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Euf. v. hift.c.23.

Les autres églifes répandues par tout le monde, gardoient la coutume qu'elles tenoient de la tradition apoftolique ; de finir le jeûne, & celebrer la pâque le jour que le Sauveur eft reflsuscité, c'est à dire le dimanche : & non pas un autre jour. A cette occasion furent tenus plufieurs conciles entre les évêques. Il y en eut un à Cefarée en Paleftine, où préfiderent Théophile évêque de cette église, & Narciffe évêque de Jerufalem: Caffius de Tyr, & Clarus de Ptolémaïde y affifterent avec plufieurs autres évêques, non seulement de Palestine, mais encore de quelques autres païs. Il fut conclu, que la pâque feroit celebrée le dimanche; & on écrivit une lettre fynodale, qui finiffoit ainfi. On envoyera volontiers des copies de notre lettre à toutes les églifes, de peur qu'on ne nous impute la faute de ceux qui s'engagent témérairement dans l'erreur. Nous voulons auffi qu'ils fachent que l'églife d'Alexandrie celebre la fête le même jour que nous. Ils nous en écrivent, & nous leur en écrirons réci proquement.

Le Pape Victor affembla un concile à Rome fur ce fujet. Il y eut auffi un concile des évêques de Pont, où préfida Palmas évêque d'Amaftris; comme le plus ancien & le plus venerable. Il y eut un concile des églifes de Gaule, où préfida S. Irenée. Un de Bachylle évêque de Corinthe: un des églifes d'Ofroëne & des païs yoifins ; & un grand nombre d'autres : qui tous.

d'un accord firent la même ordonnance; que la pâque devoit être celebrée le dimanche.

XLIV. Lettre de Poly

crate.

Celui qui parut le plus attaché à celebrer la pâque le quatorziéme jour, fut Polycrate évêque d'Ephese. Il y affembla les évêques d'Afie, à la Ef.v. hift. c. 24. priere du pape : & marqua la conclufion de leur concile, dans la lettre qu'il écrivit au pape & à l'eglife Romaine, en ces termes : Nous celebrons le jour de la pâque inviolablement, fans rien ajoûter ni diminuer. Car c'est dans l'Afie que fe font endormis au Seigneur cès grandes lumieres de l'églife, qui reffufciteront au jour de fon glorieux avenement. Je veux dire Philippe l'un des douze apôtres, qui eft mort à Hierapolis, & deux de fes filles, qui font demeurées vierges, jufqu'à une extrême vieilleffe: & une autre de fes filles, qui étoit infpirée du S. Efprit, & aprés avoir vécu faintement eft décedée à Ephefe. Ajoûtez-y Jean, qui a repofé fur la poitrine du Seigneur, qui a été pontife, & à porté la lame d'or, quia été martyr & docteur, & enfin s'eft endormi a Ephefe. Et Polycarpe évêque & martyr à Smyrne; & Trafeas évêque & martyr d'Eumenie, & mort à Ephese. Qu'il est besoin de nommer Sagaris évêque & martyr qui eft mort à Laodicée ? & le bienheureux Papyrius & l'évêque Méliton? qui s'eft conduit en tout par le S. Efprit, & eft enterré à Sardis attendant d'être vifité du ciel pour -reffufciter.

Tous ceux-là ont celebré la pâque le qua

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Act. v. 29.

Euf. v.c. 24.

torziéme jour de la lune. Suivant l'évangile, sans s'écarter, mais obfervant la regle de la foi. Et moi Polycrate, le dernier de vous tous, j'observe la tradition de mes parens, dont quelques-uns ont été mes maîtres. J'ai eu fept évêques de mes parens, & je fuis le huitiéme. Ils ont toûjours celebré le jour de la pâque dans le temps où les Juifs purgeoient le levain. Moi donc qui ai vêcu au Seigneur foixante & cinq ans, qui ay communiqué avec les freres de tout le monde, qui ay lû toute l'écriture sainte; je ne fuis point troublé de ce qu'on nous oppose pour nous faire peur.Car ceux qui étoient plus grands que moi, ont dit: Il faut obéïr à Dieu, plûtôt qu'aux hommes. Polycrate ajoûtoit: Je pourrois mettre ici les noms des évêques prefens, que j'ai convoquez à votre priere.Si j'écrivois leurs noms, vous verriez leur grande multitude,& que connoiffant ma petiteffe, ils n'ont pas laiffé d'approuver cette lettre: fachant que je ne porte pas en vain çes cheveux blancs, mais que je me fuis toûjours conduit felon J. C. Telles font les paroles de Polycrate..

Le pape Victor voyant cette résistance, youlut retrancher de la communion les églifes de toute l'Afie & des environs, comme tenant une doctrine particuliere : & les nota par ses lettres; déclarant abfolument excommuniez tous les freres de ces quartiers-là. Mais les autres évêques n'approuverent pas tous cette conduite, & l'exhorterent fortement à confever la paix & lacha

rité. Plufieurs lui en écrivirent, entr'autres S. Irenée, au nom des freres qu'il gouvernoit en Gaule. Il foutenoit que le myftere de la réfurrection du Sauveur ne devoit être celebré que le dimanche; mais qu'il ne falloit pas retrancher du corps de l'églife univerfelle un fi grand nombre d'églifes pour cet attachement à leur ancienne coûtume. Voici les paroles de S. Irenée.

née.

XLV..

Cette difpute ne regarde pas feulement le jour de la pâque, mais la maniere du jeûne même. Lettre de S. IreCar les uns croyent ne devoir jeûner qu'un jour, d'autres deux, d'autres davantage : quelques-uns comptent pour leur jeûne quarante heures du jour & de la nuit. On croit avec raifon que S. Irenée ne parle ici que des jeunes de la semaine fainte, qui étoient les plus rigoureux de tous: en forte que l'on paffoit au moins un jour, comme le vendredi faint, fans prendre aucune nourriture. Il ajoûte: Et cette diverfité d'obfervances n'a pas commencé de notre temps ; mais il y a longtemps fous nos predeceffeurs, qui femblent n'avoir pas ufé d'affez de precaution, en obfervant des coûtumes introduites par fimplicité, ou par ignorance. Toutefois ils ont tous gardé la paix, & nous la gardons entre nous : ainfi la diference des jeûnes confirme l'unité de la foi.

S. Irenée ajoûtoit, parlant toûjours à Victor: Les prêtres qui avant Soter ont gouverné l'églife où vous prefidez aujourd'hui je veux dire Anicet, Pius,Hygin, Télefphore, Sixte, n'ont

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An. 197.

pas gardé cette observance, ni ne l'ont permife à ceux qui étoient avec eux : mais ils ont confervé la paix avec ceux des églifes où on la gardoir quand ils venoient les trouver: quoique la contrarieté des obfervances parût plus en cette rencontre, & jamais personne n'a été chassé de l'églife pour cette coûtume. Au contraire, vos prédeceffeurs ne gardant point cette observance, n'ont pas laiffé d'envoyer l'euchariftie à ceux des églifes qui la gardoient. Ainfi parloit S. Irenée : & il ajoûte enfuite ce qui fe paffa entre S. Polycarpe & le pape S. Anicet. On croit que cette lettre au pape Victor, eft la lettre fynodale du concile de Gaule, qui fut tenu fur ce fujet par S. Irenée. Il écrivit à plufieurs autres évêques, touchant cette queftion, s'efforçant de maintenir la paix entre les églises.

Mais le pape Victor pouvoit avoir des raisons nouvelles, pour ufer d'une rigueur plus grande que les prédeceffeurs. Car Blaftus,prêtre de l'églife Romaine, avoit fondé son schisme, principalement fur cette obfervance : en forte qu'étant devenue dangereufe, il fembloit qu'elle ne deût plus être tolerée. Elle dura toutefois encore quelques fiecles en Afie & en Orient. Le pape Victor mourut peu de tems aprés, l'an de J. C. cent quatre-vingts dix-fept, & Zephyrin lui fucceda. L'année suivante cent quatre-vingts-dix-huit, l'empereur Severe,ayant défait les deux compéti teurs Niger & Albin, vint à Rome, & fit reconnoître

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