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Lorsqu'un arbre, s'étant trop alongé dans tout fon pourtour, est dégarni dans le bas & dans le milieu; ou lorfque pour tempérer l'excès de fa vigueur & le mettre à fruit, on a été obligé pendant quelques années de le tailler trop long; on le ravale enfuite fur les branches les plus baffes, pour regarnir les vuides, pour le décharger, & rétablir l'ordre & les proportions dans toutes fes parties: mais ce ravalement, fur-tout dans ce dernier cas, eft quelquefois l'ouvrage de quatre ou cinq ans; en le faifant en une feule année, on ruine l'arbre par les plaies, & par le retranchement que dans la fuite il faudra faire d'une multitude de bourgeons qui perceront confufément de toute part. Ravaler, rapprocher, rappeller, démonter, rabaiffer, rajeunir, fe reprendre, &c. font, dans ces cas, termes prefque fynonimes.

Objection. N'eft-il point à craindre que des arbres plantés dans un bon terrein entretenu de labours, -amendé & fumé à propos, taillés à la longueur & traités avec les ménagemens marqués ci-devant, ne prennent trop d'étendue; & que, fi quelqu'un d'eux périt, il ne laiffe fur le mur un grand vuide très-difficile & très-long à remplir ?

Si cette objection ne m'avoit pas été faite férieusement, je regretterois le tems & la peine de l'expofer & d'y répondre.

Quel Jardinier s'eft jamais plaint de ce que fes enfants deviennent trop grands, & trop tôt en état de travailler & de le fervir? Lorsqu'il craint que fes arbres ne deviennent grands & capables de porter des fruits abondants, est-il raifonnable? Lequel paroît préférable, d'un bel arbre de trente à quarante pieds d'étendue, bien vif, bien garni de beau bois, bien sain, & très-fécond, ou de trois arbres chacun de dix ou douze pieds d'étendue, défigurés par les plaies, les cicatrices, les chancres, les calus, les nœuds, &c. incapables de nourrir un grand nombre de fruits? 1°. Le premier a commencé à rapporter dès fa quatrième ou cinquiéme année; les autres ont à peine commencé à leur dixième ou douzième année; par conféquent leur produit a été de cinq ou fix ans plus tardif. 2o. Suppofons-les tous pareillement en rapport : dans tout arbre formé, le gros des principales branches ordinairement ne produit plus de fruit, & la dernière taille n'en produit pas encore; ce font autant de parties infructueufes. Mais un arbre de douze pieds d'étendue a autant de groffes branches à fon

centre, & prefqu'autant de bourgeons taillés dans fon pourtour, que le plus grand arbre: ainfi les trois arbres pris ensemble ont le triple de parties infructueuses. Quant à la durée, il est évident que la vie du premier fera plus longue que celle de fon maître; au lieu que les autres fuccomberont en peu d'années à la perfévérance des mauvais traitements : & fi par fa mort il laiffe un grand vuide fur le mur, ce vuide fera auffi-tôt rempli par un fucceffeur conduit de la même façon, que par trois arbres fans ceffe rabattus, récepés, mutilés, taillés courts. Ainfi du calcul de la différence de beauté, de produit, de durée, &c. il résulte que cet arbre a tout l'avantage fur les trois.

CHAPITRE

XIV.

TAILLE DES VIEUX ARBRES.

LES
Les règles de la Taille doivent être modifiées

fuivant la force, l'âge, le befoin des arbres. Un arbre foible ou languiffant ne peut pas porter la même charge que l'arbre vigoureux : un arbre modéré dans fa végétation fuccomberoit bientôt fous les traitements que l'on emploie

pour réduire un arbre fougueux. La préfence & l'examen de chaque individu déterminent la rigueur, l'exactitude, les adouciffements dont il convient d'ufer. Un vieux arbre fe traite àpeu-près comme le bas d'un arbre dans fa force; c'est-à-dire, qu'il fe taille court & feulement fur les meilleurs bourgeons ; qu'il doit être déchargé de toute branche foible ou inutile; qu'il ne faut caffer aucune branche; que tous les bourgeons qui percent du vieux bois, pour peu qu'ils montrent de vigueur, doivent être ménagés avec foin pour regarnir les vuides, ou fuccéder aux branches mortes ou prêtes à périr; qu'on doit ravaler d'année en année les branches les plus ufées, pour tenter d'en faire fortir des bourgeons propres à les renouveller; en un mot, féconder tous les efforts de fa vieilleffe, & profiter de toutes les reffources dont elle est encore capable, pour entretenir & foutenir fes forces, prolonger & rendre utiles fes dernières années. Enfin, lorsque la feve ne peut plus percer l'écorce trop dure, ni circuler dans des canaux trop refferrés, demi-defféchés, & que l'arbre fe dégarnit de toutes parts, fi fa tige & fes racines paroiffent faines, on peut le récéper jufqu'à la naiffance des groffes branches, couvrir ces

fi un

grandes plaies, & efpérer qu'il repercera des bourgeons vigoureux qui le rajeuniront, & procureront une jouiffance encore longue; mais fi fes racines font en auffi mauvais état que fes branches, il faut lui donner un fucceffeur. Eft-il néceffaire de faire observer que, côté d'un arbre eft plus fort que l'autre, l'autre, le côté foible doit être taillé & déchargé comme un arbre foible ou languiffant auquel on peut le comparer; & le côté fort doit être chargé & taillé comme un arbre vigoureux ?

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LE Paliffage eft une opération plus oppofée

que la taille à l'ambition & à la liberté des arbres, qui veulent élever leur tête & étendre leurs branches fans contrainte. Son but eft de rendre un arbre agréable par l'ordre & la fyrmétrie qu'elle met dans toutes fes parties; de préferver fes branches de la violence des vents; d'y augmenter ou modérer l'action de la feve, fuivant les cas; de les rendre plus fécondes, & de procurer aux fruits une maturité plus

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