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Diog. Laërt.

Har. 80.n.4. s.

6.

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Hift.l. XCIII. 32.

gieux.

XII.

ces freres s'éxerçoient continuelement: on y traitoit tous les jours de nouveles questions, & on y emploïoit toutes les fubtilitez & les chicanes poffibles. On demandoit par exemple, fi la regle oblige fous peine de peché mortel, ou feulement de peché veniel. Si elle oblige aux confeils de l'évangile, comme aux préceptes. Si ce qu'elle prefcrit en forme d'admonition, d'exhortation ou d'inftruction oblige autant que ce qu'elle exprime en termes imperatifs. On s'accoutuma par-là à rafiner fur le décalogue & fur l'évangile.

difputesfrivoles

Les effets de ces difputes frivoles ne furent que trop ferieux, le pape Jean XXII. aïant ofé condamner ces freres indociles, ils le déclarerent heretique de leur propre autorité; & appellerent de ces conftitutions au futur concile. Enfin la revolte alla fi loin, que ces freres Mineurs, foûtenus par l'empereur Louis de Baviere, firent dépofer Jean XXII. & mettre à fa place l'antipape Pierre de Corbiere un d'entre eux, qui pour foûtenir fa dignité, fut réduit à prendre de toutes mains ; & c'eft à quoi fe termina l'humilité de ces freres, & leur zele pour la pauvreté & la fection évangelique.

per

Au refte, fi la mendicité des religieux n'a été autorisée dans l'église que depuis le treiziéme fiecle, ce n'eft pas que l'invention en fût nouvelle. De tout tems on a vû des mandians, même fous prétexte de philofophie ou de religion. Les philofophes Cyniques mandioient, & on trouva une fois Diogene, demandant à une ftatuë, pour s'éxercer, difoit-il à être refufé. C'est à l'occafion des heretiques Maffaliens, que S. Epiphane marque les inconveniens de la mendicité, infiftant fur les lâches complaifances aufquelles elle engage pour les riches, même pour ceux dont les biens font mal acquis, vifites actives & paffives, flateries, conversations de nouveles, ou d'autres matieres mondaines; & la pire de toutes les complaifances, qui eft la facilité des absolutions, & l'afoibliffement de la theologie morale. Guillaume Durandi, évêque de Mende, dans fes avis pour le concile de Vienne, marque une grande eftime pour les religieux mandians: mais, ajoute-t-il, on devroir pourvoir à leur pauvreté, enforte qu'ils euffent en commun des revenus fiffifans, ou qu'ils fubfiftaffent du travail de leurs mains, comme les apôtres.

Les moines & les autres anciens religieux tomberent dans un grand Relâchement mépris depuis l'introduction des mandians. Ils n'étoient plus venerables general des reli- comme autrefois par leur amour pour leur retraite, leur frugalité, leur défintereffement: la plûpart s'abandonoient à l'oifiveté, & à la moleffe, les études même qu'ils prétendoient avoir fubftituées au travail des mains, étoient chez eux fort languiffantes: en un mot, ils ne paroiffoient pas être d'une grande utilité à l'églife. On voioit au contraire les freres mandians remplir les chaires des écoles & des églifes, & par leurs travaux infatigables, fuppléer à la negligence & à l'incapacité des prelats & des autres pafteurs. Ce mépris excita les anciens moines à relever chez eux Hift.l. 111. les études, comme nous avons vû dans la fondation du college des Bernardins à Paris; & le pape Benoist XII. dans fa bulle pour la reforme

7.47.

des

des moines noirs s'étend beaucoup fur les études.

Hift. 1.xciv. n

Mais comme on imaginoit pas alors qu'on pût bien étudier ailleurs 48. que dans les Univerfitez, on y envoyoit les moines, ce qui fut une nouvelle fource de relâchement: par la diffipation des voïages, la fréquentation inévitable des étudians féculiers peu reglez dans leurs moeurs pour la plûpart, la vanité du doctorat & des autres grades, & les diftinctions qu'ils donnent dans les monafteres. Or les moines en général, non-feulement de la grande regle, mais encore de Clugni & de Citeaux étoient déja tombez dans un grand relâchement. On le voit par le concile de Cognac tenu en 1238. où il eft marqué que les moines & les cha- Hift. I. LXIXI. noines réguliers recevoient en argent leur nourriture & leur veftiaire: n. 12, en forte que les places monacales étoient comme de petits bénéfices. Les moines fortoient fans permiffion, mangeoient en ville chez les féculiers & s'y cachoient. Ils avoient leur pécule en propre, empruntoient: de l'argent en leur nom, & fe rendoient cautions pour d'autres. Ils mangeoient de la viande, portoient du linge, & couchoient dans des cellules ou chambres particulieres.

).

C'eft ici le lieu, ce me femble, d'examiner les caufes ou plûtôt les prétextes du relâchement des religieux: dont un des plus communs & des plus fpécieux, eft l'affoibliffement de la nature. Les corps, dit-on, ne font plus tels qu'ils étoient il y a mille ans ou plus, du tems de S. Antoine & de S. Benoît : les hommes ne vivent plus fi long-tems, & n'ont plus la même force. C'est un très-ancien préjugé, & qui fe trouve dans Homere & dans Virgile: mais ce n'eft qu'un préjugé, non-feulement fans preuve, mais détruit par des faits conftans. Du tems de Moïfe, il y a plus de trois mille ans,la vie humaine étoit bornéé à cent ou fix vingts ans; & toutefois dans un pleaume qui porte fon nom, elle eft réduite à foixante &dix ou quatre vingts ans. Parcourez toutes les hiftoires, vous n'y trou verez prefque perfone qui ait plus vécu depuis trois mille ans, fi ce n'eft PJ. 89. 10 les anciens moines; & pour nous réduire à la France, depuis 1 300.ans que dure la monarchie, aucun de nos rois n'a tant vécu que le dernier mort.

Il faut donc renoncer à ce préjugé populaire, qui a produit tant de relâchement non-feulement chez les religieux, mais dans toute l'églife. De cette erreur eft venue la liberté que l'on s'eft donnée d'avancer de quatre ou cinq heures l'unique repas du Carême, & d'y en ajouter un fecond. Dès le douziéme fiecle Pierre le Vénérable voulant excufer le relâchement de l'obfervance de Clugni, difoit que la nature humaine eft afoiblie depuis le tems de S. Benoît, & toutefois S. Bernard dans le même tems témoigne que tous les fideles jeûnoient encore le carême jufques au foir. Cependant fur ce faux préjugé on a avancé le repas de vêpres à none, comme il étoit du tems de S. Thomas d'Aquin, & de' none à midi, comme il eft encore: fans qu'aucune communauté religieufe, pour auftere qu'elle foit, ait gardé l'ancien ufage.

La caufe la plus générale du relâchement des religieux,eft la légereté de l'efprit humain, & la rareté d'hommes fermes & conftans qui perfévé

Tome XX.

Hift. 1. LXVI. n. 5o.

S.Th. 2.2. 9.147.

a. 7.

STh.1.2.q. 189.

rent long-tems dans une même réfolution. C'est la raison des vœux introduits fi fagement pour fixer l'inquiétude naturelle, qui font l'effentiel de la profeffion religieufe. Or afin que ces vœux ne fuflent pas téméraires, on avoit ordonné avec la même fageffe de rigoureufes épreuves. Loin d'attirer les féculiers à la vie religieufe, comme on a cru non-feulement permis, mais méritoire dans les derniers tems, les anciens emploïoient tous les moïens capables de rebuter ceux dont la vocation n'étoit pas folide; & S. Benoît l'ordonne expreffément. C'eft qu'il n'eft pas néceffaire qu'il y ait des religieux dans l'églife: mais s'il y en a, ils doivent tendre à la perfection, il ne leur eft plus permis d'être des Chrétiens médiocres. Le bienheureux Guigues Chartreux avoit raison de dire : S'il eft: vrai que la voie qui mene à la vie eft étroite, & que peu de gens la trouHift.l. LXVIL.. vent: l'inftitut religieux qui admet le moins de fujets eft le meilleur & le plus fublime; & celui qui en admet le plus, eft le moins estimable.

art. 9.

Caff.iv.Inft.c.3.

Reg. c. 58.

c. 88. n. 12.

58.

3. Tha

Introd S. Fr. S..

Un moine relâché eft donc un homme qui fe contredit continuellement. Il a promis à Dieu de vivre dans la retraite & le filence; & il cher--che les compagnies & les converfations: il demande des nouvelles & en débite lui-même. Il a promis de garder une exacte pauvreté, & fe réduire au néceffaire, toutefois il eft bien-aife d'avoir en fon particulier quelque livre, quelque petit meuble, quelque peu d'argent, une chambre plus propre & plus commode qu'une autre. Il affifte à l'office, mais il aime les occafions de s'en difpenfer, & l'expedie promtement, comme s'il avoit à faire enfuite quelque chofe de plus important. Et je ne parle point des relâchemens plus fenfibles : des religieux qui femblent avoir honte de leur habit & de leur profeffion; & fe déguifent pour approcher autant qu'ils peuvent de l'extérieur des féculiers: qui font les agréables & les bons compagnons dans les repas & les voïages, & fe font rechercher pour les parties de plaifir.

D'autres plus ferieux prétendent fe diftinguer par des talens finguliers: l'un fait des fecrets inconus à toute la faculté de médecine, l'autre excelle dans les mathématiques, l'architecture ou quelque autre art, qui le fait rechercher : l'autre enfin entend la conduite des affaires, foit publiques, foit particulieres, il eft capable de gouverner non-feulement des familles, mais des états, ou du moins il le croit être. Tous ces gens-là, ce me femble, font du nombre de ceux qui regardent derriere, après avoir mis la main à la charuë. Car pourquoi quiter le monde, & y rentrer enfuite par tant de portes? Un vrai moine ne cherche qu'à oublier le monde, & en être entierement oublié, & tout autre religieux à proportion.

Je compte entre les caufes du relâchement, les récréations introduites dans les derniers tems: car la regle de S. Benoît n'en dit pas unmot, ni aucune autre anciene regle que je fache. Cet ufage femble fondé fur l'opinion de quelques théologiens modernes, qui ont cru que la converfation libre & gaïe étoit un foulagement néceffaire après l'application d'efprit, comme le repos après le travail du corps ; & ils ont nommé vertu d'Edtrapelie le bon ufage de ce relâchement d'esprit. Mais ils n'ont

pas vu que cette prétendue vertu tirée d'Ariftote, eft comptée par S. Paul entre les vices, fous le même nom d'Eutrapelie; & ce qui les a trompé eft que n'entendant pas le Grec, il n'ont vû dans la verfion latine de S. Paul que le mot de fcurrilité, qu'ils n'ont pas manqué de ranger entre les vices: ainfi le même mot de S. Paul fignifie un vice en Latin, & une vertu en Grec. Voilà fi je ne me trompe la fource des recreations.

Au fond il n'eft pas vrai que la converfation foit neceffaire pour nous remettre de l'aplication d'efprit. Le mouvement du corps y eft plus propre, comme une promenade, ou un travail moderé: parce que ce mouvement détourne aux parties éloignées les efprits animaux raffemblez & agitez dans le cerveau. La converfation au contraire entretient & souvent augmente cette agitation des efprits: fans compter les tentations où elle expofe, les railleries piquantes, les médifances, les jugemens témeraires fur les afaires de l'églife ou de l'état : car les nouvelles publiques font fouvent la matiere des recréations. Je m'en raporté à l'experience, & je prie les perfones religieufes de fonger quelle eft la matiere la plus ordinaire de leurs confeffions fi frequentes.

S.Th.

Je crains encore que les aufteritez coporeles, fi ufitées dans les derniers fiecles, n'aïent été des occafions de relâchement. Car ce ne font pas des fignes infaillibles de vertu: on peut fans humilité & fans charité marcher nus pieds, porter la haire ou le doner la difcipline. L'amour propre qui empoifone tout, peut perfuader à un efprit foible qu'il eft un faint dès qu'il pratique ces devotions exterieures ; & pour le dédomager de ce qu'il foufre par-là, peut-être fera-t-il tenté de prendre d'ailleurs quelque foulagement ou quelque plaifir permis.Enfin quelques-uns s'imaginent pouvoir faire une espece de compenfation, comme cet Italien, qui difoit: Que veux tu mon frere? Un peu de bien, un peu de mal, le bon Dieu nous fera miféricorde. L'Ecriture ne parle pas ainfi. Détourne-toi du mal & fais le bien : nous aprenant à quitter le peché Pf. 35. avant que de faire de bones œuvres, fi nous voulons qu'elles foient utiles. Enfin j'eftime plus la vie parfaitement uniforme des anciens moines d'Egypte, que celle d'un religieux déchauffé, qui après s'être doné la difcipline, prend place avec joïe à un grand repas, & cherche à y briller fa belle humeur.

par

XIV. Exemptions. Opufc. c. 2. 35. Hift. l. LXVI. n.

Les exemptions furent fans doute une des principales caufes du relâchement des religieux, comme S. Bernard avoit bien remarqué. Vous avez vû ce qu'il en dit, principalement en deux endroits de fes écrits: la lettre à Henri, archevêque de Sens, touchant les devoirs des évêques, & $7. le livre de la confideration au pape Eugene : dans l'un il fe plaint des moi-11. 6.4. nes & des abbez qui obtenoient des exemptions, dans l'autre des papes Hift. l. 1X1x.n. qui les accordoient. Il va même jusques à révoquer en doute le pouvoir du pape à cet égard: dont en effet je ne voi guere d'autre fondement que l'idée confufe qu'ont donné les fauffes decretales que le pape pouvoit tout. Or les inconveniens des exemptions font fenfibles. C'eft n'avoir point de fuperieur, que de l'avoir fi éloigné & fi occupé d'afaires plus

$7.

43.XCIV. 7. 25.

importantes: c'eft une occafion de méprifer les évêques & le clergé qui leur eft foumis. C'eft une fource de divifion dans l'églife en formant une hierarchie particuliere. Voïez la difpute qui s'émut fur ce fujet du tems Hift.l.xct. n.s3. du concile de Vienne entre Gilles de Rome archevêque de Bourges, qui attaquoit les exemptions des moines & l'abbé de Chailli qui les foutenoit. Mais cet abbé combatoit fortement celles des Mandians les plus odieufes au clergé feculier, en ce que ces freres exerçoient en vertu de leurs privileges, la plupart des fonctions ecclefiaftiques, dont alors les moines ne le mêloient gueres; auffi les freres Mandians furent-ils ceux qui poufHift. 1, xc11. ferent aux plus grands excès les prétentions de l'autorité du pape. Voyez les extraits que j'ai raportez d'Auguftin Triomfe & d'Alvar Pelage, l'un Auguftin, l'autre Francifcain. A force de vouloir relever la puiffance du pape, ils la rendent odieufe, l'élevant au-deffus de toutes les puiffances temporeles; non feulement quant à l'excellence & à la dignité, mais quant au pouvoir effectif, d'ériger, transferer ou fuprimer les empires & les roiaumes, d'établir, corriger ou dépofer les fouverains: enforte que felon leur fyftême, il n'y a dans le monde qu'un feul fouverain, qui exerce la puiffance fpirituele par lui-mème & par les clercs aufquels il en commet quelque partie, & la temporcle par les laïques, fur lefquels il veut bien s'en décharger. Ce n'eft pas-là le fyftême de l'évangile, ni la tradition des premiers fiecles.

La nouvele hierarchie des religieux exempts a eu de fâcheuses fuites, & dans leurs corps & au-dehors dans toute l'églife. Au-dedans ils ont été fort occupez de leur gouvernement, de la tenue des chapitres generaux ou provinciaux, de l'élection des fuperieurs & des autres officiers. Les religieux font devenus politiques: plus attentifs aux afaires de l'Ordre, ou de la congregation, qu'à leur perfection particuliere, ou au falut du prochain, s'ils font apelez à y travailler. Je ne parle pas feulement des brigues pour parvenir aux charges, y élever ou en exclure les autres: maîs encore des mouvemens que l'on fe done pour paffer d'un convent à l'autre, fuivre un fuperieur dont on cft ami, ou en éviter un désagréable : le tout aux dépens de la retraite, du filence & de la tranquilité d'efprit, qui eft l'effentiel de la vie religieufe. Les plus expofez à ces tentations font les freres Mandians, & les autres qui changent fouvent de fuperieurs, & n'ont point de refidence fixe: rien n'étoit plus fage que la ftabilité des anciens. Ceux qui aiment le mouvement & l'action, n'ont qu'à demeurer dans le monde.

L'humilité déchet par les diftinctions entre les freres. Un general d'Ordre fe regarde comme un prelat & un feigneur, & quelques-uns en prenent le titre & l'équipage. Un provincial s'imagine prefque commander à tout le peuple de fa province; & en certains Ordres après fon temps fini il garde le titre d'exprovincial. Pendant l'intervalle des élections, les efprits font agitez pour les chapitres prochains on forme des cabales & des ligues pour foi ou pour d'autres: quelquefois par un vrai zele pour le bien de l'Ordre & la regularité de l'obfervance, fouvent par

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