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agiffoit fans aucune fin, il agi roit d'une façon aveugle, infen fée, où sa sagesse n'auroit au cune part. S'il agiffoit pour une fin moins haute que lui, il ra baifferoit fon action au deffous de celle de tout homme vertueux, qui agit pour l'Etre fuprême. Ce feroit le comble de l'abfurdité. Concluons donc fans craindre de nous tromper, que Dieu fait tout pour luimême.

I I.

Cet Etre fuprême, que nous nommons Dieu, ne peut avoir créé les êtres intelligens pour lui, qu'en voulant que ces êtres employent leur intelligence à le connoître, & à l'admirer; & leur volonté à l'aimer, & à lui obeïr. L'ordre ou la justice demande que notre intelligence

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foit reglée, & que notre amour
foit jufte. Il faut donc que Dieu
ordre & juftice fuprême veuille
que nous aimions fa perfection
infinie plus que notre finie per-
fection &
que nous aimions
cette bonté infinie plus que
la
bonté finie qu'il met en nous.
Voilà le véritable & raisonna-
ble amour de la justice. Nous
ne fommes que des biens bor-
nez, participez, & dépendans;
au lieu que le premier Etre eft
le bien unique fource de tous
les autres, le bien fans bornes,
le bien indépendant. Notre
amour pour ce bien doit être
auffi en nous un amour unique
fource de tout autre amour, un
amour fans bornes, un amour
indépendant de tout autre
amour. Au contraire, l'amour
de nous-mêmes doit être un
amour dénué de cet amour pri-

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mitif un amour ruiffeau de cette fource, un amour dépendant, un amour borné & proportionné à la petite parcelle de bien qui nous est échûë en partage. Dieu eft le tout & nous ne fommes qu'un rien revêtu par emprunt d'une trèspetite parcelle de l'Etre. Nous fommes non à nous, mais à celui qui nous a faits, & qui nous a donné tout jufqu'au moi ce moi qui nous eft fi cher, & qui eft d'ordinaire notre unique Dieu, n'eft, pour ainfi dire, qu'un petit morceau qui veut être le tout. Il rapporte tout à foi, & en ce point il imite Dieu & s'érige en fauffe divinité. Il faut renverser l'idole. Il faut rabaiffer le moi, pour le réduire à fa petite place. Il ne doit occuper qu'un petit coin de l'Uniyers, à proportion du peu de

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&

Dieu & nous ne l'empêche point d'être fans ceffe tout auprès & au dedans de nous que c'eft même cette perfection infiniment fupérieure à la nôtre, qui le met en état de faire toutes chofes en nous, & d'être plus près de nous que nous-mêmes? Comment veut-on que celui qui fait que nos yeux voyent, que nos oreilles entendent, que notre efprit connoît, & que no. tre volonté aime ne foit pas attentif à tout ce qu'il opére au dedans de nous ? Comment

peut-il ne s'intéreffer pas à ce qu'il prend foin d'y faire à tout moment? Cette attention ne coûte rien à une intelligence & à une bonté infinie. En elle tout eft action, & tout eft repos. Nous voudrions imaginer un Dieu fi éloigné de nous, fi hautain, & fi indifférent dans fa

hauteur, qu'il ne daigne pas veiller fur les hommes, & que chacun, fans être gêné par fes regards, puiffe vivre fans regle au gré de fon orgueil & de fes paffions. En faisant semblant d'élever Dieu de la forte, on le : dégrade; car on en fait un Dieu indolent fur le bien & fur le mal, fur le vice & fur la vertu de fes créatures, fur l'ordre & fur le defordre du monde qu'il a formé. En faifant femblant de s'abaiffer foi-même, on s'érige en divinité, on renverfe toute fubordination, on fe donne toute licence, on fe promet toute impunité veut fe mettre au deffus de fa raison même.

on

Encore une fois, comparez ces deux plans, dont l'un nous prefente un Dieu sage, bon vigilant, qui arrange, qui cor

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