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tourna à fon logis, & n'alla rendre vifite à aucun AN. 1398. des cardinaux.

non,

Le lendemain matin on fona la cloche du consistoire, tous les cardinaux qui étoient à Avignon y vinrent, & l'évêque de Cambrai avec eux. Il parla en Latin, & expliqua tout au long le fujet de fon voïage: puis on le pria de fe retirer pendant qu'on délibéreroit. La délibération fut trèslongue, & quelques-uns des cardinaux trouvoient bien dur de défaire ce qu'ils avoient fait, c'est-àdire le pape qu'ils avoient élû. Mais le cardinal d'Amiens leur dit : Meffeigneurs, vcüillons, ou il nous faut obéïr au roi de France & à l'empereur, puifqu'ils font unis ensemble, car sans eux nous ne pouvons vivre. Encore pourions-nous bien gagner l'empereur, fi le roi de France vouloit tenir pour nous mais il nous mande que nous obeïffions, ou qu'il nous retiendra les fruits de nos bénéfices. Plufieurs cardinaux aprouverent celui d'Amiens, & prefferent le pape de s'expliquer. Il répondit: Je defire l'union de l'églife, & j'y ai beaucoup travaillé ; mais puifque Dieu m'a pourvu du pontificat & que vous m'avez élû, je demeurerai pape tant que je vivrai, & n'y renoncerai pour roi, duc ou comte, ni par quelque moïen que ce foit, Alors les cardinaux fe leverent divifez entre eux, & fortirent du consistoire la plûpart fans dre congé du

pape.

pren

L'évêque de Cambrai les voïant fi mal d'acord, s'avança dans le confiftoire, & dit au pape : Seigneur, vous avez tenu vôtre confeil, faites-moi rés ponfe; il me la faut avoir afin que je m'en retourne.

AN. 1398.

Le pape encore tout en colere perfifta dans les mê-
mes discours, qu'il étoit pape légitime & le vou-
loit demeurer, dut-il mourir à la peine. Puis il
ajoûta: Vous direz à mon fils le roi de France que
jufqu'ici je l'ai tenu pour bon catolique, & que de-
puis peu il s'eft laiffé féduire, mais il s'en repenti-
ra: qu'il prene confeil & ne s'engage à rien qui
trouble fa confcience. Là-deffus le pape fe leva de
fa chaire prenant le chemin de fa chambre ; & l'évê-
que retourna à fon logis, dîna fobrement, monta
à cheval & passa à Villeneuve, d'où il alla coucher
à Baignols qui eft en France. Là il aprit que le
maréchal de Boucicaut étoit venu au port faint
André à neuf licuës d'Avignon, & s'y rendit lec. 98:
lendemain.

Le marêchal de

gnon.

Quand le marêchal de Boucicaut eut apris de XXII. l'évêque de Cambrai la réponse du pape Benoît, Boucica à Aviil lui dit : Sire, vous retournerez en France, vous n'avez plus que faire ici, & j'executerai les ordres du roi. L'évêque partit le lendemain, & le maréchal fit écrire & porter fes ordres par toute l'Auvergne & le Vivarès jusqu'à Montpelier pour faire avancer les troupes qu'il comandoit. Il manda au fénéchal de Beaucaire qu'il fermât tous les paffages tant par le Rône que par terre, afin que rien ne pût venir à Avignon ; & lui-même vint au PontTaint-Efprit empêcher que rien ne defcendit Rône. Enfuite le maréchal envoïa défier le pape Benoît par un Heraut dans fon palais, lui, tous les cardinaux & les habitans d'Avignon : qui en furent éfraïez & allerent parler au pape, lui déclarant qu'ils ne pouvoient, ni ne vouloient fou

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par

le

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tenir la guerre contre le roi de France. Benoît leur AN. 1398. répondit: Vôtre ville eft forte & bien pourvue : je manderai des troupes de Genes & d'ailleurs ; & au roi d'Aragon qu'il me viene fervir come il y eft doublement obligé, parce que je fuis fon parent, & qu'il doit obéiffance au pape : Vous vous éfraïez pcu de chose : partez d'ici, gardez vôtre ville, & je garderai mon palais.

de

Avignon fut fi-bien enfermé que rien n'y pouvoit entrer ni fortir fans congé ; & le maréchal de Boucicaut manda aux habitans,que s'ils n'ouvroient leur ville, il brûleroit toutes les vignes & les maifons qu'ils avoient à la campagne jufqu'à la riviere de Durance. De quoi les gens d'Avignon épouvantez tinrent confeil, fans s'adreffer au pape, & y apelerent quelques cardinaux, aufquels ils dirent: Il nous vaut mieux obéir au roi & aux François, que tenir un parti périlleux : voulez-vous vous joindre avec nous ? Les cardinaux y confentirent, car les vivres començoient à leur manquer ; & ainfi tous ensemble ils traiterent avec le marêchal de Boucicaut. Il fut dit que lui & les fiens entreroient dans Avignon, & affiégeroient le palais : mais fans faire aucune violence aux cardinaux ou à leurs domestiques, ni au corps de la ville.

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Le pape Benoît fut fenfiblement afligé de ce traité, & toutefois il protesta que jamais il ne se foûmetroit, quand il en devroit mourir. Il fe tint donc enfermé dans fon palais, ou depuis longtems il avoit fait de grandes provifions de toutes fortes de vivres. Il écrivit à Martin roi d'Aragon lui demandant inftament du fecours : mais le roi

après avoir lu la lettre, dit à ceux qui étoient auprès de lui: Ce prêtre croit-il que pour lui aider à foûtenir fes chicanes, je doive entreprendre la guerre contre le roi de France? on me tiendroit bien pour mal confeillé. Ses courtisans lui confeillerent de ne s'en point mêler & de fuivre l'avis du roi de France, qui l'avoit prié de demeurer neutre entre les deux papes.

An. 1398.

XXIII. Benoît affiegé.

Les cardinaux s'étant retirez à Villeneuve, lorfqu'ils abandonerent le pape Benoît, mirent pour vita to. 2. p. 11 capitaine à Avignon le cardinal de Neufchaftel, qui rentra dans la ville & fe logea au palais épiscopal. Lors donc que le traité fut conclu avec le maréchal de Boucicaut, ce cardinal monta à cheval & marcha par les rues d'Avignon vétu de rouge, mais fans rochet ni manteau, l'épée au côté & un bâton à la main ; & tout le peuple crioit cependant: Vive le facré colége & la ville d'Avignon. Il fit cette cavalcade le lundi feiziéme de Septembre, & le dimanche vingt-neuf jour de S. Michel le même cardinal fit tirer du canon contre le palais du pape, enforte que le pape même fut frapé de quelques petits éclats d'une pierre fortie d'un canon. On continua les ataques & le pape Benoît demeura ainsi assiégé dans son palais pendant tout l'hyver. De ceux qui étoient enfermez avec lui pluficurs moururent foit de bleffures, foit de maladies faute de vivres & de médicamens.

XXIV. Soustraction d'o

Cependant Henri roi de Caftille assembla à Alcala de Henarès les évêques, les feigneurs & les béiffance en Caffavans de fon roïaume, & le résultat de cette afsemblée fut un édit, où il raporte les follicitations

tille.
Rain. 1398. n. 25.

inutiles faites auprès de Pierre de Lune pour lut

:

AN. 1398. perfuader la ceffion, fon opiniâtreté inflexible, & la fouftraction d'obéiffance de la France: puis il ajoute afin que tout le monde voïe, combien nous compatiffons à la divifion de l'églife, & que nous voulons contribuer de tout nôtre pouvoir à son union, nous déclarons que toute obéiffance doit être fouftraite à Benoît tant au fpirituel qu'au temporel dans les terres de nôtre dépendance, défendant à perfone de le traiter come pape ; & ordonant qu'il fera pourvu aux bénéfices vacans par élection, confirmation & collation des Ordinaires. La date eft du douziéme de Decembre 1398. L'éLibert. p. 460. vêque de Salamanque qui avoit affifté à cette affemblée nomé Diego de Annaya, emporta chez lui le reglement qui y fut dreffe fur la conduite qu'on devoit tenir jufqu'à ce qu'il y cut un pape unique. Ce réglement contenoit onze articles, & fut prefenté au chapitre de Salamanque le mardi quatriéme de Février 1399.

Le vingtiéme du même mois le roi Charles affembla à Paris les prélats de France en concile où le quatorziéme de Mars fut fait le réglement fuivant touchant les graces expectatives. Toutes celles qui avoient été accordées par le pape Benoît, par Clement fon prédéccffeur, ou par quelque pa pe précédent, n'ont point dû être admifes depuis le jour de la fouftraction d'obéiffance & ne le feront point à l'avenir : mais les provifions des évêques & des autres collateurs ordinaires faites depuis ce même jour de la fouftraction feront bones & valables, nonobftant tout procès ou contradic

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