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pacité de le connoître & de l'aimer? Il est manifefte que c'est le plus précieux de tous fes dons. Nous l'a-t-il accordé d'une maniere aveugle, & fans raison, par pur hazard, fans vouloir que nous en fiffions aucun ufage? Il nous a donné des yeux corporels, pour voir la lumiere du jour. Croirons-nous qu'il nous a donné les yeux de l'efprit, qui font capables de connoître fon éternelle vérité, fans vouloir qu'elle foit connuë de nous ? J'aVouë que nous ne pouvons ni connoître, ni aimer infiniment, l'infinie perfection. Notre plus haute connoiffance demeurera toûjours infiniment imparfaite, en comparaison de l'Etre infiniment parfait. En un mot, quoique nous connoiffions Dieu, ce ne peut jamais être que par une connoiffance bornée; mais nous

le connoiffons tellement, que nous disons tout ce qu'il n'eft point, & que nous lui attribuons les perfections qui lui convien nent, fans aucune crainte de nous tromper. Il n'y a aucun autre être dans la nature que nous confondions avec Dieu; & nous fçavons le réprésenter avec son caractere d'infini, qui est unique & incommunicable. Il faut que nous le connoiffions bien diftinctement, puisque la clarté de fon idée nous force à le préférer à nous-mêmes. Une idée qui va jufqu'à détrôner le moi, doit être bien puiffante fur l'homme aveuglé & idolâtre de lui-même. Jamais idée ne fut fi combattue, jamais idée ne fut fi victorieufe. Jugeons de fa force par l'aveu qu'elle arrache de nous contre nous-mêmes. Rien n'eft fi étonnant que l'idée de

Dieu, que je porte au fonds de moi-même, c'eft l'infini contenu dans le fini. Ce que j'ai au dedans de moi me furpaffe fans mesure. Je ne comprens pas comment je puis l'avoir dans mon efprit, je l'y ai néanmoins. Il eft inutile d'éxaminer comment je puis l'avoir, puifque je l'ai. Le fait eft clair & décifif. Cette idée ineffaçable & incomprehenfible de l'Etre divin, eft ce qui me fait reffembler à lui, malgré mon imperfection & ma baffeffe. Comme il fe connoît & s'aime infiniment, je le connois & l'aime felon ma mesure. Je ne puis connoître l'infini, que par une connoiffance finie; & je ne puis l'aimer que d'un amour fini - comme moi, mais je le connois néanmoins comme étant in fini & je veux l'aimer du plus grand amour dont il m'a rendu capa-i F

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ble. Je voudrois ne pouvoir

mettre aucune borne à mon amour pour une perfection qui n'eft point bornée. Il est vrai encore une fois que cette connoiffance & cet amour n'ont point une perfection égale à leur objet, mais l'homme, qui connoît & qui aime Dieu selon toute fa mesure de connoiffance & d'amour, eft incomparable. ment plus digne de cet Etre parfait, que l'homme qui feroit comme fans Dieu en ce monde, ne fongeant ni à le connoître ni à l'aimer. Voilà deux divers plans de l'ouvrage de Dieu. L'un eft auffi digne de fa fageffe & de fa bonté, qu'on le peut concevoir. L'autre n'en eft nullement digne, & n'a aucune fin raifonnable: il eft facile de conclure quel eft celui que Dieu a fuivi.

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X.

fe

L'homme en fe rabaiffant, ne cherche que l'indépendance; c'est une humilité trompeufe & hypocrite. On veut s'éxagerer à foi-même fa baffeffe, fon néant. & la difproportion infinie qui eft entre Dieu & foi, pour coüer le joug de Dieu,& pour devenir une espece de petite Divinité à fa mode, en contentant toutes fes paffions déréglées,& fe faifant le centre de tout ce qui eft autour de foi. On eft ravi de mettre Dieu dans une fupériorité & une difproportion infinie où il ne daigne ni nous obferver ni nous rapporter à sa gloire, ni s'intéreffer à nous, ni nous redreffer, ni nous perfectionner, ni nous récompenser, ni nous punir. Mais ne voit-on pas que la distance infinie qui eft entre

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