clure, & fortirent du palais vers l'heure du dîner

AN. 1405. avec quelques cardinaux. Ils étoient encore au bourg faint Pierre, & près l'hôpital du saint Esprit en Saxe quand Louis Méliorati qui y étoit logé, les fit arêter par fes fatellites armés, & fe les fit amener de force: on en prit onze entre lefquels étoient deux des régens. On les fit tous monter dans une chambre où on les dépouilla, on les masfacra & on jeta les corps dans la ruë, où ils demeurerent jufqu'au foir. Un douzième avoit été pris avec les autres, mais il furvint un cardinal qui le fauva.

bc.

LII.

Ital. p. 254.

Le bruit de cette violence s'étant répandu par la ville, les régens qui s'étoient échapez exciterent le peuple contre le pape & fa cour, en fonant beauCoup la cloche du Capitole, come on avoit acoûtumé quand les Romains marchoient à la guerre contre leurs ennemis. Puis le peuple fe jeta par troupes fur les courtisans, pillant leurs maisons & maltraitant leurs perfones. Ils déchiroient leurs habits, les frapoient à coups de bâton & en mirent plufieurs en prison : toute la cour de Rome fut dans une grande épouvante.

Le maffacre s'étoit fait à l'infu du pape, qui Innocent à Viter-l'aïant apris en fut merveilleusement afligé. Il fcLeon Avet. Ret. voit de tems en tems les yeux au ciel come pour prendre Dieu à témoin de fon innocence, il déploroit fon malheur & ne favoit quel parti prendre. Les uns lui confeilloient de fortir de Rome auffi-tôt & ne pas atendre l'emportement du peuple fi vivement ofenfé: d'autres vouloient qu'il demeurât, & qu'il foûtint un fiége en atendant le

fecours qui lui viendroit des villes amies. Enfin le premier avis l'emporta, le pape partit le foir An. 1405, même avec ceux de la cour qui purent le fuivre;

& le troifiéme jour il ariva à Viterbe, où il demeura le refte de l'année.

Après la retraite d'Innocent VII. Jean Colonne Th. Niem. c. 364 entra au bourg faint Pierre avec ses gens de guerre & fe logea au palais, où il demeura environ trois femaines, ce qui dona ocasion au peuple de le nomer par dérifion Jean XXIII. come s'il eut voulu fe faire pape. Cependant les régens de Rome outrés de douleur pour le meurtre de leurs concitoïens en écrivirent des lettres plaintives contre le pape Innocent & fon neveu Loüis; ils éfacerent par-tout les armoiries d'Innocent, ou les gâterent avec de la bouë, disant qu'ils ne vouloient plus le reconoître pour pape, mais procurer l'union de l'églife à quelque prix que ce fut.

LIII.

Le pape Benoît à

Genes.

Labour. P. 17,

Le Pape Benoît témoignoit de fon côté défirer l'union, fuivant toûjours le projet d'une conférence avec fon competiteur. Il réfolut donc d'aller à Juven. p. 179. Genes & s'il étoit befoin jufqu'à Rome : mais il comença par ordoner pour les frais de fon voïage la levée d'une décime en France & dans tous les païs de fon obédience. Cette impofition déplut à l'université de Paris : le recteur & quelques autres de fon corps allerent trouver les princes qui gouvernoient pendant la maladie du roi, les priant que la décime ne fe levât point en ce roïaume, ou du moins que les membres de l'université n'en païaffent rien, atendu les dépenfes qu'ils avoient déja faites pour l'afaire de l'union. Mais ils ne fu

Xxx iij

rent pas écoutés ; & on difoit comunément que les AN. 1405. princes ou leurs gens devoient avoir leur part de

la décime. L'univerfité réfolut donc d'envoïer une députation vers le pape Benoît, dont les frais monterent bien à deux mille écus,

Quelque tems auparavant des ambassadeurs de France étoient allés à Genes, & avoient fi-bien négocié, qu'ils avoient atiré à l'obédience de Benoît la république, l'archevêque & même le cardinal 8. Ant. 10. 3. P. de Fiefque qui y étoit pour le pape de Rome. Les mêmes ambassadeurs allerent enfuite à Pife qu'ils amenerent à la même obedience : enforte que dans la ville & tout le teritoire on réfolut de fe retirer de l'obéïffance d'Innocent & de la rendre à Benoît.

460.

Labour. p. 533.

Le pape Benoît s'étant embarqué à Nice en Provence, ariva à Genes au mois de Mai 1405. & y fut reçu de maniere que l'on vit bien qu'il y étoit atendu. Auffi cette république étoit-elle alors fous la protection de la France, & le marêchal de Boucicaut y comandoit pour le roi. Benoît déclara aux Juven. p. 171. Genois qu'il étoit venu travailler à l'union de l'églife, & leur demanda des vaisseaux le conduire à Rome. Mais la peste qui furvint à Genes, ne lui permit pas d'y faire un long séjour, & il fut

LIV: Afaire de l'union retardée.

Th. Niem. II. c.

38.

pour

contraint de s'en retourner à Marseille.

Auffi-tôt après la faint Michel, c'est-à-dire à la fin de Septembre le pape Benoît fit folliciter Innocent qui étoit à Viterbe de doner un fauf-conduit à des nonces qu'il vouloit lui envoïer pour traiter de l'union. Mais Innocent le refufa, ne croïant pas que Benoît le demandât de bone foi. De quoi Be

noît prit ocafion de fe plaindre d'Innocent & de dire qu'il ne tenoit pas à lui que l'union ne fe fir AN. 1405. come il écrivit en de belles lettres adreffées en divers lieux. Innocent y répondit par des lettres plus longues, qu'il fit publier en plufieurs endroits d'Italie : ainfi de part & d'autre ils amufoient le monde par leurs écrits, pouffant le tems, de peur qu'on ne les obligeât à ceder.

Innocent voïant alors l'impoffibilité de tenir le concile qu'il avoit convoqué à Rome pour cette année, publia une bulle où il dit en fubftance: Le Rain. n. 15i defir de finir ce malheureux fchifme nous avoit porté à exhorter & prier par nos nonces & nos lettres les rois, les princes, les prélats & les univerfitez de nôtre obedience à venir pardevers nous en quelque lieu que fut nôtre réfidence dans la Touf-sup. n. 46; faints alors prochaine, pour délibérer fur les moïens de finir le fchifme. Depuis, ce qui est arivé à Rome le fixiéme d'Août nous aïant obligé de nous retirer à Viterbe, nous avons pcnfé que le bruit de cet accident se seroit promptement répandu auprès & au loin, & auroit détourné ceux qui étoient invités de venir ou d'envoïer au concile. C'eft pourquoi nous avons prorogé le terme de la Touffaints jufqu'à la faint Martin. Or maintenant aïant reçu divers avis de près & de loin qu'il n'y a pas de fûreté fur les chemins, & qu'il feroit dificile des'affembler nous fixons le terme au premier de Mai prochain, pour ceux qui voudront venir ou envoïer, afin de délibérer, non par voie de concile général, mais de confeil particulier sur l'extinction du fchifme. La bulle eft datée de Viterbe

AN. 1406.

LV.

Innocent rev cnt à Rome.

Th. Niem. II. c. 37.38.

le vingtiéme de Novembre 1405. mais cette convocation fut fans éfet.

Cependant les Romains délivrez de Jean Colonne & des capitaines qui tenoient pour le roi Ladiflas, envoïerent prier le pape Innocent de revenir à Rome pour y demeurer, ofrant de lui en rendre entierement la feigneurie, come l'avoit tenuë Boniface. Innocent fort réjoui de cette ambassade, dona pouvoir à Barthelemi élu évêque de CrémoRain. 1406. n. 1. ne & fon comiffaire à Rome & aux environs, de prendre poffeffion de la ville & des châteaux, pour lui préparer les voies : la comission est datée de Viterbe le vingt-feptiéme de Janvier 1406. & la feconde semaine du mois de Mars, qui étoit auffi la Th. Niem. c. 39. feconde de Carême, le pape Innocent rentra dans Rome, & y fut reçu avec l'honeur convenable & une grande joie du peuple.

Rain. n. 3.

Après qu'il y fut rétabli, il publia des bulles contre les auteurs des troubles paffés; premierement contre Nicolas & Jean Colonne freres, contre lesquels il renouvele les cenfures portées par Boniface IX. & les condamne aux plus grandes peines: la bulle eft du dix-huitiéme de Juin. Deux .6. jours après il en publia une semblable contre le roi Ladiflas, qu'il dépouille de tous fes états & de tous Th. Niem. c. 41. fes droits avec toutes les peines les plus griéves & les claufes les plus terribles. Le roi en craignit les fuites, & envoïa auffi-tôt au pape un ambassadeur qui négocia fi-bien que le pape envoïa à Ladiflas

Paul des Urfins & fon neveu Louis Méliorati ; & ils conclurent une paix que l'on ne croïoit pas fincére. Le traité eft daté du treiziéme d'Août 1406.

&