AN. 1340. Sup liv. XCIV. n. 25,. IV. Avis à Lierre tv. Roi d'Arragon. Indic. p. 184. la Terre-fainte; & du ferment fait en notre nom fur ce fujet, puifque tout vous eft poffible en ce cas. Que fi vous ne voulez pas nous remettre entierement cette fomme, donnez-nous au moins pour la restitution fix ans de terme àprés la fin de nos guerres. La lettre est du vingtiéme de Mars. Vous Le pape répondit: Nous ne pouvons affés admirer que des prélats & d'autres perfonnes fages, ofent vo dire que vous pouvés en confcience, tourner à d'autres ufages les décimes levées pour une fi pieuse fin. Nous nous fouvenons du ferment folemnel que vos envoyés prêterent au pape Jean XXII. en presence des cardinaux du nombre defquels nous étions, & d'une grande multitude de clergé & de peuple; & nous entendons avec douleur les murmures & les plaintes qui fe font contre vous, à l'occasion de ce paffage d'Outremer dont vous fûtes alors déclaré le chef. Le reproche s'étendroit contre nous-mêmes, fi ces deniers levés pour la délivrance de la Terre-fainte, s'emploïoient de notre confentement, pour répandre le fang des chrétiens. Le roi d'Angleterre nous a déja marqué dans quelque lettre, que le peché dont vous êtes chargé pour avoir manqué à la croifade,lui donne de la confiance pour emploïer fes forces contre vous; jugés par-là ce que diroient les autres ; fi nous vous accordions vos demandes. Quant à la prorogation,confiderés quand & comment fe feroit cette reftitution, & jugeant de l'avenir par lepaffé, voïés ce qu'ont fait en cas pareil vos predeceffeurs, & ce qui leur en eft arrivé. La lettre eft du fecond d'Avril 1340. Pierre IV. roi d'Arragon, depuis furnommé le Ceremonieux, avoit fuccedé à fon pere Alfonse en 1336. Au mois de Novembre 1339. il vint à Avignon Baluz vit. to. 56. p. 20+.. Rain.1340 n. & fit homage au pape Benoift pour le roïaume de Sai- AN. 1349. daigne. Ce prince étoit encore affés jeune, & fût accompagné en ce voïage par Jacques roi de Maiorques, qui étoit comme fon gouverneur, & par Jean Chimenés archevêque de Tarragone. Pendant le féjour du roi Pierre à Avignon, le pape lui donna plufieurs avis fur la conduite perfonelle & fur le gouvernement de fon roïaume, & en particulier fur le trop de liberté que l'on y donnoit aux infideles. Pour l'en faire fouvenir aprés qu'il fût retourné en Arragon, le pape lui écrivit une lettre où il dit: Nous avons appris par le raport de plufieurs fideles habitans dans vos états, que les Juifs & les Sarrafins qui y font en grand nombre, avoient dans les villes & les autres lieux de leur demeure, des habitations feparées & enfermées de murailles, pour eftre éloignés du trop grand commerce avec les chrétiens & de leur familiarité dangereufe. Mais à prefent ces infideles étendent leurs quartiers ou les quittent entierement, logent pêle mêle avec les chrétiens, & quelquefois dans les mêmes maisons. Ils cuifent aux mêmes fours, fefervent des mêmes bains, & ont une communication fcandaleufe & dangereufe. Deplus les Juifs batiffent leurs fynagogues & les Sarrafins leurs mosquées & les confervent au milieu des chrétiens. Dans ces lieux les Juifs blasfement contre J. C. & les Sarrafins donnent publiquement des loüanges à Mahomet, contre la défenfe du concile de Vienne. Pendant que les chrétiens. font le service divin dans les églifes, prés defquels font en quelques lieux des fynagogues ou des mofquées ou quand on porte les facremens aux malades, les infideles font des éclats de rire ou d'autres dérifions. B: AN. 1340. V. Defcente des pague. XV1.6.2. Nous vous avons prié inftamment de faire ceffer tous ces défordres, & vous nous l'avés promis agreablement: c'eft pourquoi nous vous en prions encore; & afin que l'effet s'enfuive plus promptement, nous en écrivons aux archevêques de Tarragone & de Sarragoce & à leurs fuffragans pour vous en folliciter, La lettre eft du huitiéme de Janvier 1340. Je ne voi point que l'on s'appliquât à la converfion de ces Mufulmans foumis à la domination des chrétiens: tandis que l'on préparoit la Croifade contre ceux d'Afie & d'Afrique, que l'on envoïoit fi loin des miffionaires prêcher la foi aux Tartares & aux indiens. & Deux mois aprés le pape fit publier la Croifade Mores en Efpa- en Espagne contre les Mores d'Afrique, qui l'année précedente étoient entrés en Efpagne à cette ocMariana lib. cafion. Mahomet roi de Grenade de la race des Alhamares fe fentant preffé par les armes des chrétiens & trop foible pour leur résister, passa en Afrique, & alla implorer le fecours d'Albohacem roi de Maroc, de la race des Merins ou Benimerin. Ce prince envoïa quelques troupes en Efpagne fous la conduite de fon fils Aboumelie, qui paffa le détroit de Gibraltar vers la fin de l'an 1332. Après avoir remporté pendant fept ans quelques avantages fur les chrétiens, il fut tué en une déroute l'an 1338, Son pere Albohacem plus animé par cette perte, envoia par toute l'Afrique des hommes eftimés, les plus dévots & les plus zelés entre les Musulmans, exciter les peuples à prendre les armes pour la défence & l'accroiffement de la religion de leurs ancêtres. C'étoit à peu prés comme chez les chrétiens prêcher la Croifade. Ainfi Albohacem affembla foixante & dix mille chevaux, & quatre cens mille hommes d'in- AN. 1349. fanterie, avec une flote de douze cens cinquante vaiffeaux, & foixante & dix galeres. d'A 40. Les trois rois d'Espagne, c'est-à-dire, de Castille, Aragon & de Portugal, s'étoient réünis pour s'opposer aux infideles, & le roi de Castille Alfonfe, Rain. 1340. dont les états étoient les plus expofés, envoïa au pape deux chevaliers, pour luy demander du fecours. Le pape de l'avis des cardinaux, luy accorda une Croifade pour les roïaumes de Castille, d'Arragon, de Navarre & de Maïorque, tant contre le roi de Benimerin, c'est-à-dire, Albohacem, que contre le roi de Grenade. La Croifade étoit accordée pour trois ans, avec une levée de decimes fur les biens ecclefiaftiques; n. 40% & le pape l'accorda à ces conditions. Dans les terrès que vous aurés conquifes fur les Arrabes, nous voulons que l'on bâtiffe des églifes cathedrales felon que nous l'ordonerons, eûégard à la qualité & la commodité des lieux, avec un clergé convenable, qui foit feculier. Les collegiales & les autres moindres églifes pourront étre fondées par l'ordre des prélats & des autres qui en auront le droit. Dans les lieux conquis fur les Mores, où ils font mêlés avec les chrétiens, on ne leur permettra point d'aller à la Meque en pelerinage, ni de prononcer à haute voix le nom de Mahomet. J'entens ceci de la proclamation pour appeller à la priere. La bulle continue: Nous voulons auffi que dans le roïaume de Grenade & les autres lieux conquis fur les Mores, vous faffiés paier les dîmes & les prêmices pour la fubfiftance des ecclefiaftiques: La bulle eft du feptiéme deMars 1340. AN. 1340. Mir. 7 Rain. n. 430 Mar. 6.7. La grande armée d'Albouhacem emploïa cinq mois à passer en Espagne, & fe raffembla prés d'Algezire joignant le détroit. Ce fut la faute de Gilbert' Amiral d'Arragon qui commandoit toute l'armée navale des chrétiens. Ne pouvant fouffrir les reproches qu'on lui faifoit d'avoir laiffé paffer les infideles, il les attaqua imprudemment; enforte que fa flote fut défaite, & lui-même tué. Le pape écrivit fur ce fujet une lettre au roi de Caftille, où aprés l'avoir confolé & exhorté à prendre confiance en Dieu, il ajoûte: Nous vous prions de confiderer combien il importe à un prince allant à la guerre d'avoir la paix chés lui, c'est-à-dire, dans fa confcience. Voiés donc fi vous ne fentés point de combat en vous-même au fujet de cette concubine, laquelle vous avés été fi long-tems attaché au préjudice de votre falut & de votre réputation; & fi yous n'avés point de remors touchant ce maiftre de l'ordre d'Alcantara que vous avés fait mourir, quoique religieux, & au mépris des cenfures ecclesiasti ques. Celui dont parle ici le pape, étoit Gonfalve Martinés, qui en 1338. remporta une grande victoire fur les Mores en l'occafion où Abomelie fut tué. Mais il fut enfuite accufé de trahison auprés du roi de Castille, qui nonobstant la remontrance du pape, Rain 1339. le fit décapiter & brûler. La lettre continue en exhortant le roi à éloigner fa concubine & faire penitence pour attirer la benediction de Dieu fur Les armes. La date eft du vingtiéme de Juin 1340. Le lundi trentiéme d'Octobre fe donna la bataille prés de Tarif que les deux rois de Maroc & de n. 77. Grenade |