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XIII.

S. Pothin.

frais & nouvellement pris, dont les corps n'avoient point été maltraitez; ne pouvoient fouffrir l'incommodité de la prifon, & y mouroient.

Pothin évêque de Lion fut de ce nombre. Il étoit âgé de plus, de quatre-vingt dix ans : foible & infirme, en forte qu'à peine pouvoit-il ref pirer. Le zele & le defir du martyre le fortifioit. Il fut traîné devant le tribunal, conduit par les magistrats, & regardé de tout le peuple : qui jettoit toutes fortes d'imprecations contre lui, comme fi ç'eût été J. C. même. Il rendit témoignage à la verité. Et comme le gouverneur lui demanda qui étoit le Dieu des chrétiens, il dit: Si vous en êtes digne, vous le connoîtrez. Alors on ne l'épargna plus, il fut traîné & battu de tous côtez. Ceux qui étoient proche,le frapoient des mains & des pieds, fans aucun refpect pour fon âge. Ceux qui étoient loin, lui jettoient ce qu'ils trouvoient dans leurs mains. Tous croyoient commettre une grande impieté, s'ils manquoient à lui infulter, penfant vanger ainfi leurs dieux. A peine refpiroit-il encore, quand il fut jetté dans la prifon, & il y rendit l'ame deux jours aprés..

Dans cette prifon étoient avec les martyrs ceux qui avoient renié la premiere fois qu'ils avoient été pris. Car en ce temps-là il ne fervoit de rien de nier. Ceux qui avoient confeffé étoient enfermez comme chrétiens, fans être accufez d'autre chofe: Ceux-ci-étoient gardez,comme des meurrriers & des fcelerats. En forte que les uns étoient

foulagez par la joye de leur confeffion, par l'efperance des promeffes, par l'amour pour J. C. & par l'efprit du pere : les autres étoient tourmentez par leur confcience. Cette difference paroiffoit au dehors. Les uns avoient le vifage gai & plein de dignité & de grace: plûtôt ornez que chargez de leurs chaines; répandant une bonne odeur, qui faifoit croire à quelques-uns, qu'ils fe fervoient de parfums: les autres étoient triftes, abatus & defigurez:les payens même leur reprochoient leur lâcheté. Ce fpectacle confirmoit les autres chrétiens.

On tira premierement de prifon quatre martyrs pour les expofer aux bêtes; en un spectacle, qui fut donné exprés pour les nôtres. Ces quatres furent Maturus, Sanctus, Blandine & Attale. Maturus & Sanctus pafferent de nouveau par tous les tourmens, dans l'amphithéatre, comme s'ils n'avoient rien fouffert auparavant. Ils furent traînez par les bêtes. On leur fit fouffrir tous les maux que le peuple enragé demandoit par divers cris, les uns d'un côté, les autres d'un autre: & fur tout la chaife de fer, où on les fit rôtir, en forte que l'odeur frapoit les fpectateurs. Mais ils n'en étoient que plus furieux. Ils ne purent toutefois tirer autre parole de Sanctus, que la confeffion qu'il avoit accoûtumé de faire, dés le commencement. Enfin ces deux martyrs,aprés avoir long-tems refifté, furent immolez ce jourlà: ayant tenu lieu dans ce fpectacle de tous les divers combats de gladiateurs..

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XIV.

té des martyrs.

Euf. v. hift. c, 2.

Blandine fut attachée à une piece de bois, pour être devorée par les bêtes: & ce spectacle donnoit courage aux martyrs, à qui elle répresentoit le Sauveur crucifié. On la traitoit ainfi, parce qu'elle étoit efclave. Aucune des bêtes ne lui toucha: elle fut détachée & remise dans la prifon. Le peuple demandoit inftamment Attale, car il étoit connu. On lui fit faire le tour de l'amphithéatre avec un écriteau devant lui, où étoit en latin : C'est le chrétien Attale. Le peuple fremiffoit contre lui:mais le gouverneur ayant appris qu'il étoit citoyen Romain,le fit remettre en prifon avec les autres; attendant la réponse de l'empereur, à qui il avoit écrit à leur fujet.

En cet état les martyrs firent paroître leur huHumilité & chari- milité & leur charité. Ils defiroient tellement d'imiter J. C. qu'après avoir confellé son nom, non feulement une fois ou deux, mais plufieurs fois, ayant été exposez aux bêtes, brûlez, couverts de playes ; ils ne s'attribuoient pas le nom de martyrs, & ne nous permettoient pas de le leur donner. Mais fi quelqu'un de nous les nommoit martyrs,en leur écrivant ou en leur parlant; ils s'en plaignoient amérement. Ils cédoient ce titre à J. C.le vrai & fidele témoin, le premier né d'entre les morts, le chef de la vie divine: & faifoient mention de ceux qui étoient déja fortis du monde. Ceux-là, difoient-ils,font martyrs, que J.C. a daigné recevoir dans la confeffion de fon nom, la féelant ainfi par leur mort: Nous

autres, ne fommes que de petits confeffeurs. Ils prioient les freres avec larmes, de faire pour eux de ferventes prieres, afin qu'ils souffrissent jusques à la fin: & ils montroient par leurs actions la force du martyre, parlant aux payens avec grande liberté. Ils étoient remplis de la crainte de Dieu, & s'humilioient sous la maîn puissante excufant tout le monde, n'accufant perfonne, & priant pour ceux qui les maltraitoient. Leur plus grande application étoit de retirer de la gueule de l'ennemi ceux qu'il fembloit avoir engloutis. Car ils ne s'élevoient pas de gloire contre ceux qui étoient tombez, mais ils fuppléoient aux befoins des autres, par leur abondance, leur montrant une tendreffe maternelle, & répandant pour eux beaucoup de larmes, devant le pere celefte. Ils demanderent la vie, & elle leur fut accordée ; en forte qu'ils en firent part à leurs freres. Leur patience & leurs exhortations donnerent du cœur à ceux qui avoient renié la foi, & les difpoferent à confeffer.

Entre les martyrs étoit un nommé Alcibiade, Euf. v. hift.c.3. accoûtumé à mener une vie tres- auftere, & à ne prendre, pour toute nourriture, que du pain & de l'eau. Il vouloit continuer dans la prifon: mais Attale aprés fon premier combat de l'amphitéatre, apprit par revelation, qu'Alcibiade ne faifoit pas bien, de ne pas ufer des créatures de Dieu : & qu'il étoit aux autres une occafion de fcandale. Âlcibiade se laissa persuader : & dés-lors il man

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geoit de tout, avec action de graces.Dieu vifitoit les martyrs par fes faveurs, & le Saint Efprit étoit leur confeil. Ils favoient le bruit qui s'étoit répandu en Phrygie, de la prétendue prophetie de Montan, qui commandoit les abftinences ex-traordinaires: & pour montrer qu'ils condamnoient fa doctrine, ils écrivirent en prifon plufieurs lettres aux freres d'Afie & de Phrygie.Ils écrivirent auffi au pape Eleuthere, le priant de donner la paix aux églifes: peut être à cause de la queftion de la pâque. Saint Irenée prêtre de l'églife de Lion fut chargé de leur lettre, qui · commençoit ainsi : Nous prions Dieu de vous donner toujours fa joye, pere Eleuthere. Nous avons prié nôtre frere Irenée, qui eft en nôtre communion, de vous porter ces lettres: & nous vous prions de l'avoir en récommandation, commezelé pour le teftament de J.C.Si nous favions que le rang donnât de la vertu, nous vous l'au rions recommandé comme prêtre: puifqu'il

:

l'eft en effet.

La réponse de l'empereur vint cependant.Elle portoit que l'on fit mourir ceux qui confefferoient, & que ceux qui nieroient fussent mis en liberté. Donc au commencement de l'affemblée des jeux folemnels, qui fe tient en ce lieu-là; & qui eft tres-nombreufe, parce que toutes les nations y viennent, le gouverneur fit amener les martyrs à fon Tribunal: voulant encore les montrer au peuple, & lui en donner un fpectacle.

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