AN. 1381.

prix d'argent ou nés dans la maison des maîtres. Or les reftes de fervitude qu'on voïoit encore en Angletere come en France dans le quatorziéme fiécle, ne confiftoient gueres qu'en quelques courvées, que les païfans devoient à leurs feigneurs, ou à la taille que les feigneurs levoient en certains cas. Le peuple étoit fi charmé des fermons féditieux val. p. 2780 de Jean Vallée qu'il crioit : Il fera nôtre archevêque & chancelier du roïaume, il n'y a que lui qui en foit digne: cclui qui l'eft aujourd'hui eft un traitre ennemi des comunes: il faut lui couper la tête, quelque part qu'on puiffe le prendre en Angletere.

Ce prélat fi odieux au peuple étoit Simon de Subduri, ainfi nomé du lieu de fa naiffance au comté Goduin. p. 168. de Suffolc. Son pere qui étoit noble l'envoïa dès fa jeuneffe étudier en droit, ce qu'il fit en plufieurs univerfités de France, & devint docteur. Il fut chapelain & auditeur du Pape Innocent VI. qui le fit premierement chancelier de l'église de Sarisburi, puis évêque de Londres en 1364. Enfin Gregoire XI. le transféra à l'archevêché de Cantorberi, & Simon en reçut les bulles le fixiéme de Juin 1375. Ce fut dans la province d'Effex que les païfans Valsing. p. 147. comencerent à s'atrouper ; & à chaque village où ils paffoient, ils envoïoient dire que tous les habitans jeunes & vieux, euffent à les fuivres armés come ils pouroient, autrement qu'ils brûleroient & abatroient leurs maisons. En peu de temps ils affemblerent cinq mille homes, dont quelques-uns n'avoient que des bâtons, des cognées ou des épées enroüillées. Ils étoient déja deux cens mille quand

AN. 1381.

p. 250.
Froiff. 2. c. 76.

VIII.

Mort de Simon

Cantorberi.

'ils ariverent près de Londres, & y entrerent en grand nombre le jour de la fête du faint Sacrement, qui étoit le treiziéme de Juin 1381. Le lendemain vendredi, ils entrerent même dans la tour où le roi Richard s'étoit retiré avec l'archevêque & le grand prieur des Rodiens, grand tréforier du roïaume, qui étoient les deux à qui ils en vouloient le plus. S'étant fait mener où étoit l'archevêque, ils le trouverent dans la chapele, qui venant de dire la messe, faisoit son action de graces, & lés atendoit bien préparé à la mort.

Ils entrerent en criant: Où eft ce traitre & ce archevêque de voleur ? Il s'avança tranquilement, & leur dit ; Vous êtes les bien-venus, mes enfans, je suis l'archevêque que vous cherchés, mais non pas un traitre, ni un voleur. Ils le tirerent hors de la chapele le tenant par les bras & par le camail, & le menerent hors des portes de la tour. Là jetant un cri horible, ils l'environerent, tenant une infinité d'épécs nuës: il pria pour eux, & fe mit à genoux, tendant le cou pour recevoir le coup. Il en reçut jufques à huit dont le dernier lui abatit la tête. Son corps demeura fans fépulture ce jour-là & le fuivant, tant on craignoit ces furieux. Ils tuérent avec lui le grand prieur des Rodiens Robert Hales, & aïant mis leurs têtes au bout de deux piques, ils les portérent par les ruës en dérifion.

Pour diffiper ces mutins le roi leur promit ce qu'ils voulurent: mais enfuite il en fit punir pluValsing. p. 275. fieurs, entre autres, le prêtre Jean Vallée, qui étant-pris & convaincu, fut traité comme coupable de haute trahison: c'eft-à-dire trainé, pendu,

decapité, éventré & mis en quatre quartiers le huitiéme de Juillet. Pour remplir la place de l'archevêque Simon, ainfi malheureusement maffacré, les moines de Cantorberi, du confentement du roi, élurent Guillaume de Courtenai, évêque de Londres ; & le pape Urbain, fans le savoir, lui dona vers le même temps la provision de l'archevêché.

Guillaume étoit fils de Hugues de Courtenai, comte de Dévonshire, & dès la jeunesse, il s'apliqua fortement à l'étude du droit civil & canonique. Quand il eut reçu les Ordres, il fut chanoine dans les trois cathédrales d'Exceftre, de Veli & d'Iorc, outre plufieurs autres bons benefices. En 1360. il fut facré évêque d'Herford, & cinq ans & demi après, transferé à Londres à la place de Simon Subduri. Ses bulles furent publiées à Cantorberi le neuviéme de Janvier 1381. c'est-à-dire 1382. avant Pâques.

AN. 1381.

God. p. 172

IX.

Valfing. p 283.

La même année vers la fête de faint Jean-por- Propofitions de te-Latine, c'est-à-dire au comencement de Mai le Viclef. roi Richard tint un parlement à Londres, dont Vi-Rain. n. 29, clef prit ocafion pour écrire aux feigneurs qui y étoient affemblés, & leur envoïa les huit propofftions fuivantes, comme néceffaires au maintien du roïaume. Le roi ou le roïaume ne doit obéir à Propof. 8. aucun fiége ou prélat, finon autant qu'il cft marqué dans l'écriture: autrement c'eft quiter J. C. pour obeïr à l'Ante-chrift. Il ne faut envoïer de l'argent, ni à la cour de Rome, ni à celle d'Avignon, ni à aucune autre cour étrangere, fi ce devoir n'eft prouvé par l'écriture faihte autrement ceux qui l'exigent font les loups ravillans, que Matth. v11. 16.

2.

l'on conoît par leurs fruits. Perfone ni cardinal, ni autre, ne doit recevoir aucun fruit des benefices d'Angletere, s'il n'y réfide, ou n'eft ocupé utilcment pour le roïaume, au jugement des feigneurs: autrement il pille les pauvres fujets du roïaume fans leur rien doner d'équivalent à ce qu'il en tire. Le roi doit détruire les traitres du roïaume, & défendre fes fujets contre leurs cruels ennemis: par où il entendoit ceux qui combatoient fes erreurs. Le comun peuple ne doit point être surchargé de tailles, jufqu'à ce que le patrimoine des égliles foit épuifé: c'eft le bien des pauvres qui doit être emploïé pour leurs befoins, & le clergé vivra dans la perfection de fa premiere pauvreté. Quand un évêque ou un curé tombe manifeftement dans le mépris de Dieu, le roi non-sculement peut confifquer fon temporel, mais il y eft obligé. Le roi ne doit point se servir d'un évêque ou d'un curé pour quelque fonction féculiere; autrement ils font l'un & l'autre traitres à J. C. Le roi ne doit emprisoner perfone pour être demeuré longtemps excomunié, à moins qu'on ne montre par la loi de Dieu que ce retardement de fe faire abfoudre eft illicite.

En même temps Viclef publia d'autres propofitions condamnables, principalement contre la préfence réele en l'euchariftie; & il envoïa de fes difciples répandre ces erreurs, fans que les curés puffent l'empêcher, parce qu'il étoit foûtenu par peuple, dont il flatoit l'averfion contre le clergé, D'où il ariva que l'évêque de Lincolne, fon fupérieur diocéfain, l'aïant interdit de la prédication, & vou

le

:

lant le corriger le peuple furieux intimida telement ce prélat, qu'il n'ofa rien éxécuter.

AN. 1382..

X.

dres.
Conc. to. XI. p.

Mais le nouvel archevêque de Cantorberi Guil- Concile de Lonlaume de Courtenai voulant s'opofer à ces défordres, tint un concile à Londres, où fe trouvérent 2052. avec lui fept évêques & plufieurs docteurs & bacheliers en théologie, tous des quatre Ordres Mandians:plufieurs docteurs en droit-canon & en droitcivil, tous féculiers. L'archevêque les afsembla premierement le dix-fept du même mois de Mai 1382. qui étoit le mécredi avant la Pentecôte, dans une chambre du prieuré des freres Prêcheurs : on y lut publiquement plufieurs propofitions que l'on difoit être hérétiques ou erronées, & l'archevêque chargea les docteurs & les bacheliers d'en dire en conscience leur fentiment. Après en avoir délibéré, ils s’afsem– blerent au même lieu le vingt-uniéme du mois, & il fut déclaré que quelques-unes de ces propofitions étoient hérétiques, & d'autres erronées & contraires à la décifion de l'églife.

p. 2053.

I.

2.

4.

Les propofitions qui furent jugées hérétiques, étoient au nombre de dix, favoir : La substance du pain & du vin demeure au facrement de l'autel après la confécration ; & les accidens n'y demeurent point fans fubstance. J. C. n'est point en ce facrement vraiment & réelement. Si un évêque ou un prêtre eft en peché mortel, il n'ordone, ne confacre,ni ne batife point. La confeffion extérieure eft inutile à un home fuffifament contrit. On ne trouve point dans l'évangile que J. C. ait ordoné la meffe. Dieu doit obéïr au diable. Si le pape eft un imposteur & un méchant, & par conféquent ..

6.

7.