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fuivant ce Pere. Il eft auffi impoffible de les expliquer en détail, qu'il eft impoffible d'expliquer comment un homme eft parvenu de proche en proche à un certain degré de fageffe & de vertu, à certains préjugez, &c. On y arrive par des combi

naifons innombrables de l'éducation, des exemples, des lectu res, des conversations, des amis, des expériences, des reflexions, & des infpirations intérieures par lefquels Dieu opere infenfiblement dans le fond des cœurs. Non feulement les autres hommes ne fçauroient dire en détail tout ce qui a préparé, perfuadé, déterminé un cer tain homme à un certain genre de vie; mais encore cet homme même ne fçauroit après coup retourner, pour ainsi dire, fur fes pas, & retrouver tant au de

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hors qu'au dedans tout ce qui a fervi de reffort pour remuer fon cœur. Ce que chacun ne peut faire pour retrouver fes propres traces, Dieu le fera dans fon jugement. Il y fera victorieux, parce qu'il développera à chaque homme tous les replis de fon cœur dans une chaîne de moyens, par lesquels il n'a tenu qu'à lui de chercher, de connoître la vérité, de l'aimer, de la fuivre, & d'y trouver fon falut. Ces moyens, quoiqu'inexpliquables en détail, font très-certains en gros. Leur varieté, leur combinaison fecrete, leur facilité à nous échapper nous en dérobent fouvent la connoiffance diftincte mais Dieu infiniment jufte & bon ne mérite-il pas bien d'être crû fur l'enchaînement & fur la proportion de ces moyens qu'il a pré

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parez ? N'en est-il

meilleur

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pas juge que nous, puifque nous négligeons ces moyens jufqu'à n'y faire prefque jamais aucune attention? Si un homme fe trouvoit tout à coup en s'éveillant dans une ifle deferte quelle prodigieufe recherche ne feroit-il point pour découvrir par quelle avanture il y auroit été tranfporté? Nous nous trouvons tout à coup en ce monde, comme tombez des nuës, nous ne fçavons ni ce que nous fommes, ni d'où nous venons, ni où nous fommes venus, ni avec qui nous vivons, ni où nous irons au fortir d'ici, Qui eft-ce qui a la moindre curiofité fur ce profond mystere? Perfonne ne veut le développer. On s'amufe de tout, on veut tout fçavoir, excepté l'unique chofe qu'il feroit capital d'apprendre. Cette in

dolence monftrueufe eft le grand péché d'infidélité. Non piè quærunt, dit S. Auguftin. De quoi les hommes ne feroient-ils point capables, s'ils étoient finceres, humbles, dociles, & auffi appliquez qu'un fi grand bien le mérite? Les petits enfans n'apprennent-ils pas en peu de tems les chofes & les termes de tout le détail de la vie humaine, & toute une langue? Le peuple le plus groffier n'apprend-il pas toute la fineffe des arts? Ce n'eft pas tout. Que n'apprend-on pas avec fubtilité & profondeur pour le mal! L'efprit ne manque que pour le bien. On n'est bouché que pour les chofes qu'on n'aime pas. Aimez la vérité comme l'argent, vous devinerez ce qui eft le plus obfcur. Quand Dieu raffemblera contre un homme tous les dons

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naturels de la raifon, & tous les fecours furnaturels donnez pour le préparer à la foy, quand il lui montrera que ces graces en auroient attiré de plus grandes pour fon falut, s'il n'eût pas négligé les premieres ; cet homme verra tout à coup ce qu'il ne veut point voir ici bas. Quand même cette juftice de Dieu seroit incomprehensible, il faudroit la croire fans la comprendre. Mais l'homme aime mieux fe flatter, fecoüer le joug, fuppofer que Dieu lui manque, dif puter fur fa propre liberté quoiqu'il ne puiffe en douter férieufement; & vivre fans regle, en se justifiant aux dépens de Dieu.

5o. Il est vrai qu'il faut des preuves proportionnées à l'ef prit foible & groffier de prefque tous les hommes, pour les fou

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