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Il les interrogea de nouveau, & fit couper la tête à tous ceux qui fe trouverent citoyens Romains, les autres furent envoyez aux bêtes. Il examina feparément ceux qui avoient nié, croyant n'avoir qu'à les renvoyer: mais contre l'attente des payens ils confefferent, & furent joints à la troupe des martyrs. Quelques-uns demeurerent dehors: mais ceux-là n'avoient jamais eu, nitrace de foi, ni refpect pour la robe nuptiale, ni penfée de la crainte de Dieu, & avoient deshonoré la religion par leur conduite.

Pendant l'interrogatoire un nommé Alexandre, Phrygien de nation, & medecin de profeffion: qui avoit demeuré plusieurs années dans les Gaules, & étoit connu de tout le monde, par fa charité envers Dieu, & fa liberté à publier la doctrine: car il avoit part à la grace apoftolique: celui-ci étant prés du tribunal, leur faifoit des fignes, pour les exciter à la confeffion de J. C. & fe donnoit tant d'action, qu'il ressembloit à une femme en travail, & que tout le peuple le femarquoit. Comme ils étoient indignez de voir, que ceux qui avoient nié confeffoient alors: ils s'écrierent contre Alexandre, comme s'il en eût été cause. Le gouverneur fe tourna vers lui, & lui demanda qui il étoit: Il dit qu'il étoit chrétien; & le gouverneur, en colere, le condamna aux bêtes. Il entra donc le lendemain dans l'aréne avec Attale, que le gouverneur expofa encore aux bêtes, par complaifance pour le peuple. Tome I.

Vuu

XV.

Aprés avoir passé par tous les tourmens que l'on pratiquoit dans l'amphithéatre, ils furent enfin égorgez. Alexandre ne jetta pas un foupir, & ne dit pas le moindre mot, fe contenta de s'entretenir avec Dieu en fon cœur. Attale étant mis fur la chaise de fer, comme fon corps brûloit & que l'odeur de la graiffe s'élevoit, dit au peuple en latin: Voilà ce que c'eft de manger des hommes; c'est ce que vous faites ici. Pour nous, nous ne mangeons point d'hommes, & ne faifons aucun mal. On lui demanda, quel nom avoit Dieu; & il répondit: Dieu n'a pas un nom comme un homme.

Aprés eux tous,le dernier jour des gladiateurs, Sainte Blaudine. Blandine fut encore amenée, avec un enfant d'environ quinze ans, nommé Ponticus. On les avoit amenez tous les jours, pour voir les fupplices des autres ; & on les vouloit contraindre à jurer par les idoles. Comme ils demeurerent fermes à les mépriser: le peuple entra en fureur contre eux,& fans avoir égard, ni à l'âge de l'un, ni au sexe de l'autre, ils les firent paffer par tous les tourmens, les preffant l'un aprés l'autre de jurer. Ils n'en purent venir à bout. Car Ponticus étoit encouragé par Blandine: en forte que tout le peuple s'en appercevoit. Il fouffrit donc generalement tous les tourmens, & rendit l'efprit. Blandine fut la derniere. Elle alloit à la mort avec plus de joye, qu'à un feftin de nôces. Aprés les foüets, les bêtes, la chaife ardente; enfin on l'enferma

dans un filet, & on l'expofa à un taureau, qui la fecoua long-temps. Mais elle ne fentoit rien de ce qu'on lui faifoit, par l'efperance & l'attachement à ce qu'elle croyoit, & par les entretiens qu'elle avoit avec J.C.Enfin elle fut auffi égorgée: & les payens même confeffoient qu'ils n'avoient jamais veu une femme tant fouffrir,

Ils ne furent pas contens de la mort des martyrs; ils étendirent la perfecution fur leurs cadavres. Ceux qui avoient été étouffez dans la prifon furent jettez aux chiens, & gardez foigneusement nuit & jour : de peur que nous ne les enterraffions. Ils affemblerent auffi les reftes de ceux qui avoient fouffert dans l'amphitéatre : c'est-à-dire, ce que les bêtes ou le feu avoient laiffé de leurs membres déchirez ou réduits en charbon; & les têtes coupées des autres

avec

leurs troncs. Ils firent garder tous ces restes pendant plufieurs jours, par des foldats. Les uns fremiffoient & grinçoient les dents, en regardant ces reliques: les autres rioient & fe moquoient, exaltant leurs idoles, & leur attribuant la punition de leurs ennemis. Les plus raisonnables témoignoient quelque compaffion, & leur faifoient des reproches en disant : Où eft leur Dieu ? & que leur a servicette religion, qu'ils ont préferée à leur propre vie? Cependant nous étions fenfiblement affligez de ne pouvoir enterrer ces corps. La nuit n'y fervoit de rien. Les gardes ne fe laiffoient gagner, ni par argent, ni par prie

Ado. martyrol. 2. Jun.

Ado. 4. 85. Sept.

XVI.

Martyre de S. E

pipode & 3. Ale

res. Ils fembloient faire un grand profit, fi ces
corps demeuroient fans fépulture. Aprés les avoir
laiffé à l'air, expofez en fpectacle, pendant fix
jours; ils les brûlerent & les réduifirent en cen-
dre, puis les jetterent dans le Rône: afin qu'il
n'en parût aucun refte fur la terre. Ils le faifoient
pour ôter aux chrétiens l'efperance de la résur-
rection: qui leur donne, difoient-ils, la confian-
ce de nous introduire une religion étrangere &
nouvelle, de méprifer les tourmens, & d'aller
la mort avec joye. Voyons maintenant s'ils ré-
fufciteront; fi leur Dieu pourra les fecourir,& les
tirer de nos mains. Les cendres de ces martyrs,
qui étoient au nombre de quarante-huit, furent
retrouvées & enfevelies fous l'autel, dans l'église
des apôtres, au lieu nommé Athanacum,à présent
l'abbaye d'Aifnay. Marcel & Valérien étoient
auffi à Lion, d'où ayant trouvé moyen de s'é-
chaper, ils s'enfuirent, & fouffrirent enfuite le
martyre, dans deux villes voifines : Marcel à
Châlon fur Saone, Valérien à Trénorchium,
qui eft Tournus.

On trouve en cette même perfecution deux martyrs illuftres à Lion, Epipode & Alexandre. do. 22 & Alexandre étoit grec de nation, Epipode natif de Lion même, tous deux de parens qui por

xandre.

24. Apr.

Ara martyr. felecta.

toient le titre de clariffimes. Leur amitié s'étoit formée dés l'enfance, dans les écoles, & étant déja chrétiens ils s'excitoient l'un l'autre à la pieté, & fe préparoient aux martyre par la fobrieté,

la frugalité, la chafteté & les œuvres de mifericorde. Tous deux étoient dans la fleur de leur jeuneffe: mais point encore mariez. La perfécution étant allumée, la dix - feptiéme année de Marc Aurele, cent foixante & dix - fept de J. C.ils chrechoient à fe cacher, fuivant le précepte de l'évangile. Ils fortirent de la ville & feuls & fecretement, & fe retirerent au bourg de Pierre -'encife, où ils fe cacherent dans la maifon d'une pauvre veuve chrétienne. La bassesse du lieu les mit quelque tems à couvert : mais enfin on les chercha avec tant de foin, qu'on les trouva : & comme ils faifoient leurs efforts pour s'enfuir encore, Epipode perdit un de fes fouliers: qui fut trouvé par une femme chrétienne, & ferré comme un trefor.

An. 177.

1.1.4. 5. ff.de Cu

Si-tôt qu'ils furent pris on les mit en prifon, même avant l'interrogatoire, contre l'ufage des Romains qui n'emprifonnoient que les perfonnes fod, reor. viles, ou déja convaincuës: mais le feul nom de chrétien paffoit pour un crime notoire. Trois jours aprés ils furent prefentez les mains liées derriere le dos, devant le tribunal du gouverneur. Il leur demanda leur nom & leur profeffion : ils dirent leurs noms & leur qualité de chrétiens. Le peuple fit un grand cri; & le juge en colere difoit: A quoi donc ont fervi les tourmens de ceux qui ont été executez, fi l'on parle encore de Chrift? De peur qu'ils ne s'exhortaffent l'un l'autre, du moins par fignes, il les fit féparer :

Vuu iij

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