comme en une comedie. Après avoir donné quelques ordres pour fes bâtimens: il leur demanda d'un air ferieux : Pourquoi ne mangés-vous point de porc? Il s'é

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