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Hift. 1.12111.
8. 60.

Spicil.te. 4.p.21.
Hift.l. LXVI.

77.50.

M.Ifr. n.

teaux

IV.

h... LXIV.

7. 21.

s'habilloient des étofes du plus grand prix : les abbez marchoient à grand train, fuivis de quantité de chevaux, & faisant porter de grands équipages: les églifes étoient bâties magnifiquement & richement ornées, & les lieux reguliers à proportion.

L'autre cause du relâchement fut la multiplication des prieres: je dis de la pfalmodie & des autres pricres vocales; car ils en avoient beaucoup ajoûté à celles que preferit la regle de S. Benoît, comme on voit dans les coutumes de Clugni écrites par S. Ulric, qui vivoit encore vers la fin du onzième fiecle. Ils avoient entre autres ajoûté l'office des morts, dont ils étoient les auteurs, & ils le chantoient toute l'année. Cette longue pfalmodie leur ôtoit le tems du travail des mains ; & Pierre le Venerable en convient, répondant aux objections de S. Bernard La regle, dit-il, l'ardonne feulement pour éviter l'oliveté, que nous évitons en rempliffant nôtre tems par de faints exercices, la priere, la le&ture, la pfalmodie. Comme fi S. Benoit n'avoit pas affez donné de tems à ces SS. exercices; & n'avoit pas eu de bonnes raifons pour ordonner de plus fept heures entiers de travail.

Peut-être que Pierre le Venerable & ceux qui penfoient comme lui étoient trompez par les préjugez de leur tems, & regardoient le travail corporel comme une occupation bafle & fervile. L'antiquité n'en jugeoit pas ainfi, comme j'ai fait voir ailleurs; & fans parler des Ifraëlites & des autres Orientaux, les Grecs & les Romains s'en faifoient honneur: mais les nations Germaniques & les Barbares du Nort acoûtumez à ne s'occuper que de la chaffe & de la guerre, ont toûjours méprilé l'agriculture & les arts, comme on voit encore aux mœurs de nôtre nobleffe.

Deux cens ans après la fondation de Clugni, Dieu fufcita d'autres grands hommes, qui ramenerent l'efprit de la regle de S. Benoît, je veux Ordre de Ci dire les fondateurs de Citeaux, particulierement S. Bernard, que je regarde comme la merveille de fon fiecle. Dieu fembloit avoir pris plaifir 7. 64. 1. LXVI. à raffembler en lui feul tous les avantages de la nature & de la grace: la noblesse, la vertu des parens, la beauté du corps, les perfections de l'efprit; vivacité, pénétration, discernement fin, jugement folide. Un cœur genéreux, des fentimens élevez, un courage ferme, une volonté droite & conftante: Ajoutez à ces talens naturels une bonne éducation, les meilleures études que l'on pût faire de fon tems, foit pour les sciences humaines, foit pour la religion: une méditation continuelle de l'écriture fainte, une grande lecture des peres: une éloquence vive & forte, un flic véritablement trop orné, mais conforme au goût de fon fiecle. Ajoutez les effets de la grace. Une humilité profonde, une charité fans bornes, un zele ardent: enfin le don des miracles.

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Il faut toutefois avouer que fon zele ne fut pas affez reglé par la difcretion, en ce qui regardoit sa santé qu'il ruina de boane-heure par des aufteritez exceffives; & vous avez vû le foin que fut obligé d'en prendre fon illuftre ami Guillaume de Champeaux. J'eftime plus les

Egyptiens & les autres anciens moines, qui favoient fi bien accorder
Faufterité avec la fanté, qu'ils vivoient fouvent près de cent ans.

S. Bernard étoit fort affectioné au travail des mains, rétabli ferieufement dans l'obfervance de Citeaux: mais on y introduifit une nouveauté, qui dans la fuite contribua au relâchement; je veux dire la diftinction des moines du choeur, & des freres Lais. La regle n'en fait aucune mention, & jufques à l'onziéme fiécle les moines fe rendoient eux-mêmes toutes fortes de fervices, & s'occupoient tous des mêmes travaux. S. Jean Gualbert fut le premier qui inftitua des freres Lais en fon monaftere de Valombreufe, fondé vers l'an 1040. La raifon de cette inftitution fut apparemment l'ignorance des laïques, qui la plupart ne favoient pas lire, même les nobles: de forte que le latin n'étant plus la langue vulgaire, comme du tems de S. Benoît, ils ne pouvoient aprendre les pfeaumes par cœur, ni profiter des lectures qui fe font à l'office divin: au lieu que les moines étoient dès-lors clercs pour la plûpart, ou deftinez à le devenir. Mais il femble que ceux qui introduifirent cette diftinction, ne confideroient pas que l'on peut arriver à la plus haute perfection fans aucune conoiffance des lettres. La plupart des anciens moines d'Egypte ne favoient pas lire, & S. Antoine tout le premier : & S. Arfene s'étant retiré chez eux: Je fai les fciences des Grecs & des Romains; mais je n'ai pas encore apris l'alphabet de ce vieillardque vous trouvez groffier. On occupoit donc ces freres Lais des travaux corporels, du ménage de la campagne & des affaires du dehors; pour prieres on leur preferivoit un certain nombre de Pater, à chacune des heures canoniales; & afin qu'ils s'en puflent aquiter, ils portoient des grains enfilez, d'où font venus les chapelets. Ces freres étoient vêtus un peu diféremment des moines, & portoient la barbe longue, comme les autres laïques. Les Chartreux eurent de ces freres dès le commencement, auffi - bien que les moines de Grandmont & ceux de Citeaux; & tous les ordres religieux venus depuis ont fuivi leur exemple. Enfin il a paffé même aux religieufes ; & on diftingue chez elles les filles du chœur & les fœurs converfes, quoique la même raifon n'y foit pas, puifqu'ordinairement elles ne favent pas plus de latin les unes que les autres.

V.

Freres Lais

Hift.l. 1x1.n.4.

XIII. n. 58. Mabil. praf 2.

Sac.n.9 Annal.

Or cette diftinction entre les Religieux a été une grande fource de relâchement, les moines du choeur voiant les freres lais au - deffous d'eux, les ont regardez comme des ignorans & des hommes groffiers deftinez à les fervir, & fe font regardez eux-mêmes comme des feigneurs car c'est ce que fignifie le titre Dom, abrégé de dominus, ou domnus, qui en Italie & en Espagne, eft encore un titre de nobleffe, Reg. c. 02. & je ne croi pas qu'on le trouve attribué aux fimples moines avant l'onzième fiecle, au moins la regle de S. Benoît ne le donne qu'à l'abbé feul. C'est donc priocipalement depuis ce tems qu'ils ont cru le travail des mains indigne d'eux, fe trouvant fuffifamment occupez de la priere & de l'étude.

D'un autre côté les frercs convers ont été une fource de divifion

dans les monafterès, qui étant composez de deux corps fi diférens, n'ont plus été parfaitement unis. Les freres manquant d'étude, & fouvent d'éducation, ont quelquefois voulu dominer, comme étant plus néceffaires pour le temporel, que le fpirituel fuppofe : car il faut vivre avant que de prier & d'étudier. Vous avez vû ce qui arriva dans l'ordre Hill. I. xxv. de Grandmont fous le pape Innocent III. & comment il fut obligé de réprimer l'infolence des freres, qui vouloient regler même le fpirituel; & l'Ordre ne s'eft jamais bien remis de cette divifion. Ce font apparemment de tels exemples qui ont obligé tous les religieux en general à tenir les freres convers fort bas & fort foumis: ce qui eft difficile, fans s'élever au-deffùs d'eux. L'uniformité de la regle de S. Benoît étoit plus fùre.

7.28.

VI.

moines.

Les moines aïant abandonné le travail des mains, crurent que l'étude Etudes des étoit une occupation plus digne d'eux; & l'ignorance des féculiers, même des clercs, les y engageoit par une efpéce de néceffité. Or ils ne fe bornérent pas à l'étude qui leur étoit la plus convenable, l'écriture fainte & les peres, en un mot la théologie: en quoi ils auroient imité S. Jérôme, & quelques autres anciens moines; mais depuis le huitiéme & le neuviéme fiecle ils embrafférent toutes fortes d'études, comme on voit entre autres par Alcuin. Ils joignirent à la théologie l'étude des canons, qui fait partie de la fcience eccléfiaftique, mais plus convenable aux évêques & aux prêtres deftinez à gouverner les peuples. Les moines ne laifferent pas de s'y appliquer fortement, comme on voit par le fameux Gratien auteur du Decret; & cette étude attira celle du droit civil, principalement depuis la découverte du Digeste, & des autres livres de Juftinien.

Les moines donnerent encore dans une autre etude plus éloignée de leur profeffion, favoir la médecine. Rigord moine de S. Denis étoit phyficien, c'eft-à-dire, médecin du roi Louis le Gros, dont il a écrit l'hiftoiré; & S. Bernard parle d'un moine de fon Ordre, qui s'étoit rendu fameux dans cet art. Je veux croire que les moines avoient commencé à s'y appliquer par charité pour les malades : mais comme il faloit fortir pour les vifiter, c'étoit toujours une fource de diffipation. On peut dire le même de la jurifprudence, qui attiroit au moins des confultations. Mais s'ils avoient commencé ces études par charité, ils les continuérent par interêt: foit pour conferver les biens de la communauté, ou leur propre fanté, foit pour gagner de l'argent comme auroient fait des feculiers. C'est ce que nous aprend le concile de Reims, tenu par le Innocent II. en 1131. qui défend aux moines & aux chanoines pape Hift. l. LXVII.. réguliers d'étudier les loix civiles ou la médecine; & ajoute : C'eft l'avarice qui les engage à fe faire avocats, & à plaider des caufes juftes ou injuftes fans diftinction. C'est l'avarice qui les engage à méprifer le foin des ames, pour entreprendre la guérifon des corps: & arrêter leurs yeux fur des objets dont la pudeur défend même de parler. Ces défenfes furent réitérées au concile de Latran, tenu par le même pape

Cap. 6.

n. 9.

en

Car:
H

• LXVIII

en 1139. & encore au concile de Tours tenu par Alexandre III. en
1163. on ne défend qu'aux religieux les profeffions de medecin &
d'avocat, & non aux clercs féculiers: parce que les laïques en étoient 54.c.8
incapables n'étant point lettrez.

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Au commencement du fiecle fuivant, on permettoit encore aux religieux d'exercer la fonction d'avocat pour des reguliers, comme on voit au concile de Paris, tenu par le legat Robert de Corçon en 1212. & ce même concile marque un grand relâchement dans les communautez religieufes de l'un & de l'autre fexe. On en voit encore plus au grand concile de Latran tenu trois ans après; qui pour y remedier ordone la tenue des chapitres generaux tous les trois ans. Mais ce remede a eu peu d'effet, & depuis ce tems les moines & les chanoines reguliers ont continué de fe relâcher de plus en plus, jufques aux derBieres réformes. D'ailleurs les chapitres generaux ont leurs inconveniens, & la diffipation inféparable des voiages,eft plus grande: & plus ils font grands plus eft la dépenfe, qui oblige à faire des impofitions fur les monafteres, fources de plaintes & de murmures. Et quel eft le fruit de ces chapitres? De nouveaux reglemens & des députations de vifiteurs pour les faire executer : c'est-à-dire, multiplication de voïages & de dépenfes ; & le tout fans grande utilité, comme a fait voir l'experience de quatre fiecles. Auffi S. Benoît n'a-t-il rien ordoné de semblable quoiqu'il ait eu en même tems la conduite de plufieurs monafteres: chacun étoit gouverné par fon abbé & chaque abbé avoit pour inspecteur fon évêque, qui étant fur le lieu étoit plus propre que tout autre à lui faire obferver la regle.

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Hijt. l. LXX. Mà

6j.

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VII.

d'Ordres reli gieux.

&• fuf.n. 35.

Le même concile de Latran en 1215. défendit d'inventer de nouvelles religions, c'est-à-dire, de nouveaux ordres ou congregations: de peur, dit Multiplications le canon, que leur trop grande diverfité n'aporte de la confufion dans l'églife. Mais quiconque voudra entrer en religion embraffera une de C 7.13. celles qui font approuvées. Cette défenfe étoit très-fage & conforme Nen mia extra à l'efprit de la plus pure antiquité. S. Bafile dans fes regles demande 9. extra de resål est à propos d'avoir en un même lieu deux communautez religieu- g. dom. fes; & il répond que non. Il ne s'agiffoit pas de deux Ordres differens, mais feulement de deux maifons du même inftitut; & S. Bafile rend deux raifons de fa réponse negative; la premiere qu'il eft difficile de trouver un bon fuperieur, & encore plus d'en trouver deux : la feconde que la multiplication des monafteres eft une fource de divifion. D'abord cé ne fera qu'une émulation loüable à qui pratiquera mieux la regle: enfuite l'émulation se tournera en jaloufie, en mépris, en averfion: on cherchera à fe décrier & fe nuire l'un à l'autre telle eft la corruption de la nature. Les païens mêmes ont pris pour fondement de la politique que la republique fût une autant qu'il feroit poffible, & qu'on éloi- Plat. Repub.lib. gnât d'entre les citoiens toute femence de divifion. Combien doit-on s p.418. Gr.

plus travailler à en preferver l'église de J. C. fondée fur l'union des

cœurs & la charité parfaite: c'est un feul corps dont il eft le chef, &

Tome XX.

Hift.l. LXXXV.7.

48.

dians.

VIII.

Matth. x. 9.

dont les membres doivent avoir une entiére correfpondance, & com. pâtir en tout les uns aux autres.

Or les divers Ordres religieux font autant de corps, & comme autant de petites églifes dans l'églife univerfelle. Il eft moralement impoffible qu'un Ordre eftime autant un autre inftitut que le fien ; & que l'amour propre ne poufle pas chaque religieux à préferer l'inftitut qu'il a choifi, à fouhaiter à fa communauté plus de richeffes & de reputation qu'à toute autre; & fe dédommager ainfi de ce que la nature foufre à ne poffeder rien en propre. Je laiffe à chaque religieux à s'éxaminer de bonne-foi fur ce fujet. S'il n'y avoit qu'une fimple émulation de vertu, verroit-on des procès fur la préféance & les honcurs, & des difputes fi vives, pour favoir de quel Ordre étoit un telfaint, ou l'auteur d'un tel livre de piété ?

Le concile de Latran avoit donc très-fagement défendu d'inftituer de nouvelles religions: mais fon decret a été fi mal observé, qu'il s'en eft beaucoup plus établi depuis que dans tous les fiecles précedens. On s'en plaignit dès le concile de Lyon tenu foixante ans après: On y réïtera la défense & on fuprima quelques nouveaux Ordres : mais la multiplication n'a pas laiffé de continuer & d'augmenter toujours depuis.

Si les inventeurs des nouveaux ordres n'étoient pas des faints canonifez pour la plûpart, on pourroit les foupçoner de s'être laissez féReligieux men- duire à l'amour propre & d'avoir voulu fe diftinguer & rafiner au-deffus des autres. Mais fans préjudice de leur fainteté, on peut fe défier de leurs lumieres, & craindre qu'ils n'aient pas fçû tout ce qu'il eût été à propos qu'ils fçûffent. S. François croioit que fa régle n'étoit que, l'évangile tout pur, s'attachant particulierement à ces paroles: Ne poffedez ni or, ni argent, ni fac pour voiager, ni chauffure, & le refte; & comme le pape Innocent III. faifoit difficulté d'aprouver cet inftitut fi nouveau, le cardinal de S. Paul, évêque de Sabine, lui dit : Si vous rejettez la demande de ce pauvre homme, prenez garde que vous ne Hift.!. LXXVI.n. rejettiez l'évangile. Mais ce bon cardinal, ni le Saint lui-même n'avoient pas affez confideré la fuite du texte. J. C. cnvoiant prêcher fes douze apôtres, leur dit d'abord: Gueriffez les malades, refsuscitez les morts, purifiez les lépreux, chaffez les démons : donez gratis ce que vous avez reçû gratis. Puis il ajoûte: Ne poffedez ni or, ni argent, & le refte. Il eft clair qu'il ne veut que les éloigner de l'avarice & du défir de mettre à profit le don des miracles, à quoi Judas n'auroit pas manqué; & que n'auroit-on point doné pour la refurrection d'un mort? Le Sauveur ajoute : L'ouvrier gagne bien fa nourriture. Comme s'il difoit: Ne craignez pas que rien vous manque, ni que ceux à qui vous rendrez la fanté, ou la vie vous laiffent mourir de faim. Voila le vrai fens de ce paffage de l'évangile.

54.

Mais il ne s'enfuivroit pas que l'on fût obligé à nourrir de bones gens, qui fans faire de miracles, ni doner des marques de miffion extraordinaire alloient par le monde prêcher la penitence: d'autant plus

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