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CHAPITRE II.

DES TERRES.

HEUREUX le Propriétaire dont les Jardins font établis dans un fol gras, profond, meuble fans être aride, frais fans être froid, fertile, & propre à tous les végétaux, bien expofé aux regards du Pere de la végétation, doucement incliné du Nord au Midi, abondamment & commodément pourvû de bonne eau, défendu des mauvais vents! Ses travaux & fes foins font fuivis des plus grands fuccès.

Une couche mince de terre qui couvre la pierre, le tuf, l'argile, la glaife, ou d'autres matières ineptes ou contraires à la végétation, ne peut nourrir des arbres, dont la plûpart exigent trois pieds de profondeur de bonne terre, ni plufieurs efpeces de plantes qui en exigent au moins deux pieds. Il faut donc la charger d'une quantité fuffifante de bonnes terres, ou fubftituer ces bonnes terres aux mauvaises matières; ce qui feroit encore plus difpendieux, & deviendroit pernicieux, fi ces matières retiennent l'eau: car en ce cas on doit les laiffer intactes, & rehauffer le terrein.

Dans une terre compacte, froide, humide; le Cultivateur verra périr les objets de fes foins, ou il ne recueillera que des productions tardives & infipides; fi du fable, des gazons pourris, des fumiers chauds, ne dégourdiffent cette terre pareffeufe, ne l'animent, ne la divifent, ne lui donnent de l'action; & fi les allées, plus baffes que les carrés, n'en tirent les eaux & les humidités nuifibles.

Les Végétaux ne peuvent fubfifter dans des fables maigres, arides, brûlants, fi de fréquents arrofements, & un mêlange de terres fortes & de bons fumiers gras & frais ne leur fournisfent de la nourriture; & fi les allées, plus élevées que les carrés, n'y retiennent les pluies.

Le détail des diverfes efpeces de terres, de leurs défauts, & des moyens de les corriger, feroit fuperflu: quelques fouilles, & l'examen des plantes qui s'élevent d'elles-mêmes dans un terrein, en montrent la profondeur & les qualités. Les remedes à ces défauts font affez connus; la dépenfe eft le plus grand obstacle à l'amélioration des mauvais fonds.

Je fuppofe donc un terrein, nettoyé de pierres, défoncé à trois pieds de profondeur dans les endroits deftinés aux arbres, & à deux pieds au moins dans les parties qui doivent fervir à

la culture des plantes; de bonne qualité, ou amendé avec de bonnes terres, des fumiers, des boues des rues ou des chemins fréquentés, des gazons ou d'autres engrais convenables à fa nature, & bien mêlés avec la terre en la defonçant.

Je fuppofe ce terrein bien dreffé, fermé de murs hauts de huit pieds au moins, faits de moëllon, de briques ou autres matériaux fuivant les pays, conftruits avec du mortier, & non en pierres feches qui donnent retraite à tous les infectes & paffage aux vents, crépis au moins à pierres apparentes en plâtre ou en bon mortier de chaux & de fable, garnis de treillage (*).

Il feroit très-avantageux que les murs d'efpaliers fuffent conftruits en talus, leur don

(*) Les murs de Bauge (c'eft de la terre grasse pêtrie en mortier & mêlée avec de la paille ou du foin) enduits de chaux & de fable, chaperonnés & couverts de chaume, font très-bons pour les arbres. Dans les endroits où il fe trouve de l'argile mêlée de fable & de très-menu cailloutage, on peut faire de la Bauge propre à construire non feulement des murs d'efpalier, mais de grands bâtimens auffi propres & auffi folides que ceux qui font faits en moëllon. Il s'en voit de tels dans le Cotentin & ailleurs. Cetre forte de Bauge fe nomme Mafais.

nant deux pieds ou deux pieds & demi d'épais feur dans le bas, & un pied ou dix-huit pouces dans le haut; de forte qu'ils euffent au moins un pied de talus, & que les arbres fusfent inclinés: j'en dirai la raifon dans la fuite.

Je fuppofe que ce terrein, s'il a une grande étendue, eft coupé de murs de refend, pour rompre les vents, multiplier les efpaliers & procurer des primeurs ; que l'endroit le mieux expofé & le plus commode eft fermé, & dispofé pour les couches & pour l'éducation des plantes délicates.

Je fuppofe que ce terrein eft diftribué & deffiné d'une façon auffi avantageufe qu'agréable; que toutes ou la plupart des piéces font coupées à angles droits; que les allées font d'une largeur fuffifante pour le fervice, & pour le paffage des voitures; que les baffins d'eau ou les puits font pratiqués pour la décoration & la commodité.

Je fuppofe enfin que la culture de ce terrein eft confiée à un Jardinier qui joint à la vigueur & à la bonne fanté la probité, la conduite, les connoiffances, l'affiduité, la vigilance, l'activité, la docilité & le defir d'apprendre, l'étude & l'obfervation de la Nature, l'amour & le goût de fon métier.

Il faut mettre ce terrein en valeur, & d'abord y planter des arbres, comme nous l'expliquerons dans la fuite.

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1o. LORSQUE les murs sont faits de moëllon tendre & enduits de plâtre (ou d'autres matériaux couverts d'un enduit de plâtre épais d'un pouce), on paliffe les arbres avec des loques: ce font de petites lanières de peau ou d'étofe, larges de quatre ou cinq lignes, & de diverfes longueurs. On embraffe la branche avec une loque, on la place contre le mur, & avec un petit clou on attache les deux bouts de la loque. Ce paliffage eft très-propre, &\ très-bon pour les petites branches; mais s'il faut forcer une groffe branche pour en changer la direction, une loque ne peut pas l'asfujettir & réfifter à fon effort: il eft néceffaire d'enfoncer de gros clous dans le mur.

2o. De gros fil de fer tendu verticalement, attaché avec des clous fcellés ou enfoncés dans le mur, peut fervir au défaur d'un meilleur Treillage,

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