AN. 1347.

faint, ou d'autres perfonnes d'autorité, pour informer de fa réputation, de fes miracles & de la devotion du peuple envers luy. Cette information ne doit être que generale & fur la commune renommée, non fur 1 détail & la verité, mais feulement pour voir s'il en faut venir à l'information particuliere. Si fur leur raport le pape le juge à propos, il en commettra l'examen aux mêmes ou à d'autres, qui informeront de la créance, des vertus & des miracles du prétendu faint, suivant les articles qu'il leur aura envoïés,

Le pape aïant reçu cette information, en commet l'exam n à quelques-uns de fes chapelains, ou d'autres perfonnes capables: pour en former les rubriques ou principaux chefs du procés : aprés quoi le pape donne le tout à examiner à trois cardinaux, un évêque, un prêtre, & un diacre, qui doivent ensuite en faire le raport tout au long en confiftoire: puis dans une autre feance on lit les dépofitions des témoins touchant les vertus & les miracles. Avant que de paffer outre, le pape détermine avec les cardinaux fi la perfection de la vie est assés prouvée, puis on lit les dépofit ons des témoins touchant les miracles: & fur chacun le pape decide, fi l'article est sufisamment prouvé & un cardinal l'écrit. L'examen étant fini le pap demande les avis aux cardinaux pour fçavoir s'il eft à propos de faire la canonisation; & s'il con luënt qu'oüi, le pape la détermine secretement, Alo son apelle tous les prélats qui f trouvent en cou de Rome; & le pape leur aïant raconté en confifto re public tout ce qui a été fait, leur demande auffi leur avis,

Enfuite

Enfuite le pape affigne un jour & un lieu auquel AN. 1347. il doit s'affembler avec les cardinaux, les autres prélats de fa cour, le clergé & le peuple : puis il choifit fept ou huit prélats pour prêcher publiquement ce jour-là qui doit être un mois aprés ou environ, afin qu'ils aïent le tems de fe préparer. Cependant le pape commet deux cardinaux pour compofer l'office du Saint: l'un compofera la legende, l'autre les repons, les antiennes & l'oraifon. Le jour affigné étant venu, le matin à l'heure du confiftoire le pape s'y rendra en chape rouge avec la mittre en broderie de perles, les cardinaux & les prélats en habit ordinaire. Quand le pape & les cardinaux font affis par ordre, comme en confiftoire le promoteur de l'affaire fe leve vis-à-vis du pape, & aïant pris un texte, il expose le fujet, & fuplie le pape d'écouter quelques prélats qui vont en parler; & de definir que celuy dont il s'agit, eft faint, qu'il doit être mis au catalogue des faints, & honoré par les fideles, & fa fête celebrée tous les ans au jour qui sera fixé par le pape. Alors les prélats choifis pour prêcher, le font fuccinctement, & fuivant l'ordre que le pape leur a marqué, les fermons étant finis, le pape donne une indulgence d'un ou deux ans & d'autant de quarantaines, puis il fe retire.

n. 38.

Enfuite le pape regle en confiftoire le jour & l'églife où fe fera la ceremonie de la canonisation; le jour venu, & l'église étant bien parée & bien éclarrée le pape affis devant l'autel fera un fermon où il exhortera le peuple à prier pour luy, afin que Dieu ne permete pas qu'il fe trompe en cette affaire. Puis on chante le Veni creator, on prie à genoux, on fe n.39.

Tome XX.

K

AN. 1347.

XXXVIII.

Sup. n. 14. J. Vill, x11. c. 89.

leve, & le pape déclare publiquement que celuy dont il s'agit eft faint, & doit être honoré comme tel; & fa fête celebrée un tel jour. Alors on chante le 7e Deum, le pape prononce l'oraifon du nouveau faint, & donne une indulgence de fept ans & fept quarantaines : enfin il celebre folemnellement là meffe en l'honeur du même faint.

Entre les députés que les Romains envoïerent à Nicolas Laurent Avignon au commencement du Pontificat de Clement VI. pour le prier de revenir à Rome, étoit un nomé Nicolas Laurent, en italien Nicolo di Rienzo, & par abregé Cola-Rienzo. Il étoit fils d'un meunier, & notaire dans Rome, mais éloquent & hardi; en forte que dans un grand parlement qui fe tint à Rome le jour de la Pentecôte vingtiéme May 1347. il fit le raport de fon ambassade d'Avignon, & parla fi artificieusement, qu'il fut élu par acclamation tribun du peuple, comme il l'avoit concerté avec quelques-uns de la populace. Il fut mis en poffeffion du Capitole avec une pleine autorité; & auffi-tôt il l'ôta entierement aux nobles de Rome & d'alentour, il en fit prendre des principaux qui maintenoient les voleurs à Rome & aux environs, & en fit une juftice si severe, qu'on pouvoit aller en fûreté de jour & de nuit.

Le premier jour d'Août fête de faint Pierre aux liens, le nouveau tribun fe fit armer chevalier par le fyndic du peuple à faint Jean de Latran; & comme cette ceremonie commençoit par un bain, il se baigna par grandeur dans la cuve où l'on croïoit alors que Conftantin avoit été baptisé par saint Silvestre. cette fête de fe faire armer chevalier il tint une

A

grande cour, & aïant affemblé le peuple, il fit un AN. 1347. fermon où il dit qu'il vouloit remettre toute l'Italie fous l'obéiffance de Rome à la maniere antique, maintenant les villes dans leurs libertés & leurs droits. Enfuite il fit publier une lettre datée du même jour premier d'Aouft en ces termes.

yers

lib.2.c.

c. 35.

A la gloire de Dieu, des apôtres faint Pierre & Hocfem. Leode faint Paul, & de faint Jean-Baptiste, à l'honneur de la fainte église Romaine notre mere, pour la profperité du pape notre feigneur, l'accroiffement de la fainte ville de Rome, de la facrée Italie, & de toute la foi chrétienne, Nous Nicolas chevalier candidat du faint Efprit, fevere & clement liberateur de Rome, zelateur de l'Italie, amateur de l'uni& tribun augufte, voulant imiter la liberté des anciens princes Romains, faifons fçavoir à tous, que le peuple Romain a reconnu de l'avis de tous les fages qu'il a encore la même autorité, puissance & jurisdiction dans tout l'univers qu'il a euë dès le commencement, & il a revoqué tous les privileges donnés au préjudice de fon autorité. Nous donc pour ne pas paroître ingrat ou avare du don & de la grace du faint Efprit, & ne pas laiffer déperir plus longtems les droits du peuple Romain & de l'Italie; déclarons & prononçons que la ville de Rome eft la capitale du monde, & le fondement de toute la religion chretienne : que toutes les villes & tous les peuples d'Italie font libres & citoïens Ro

mains.

Nous déclarons auffi que l'empire & l'élection de l'empereur apartient a Rome & à toute l'Italie: dénonçant à tous rois, princes, & autres qui préten

AN. 1347.

J. vill. Sup.

Rain. 1347 n.

17.

27. 18.

dent droit à l'empire ou à l'élection de l'empereur, qu'ils aïent à comparoître devant nous, & les autres officiers du pape & du peuple Romain en l'églife de faint Jean de Latran, & ce dans la Pentecôte prochaine, qui eft le terme que nous leur donnons pour tout délai: autrement nous procederons ainsi que de droit & selon la grace du faint Esprit. Deplus, nous faisons citer nommément Louis duc de Bavierre, & Charles roi de Boheme qui fe difent élus empereurs, & les cinq autres électeurs. Le tout fans déroger à l'autorité de l'églife, du pape & du facré college. Cette patente eft datée du premier jour d'Aouft.

le

Ce même jour le tribun fit auffi publier certains privileges du pape qui luy donnoit commiffion de gouverner Rome. C'eft que les Romains avoient élu pour recteurs & gouverneurs de la ville, Raimond évêque d'Orviette, vicaire du pape à Rome pour fpirituel, & Nicolas Laurent avec luy ; & le pape leur avoit confirmé cette qualité de recteurs pour autant de tems qu'il luy plairoit. Mais Nicolas ne fongeant qu'à fon interêt particulier, exclut du gouvernement l'évêque d'Orviette, qui ne pouvant plus fouffrir fes entreprises, fortit de Rome. C'est ce que raconte le pape luy-même dans une bulle adreffée au peuple Romain, où il ajoûte parlant toûjours de Nicolas Laurent.

Il n'a pas craint d'étendre fes mains facrileges à l'ufurpation des terres & des droits de l'églife, & de charger fes fujets de nouvelles impofitions. Et enfuite: Au mépris de la religion chretienne il a repris les ancienes ceremonies des païens, recevant diverses couronnes extravagantes. En effet Nicolas