C'est moi qui prête ici ma voix aux malheureux! Athalie. Je le veux croire, Abner, je puis m'être trompée, Peut-être un songe vain m'a trop préoccupée. Hé bien; il faut revoir cet enfant de plus près; Il en faut à loisir examiner les traits." Qu'on les fasse tous deux paroître en ma présence. Athalie. Manqueroit on pour moi de complaisance? De ce refus bizarre où seroient les raisons? SCÈNE VI. Mathan, ATHALIE, MATHAN, SUITE D'ATHALIE. Enfin je puis parler en liberté. Abner chez le Grand - Prêtre a devancé le jour. Athalie. Oui, vous m'ouvrez les yeux. Je commence à voir clair dans cet avis des Cieux. JOAS, JOSABET, ATHALIE, ZACHARIE, ABNER, SALOMITH, DEUX LÉVITES, LE CHOEUR, SUITE D'ATHALIE, O Josabet aux deux Lévites. vous, sur ces enfans si chers, si précieux, Ministres du Seigneur, ayez toujours les yeux. Abner (à Josabet.) Princesse, assurez-vous, je les prends sous ma garde. Athalie. O ciel, plus j'examine, et plus je le regarde... C'est lui! D'horreur encor tous mes sens sont saisis. (Montrant Joas). Epouse de Joad, est-ce là votre fils? Josabet. Qui? Lui Madame? Le Ciel jusqu'aujourd'hui répondre pour lui? C'est à lui de parler. Josabet. Dans un âge si tendre, Athalie. (à Josabet). Pourquoi vous pressez-vous de Quel éclaircissement en pouvez-vous attendre? Athalie. Cet âge est innocent. Son ingénuité N'altère point encor la simple vérité. Laissez-le s'expliquer sur tout ce qui le touche. Josabet, (bas à part.) Daigne mettre, grand Dieu, ta Athalie. Comment vous nommez-vous? Joas. sagesse en sa bouche! J'ai nom d'Eliacin. Je suis, dit-on, un orphelin Athalie. Votre père? Joas. Entre les bras de Dieu jeté dès ma naissance, Athalie. Vous êtes sans parens? Joas. Ils m'ont abandonné. Athalie. Comment? Et depuis quand? Joas. Depuis que je suis né. Athalie Ne sait-on pas au moins, quel pays est le vôtre? Joas. Ce temple est mon pays, je n'en connois point Athalie. Où dit-on que le sort vous a fait rencontrer? Joas. · Une femme inconnue, Qui ne dit point son nom, et qu'on n'a point revue. Athalie. Mais de vos premiers ans quelles mains ont pris soin? Jons. Dieu laissa t-il jamais ses enfans au besoin? Aux petits des oiseaux il donne leur pâture, Et sa bonté s'étend sur toute la nature. Tous les jours je l'invoque, et d'un soin paternel, Il me nourrit des dons offerts sur son autel. Athalie. Quel prodige nouveau me trouble et m'em barrasse! La douceur de sa voix, son enfance, sa grâce, Font insensiblement à mon inimitié Succéder Je serois sensible à la pitié! andida Abner. Madame, voilà donc cet ennemi terrible! Vous avez entendu sa fortune. Sa présence à la fin pourroit être importune. Athalie. Non. Revenez. Quel est tous les jours votre emploi? Joas. J'adore le Seigneur, On m'explique sa loi, Dans son livre divin on m'apprend à la lire, Et déjà de ma main je commence à l'écrire. Athalie. Que vous dit cette loi? Joas. Que Dieu veut être aimé; Qu'il venge tôt ou tard son saint nom blasphêmé; Qu'il résiste au superbe, et punit l'homicide.. Athalie. J'entends. Mais tout ce peuple, enfermé dans A quoi s'occupe-t-il? Joas. ce lieu, Il loue, il bénit Dieu. Athalie. Dieu veut-il, qu'à toute heure on prie, on le Joas. Tout profane exercice est banni de son temple. Joas. Quelquefois à l'autel Je présente au Grand- Prêtre ou l'encens ou le sel, Je vois l'ordre pompeux de ses cérémonies. Athalie. He quoi, vous n'avez point de passe-temps Je plains lè triste sort d'un enfant tel que vous. Joas. Moi, des bienfaits de Dieu je perdrois la mémoire! Joas. Vous ne le priez point. Athalie. Vous pourrez le prier. Joas. Je verrois cependant en invoquer un autre. Athalie. J'ai mon Dieu, que je sers, Vous servirez le vôtre. Ce sont deux puissans Dieux. Joas. Il faut craindre le mien, Lui seul est Dieu, Madame, et le vôtre n'est rien. Athalie. Les plaisirs prés de moi vous chercheront en foule. Joas. Le bonheur des méchans comme un torrent s'écoule. Hé, Madame, excusez Athalie. Ces méchans, qui sont-ils? Athalie. (à Jasabet.). J'aime à voir comme vous l'in Enfin, Eliacin, vous avez su me plaire, struisez. Vous n'êtes point sans doute un enfant ordinaire. A ma table, par-tout, à mes côtés assis, Je prétends vous traiter comme mon propre fils. Joas. Comme votre fils! Athalie. Joas. Oui... Vous vous taisez! Quel père Joas. Pour quelle mère! Athalie. (à Josabel). Sa mémoire est fidelle; et dans tout ce qu'il dit, De vous et de Joad je reconnois l'esprit. Voilà, comme infectant cette simple jeunesse, Vous employez tous deux le calme où je vous laisse. Vous ne leur prononcez mon nom qu'avec horreur. Josabet. Peut-on de nos malheurs leur dérober l'histoire? Tout l'Univers les sait. Vous même en faites gloire. " Athalie. Oui, ma juste fureur, et j'en fais vanité, A vengé mes parens sur ma postérité. J'aurois vu massacrer et mon père et mon frère, Et dans un même jour égorger à la fois, (Quel spectacle d'horreur!) quatre-vingt fils de rois; Et pourquoi? Pour venger je ne sais quels Prophètes, Dont elle avoit puni les fureurs indiscrètes. Et moi, Reine sans coeur, fille sans amitié, Esclave d'une lâche et friyole pitié, Je n'aurois pas du moins, à cette aveugle rage Comme on traitoit d'Achab les restes malheureux! Si de mon propre sang ma main versant des flots, moi. Josabet. Tout vous a réussi. Que Dieu voie, et nous juge. Athalie. Ce Dieu, depuis longtemps votre unique re fuge, |