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des Finances aux Epoques de Paques et de la St-Michel où le conseil se separe (1); il paroit, suivant tout ce qui m'est rapporté, que chacun de Messieurs, bien loin d'avoir du mécontentement, témoigne de la satisfaction; en effet, s'ils touchent regulierement comme il y a lieu de l'esperer, les gages qui leur sont fixés, leur sort sera vraiment gracieux, ils serviront la Republique (2), et ils auront une recompense certaine; heureux cependant, selon moy, ceux qui ne seront pas obligés d'avoir des procès.

« Je ne dois pas obmettre de dire a votre Altesse que M. le Marechal de Contades (3), ni M. de Blair (1), n'ont été chargés de faire operer ce changement; les ordres sont venus au conseil comme à l'ordinaire, et se sont exécutés de même ; la lecture s'est faite et l'enregistrement ordonné sans la moindre contradiction; on a même remarqué sur le visage de Messieurs une espece de joye; cependant, sortis, plusieurs ont dit: pourvu que les Promesses s'executent et durent, l'instabilité des choses humaines devant faire revoquer tout en doute.

« Je suis avec un très-profond respect etc.

« Signé d'Aigrefeuille, secretaire du Roy. » Une autre lettre datée du même jour et traitant du même sujet est adressée par l'abbé Ott, curé de Colmar, à une personne inconnue, mais attachée, évidemment, à la cour du Prince évêque; elle commence ainsi :

<< Monsieur,

«Samedy passé, vingt-six du courant, est arrivé icy l'Edit de Sa Majesté qui regle le sort du conseil souverain d'Alsace ; il a été adressé

(') Ces mots feraient supposer que les vacances du conseil commençaient le 29 septembre; il n'en est rien; seulement il y avait entre les vacances de cette compagnie et celles des parlements une différence signalée par MM. Pillot et de Neyremand (p. 561) et sur laquelle nous reviendrons nous-même, à la fin de cet article.

(*) Aux xvire et XVIe siècle, le mot République était souvent employé dans son acception latine pour désigner l'Etat. (V. les barangues de Daguesseau et autres discours d'apparat de cette époque).

(3) Le maréchal de Contades était gouverneur de la province pour commander le militaire seulement, formule consacrée dans les lettres enregistrées par le Conseil souverain, depuis le comte de Bourg jusqu'à lui (list, du Cons. souv., p. 449).

(*) M. de Blair était alors intendant d'Alsace.

à M. le Premier Président. Hier les chambres se sont assemblées, l'Edit a été enregistré et publié.

(Suit l'analyse de l'Edit, que nos lecteurs trouveront dans le livre de MM. Pillot et de Neyremand et qui d'ailleurs se trouve déjà dans la lettre précédente; mais le curé y ajoute les on dit du temps qui ont leur intérêt: aussi croyons-nous devoir reproduire in extenso la fin de sa lettre).

« Voilà, ä-peu-près, la substance de ce qui a été publié. M. le Premier Président jouira donc de vingt-deux mille livres de rente : 12 mille d'appointement, 3 mille de Pension dont le bon lui a été envoyé il y a environ trois semaines, et 7 mille sur les fourrages qu'on assure lui étre conservés.

« Sur les 2 mille cinq cens attachés aux Messieurs de la 1re chambre il y en a qui prétendent que c'est pour les onze anciens et que la Cour n'est pas informée qu'à Colmar les conseillers changent de chambre (1). On prétend encore que le ressort sera aggrandi, ou qu'il y aura une chambre de plus pour les affaires forestales et celles de la Table de marbre (2) supprimée à Metz.

« Un quelqu'un m'a dit sçavoir de science certaine qu'il y a quinze jours qu'il était encore indécis si le conseil ne serait pas transporté à Strasbourg et a ajouté que tel eût été le souhait de M. l'Intendant, mais que M. le maréchal et le magistrat de Strasbourg s'y sont si fortement opposé qu'ils ont réussi. (3)

(') Dans plusieurs parlements et notamment à celui de Paris, les conseillers de la Grand'chambre n'étaient pas soumis au roulement; on n'y entrait qu'après 25 ans d'excercice et l'on continuait d'y siéger jusqu'à la cessation de fonctions; à Colmar, au contraire, le roulement faisait passer les magistrats d'une chambre à l'autre comme de nos jours; pour se conformer à l'esprit de l'édit, la différence de traitement devait donc se régler sur l'ancienneté.

(*) Dans son dernier état, la juridiction de la table de marbre qui comprenait, originairement, la connétablie, l'amirauté et les eaux et forêts, ne s'appliquait plus qu'aux questions relatives à ces dernières; c'est dans ce sens qu'elle doit être prise ici.

(3) On voit que la question de la translation à Strasbourg de la juridiction supérieure d'Alsace, encore hypothétiquement soulevée de nos jours, n'est pas nouvelle.

Les charges de Besançon sont déjà remboursées; le frère du maître de poste de Schlestadt en avait acheté une de vingt huit mille livres et il est revenu de ce pays avec la même somme. L'argent qu'ont donné les nouveaux nobles a été employé à ce remboursement et les impositions que l'on va mettre sur quelques centaines de villages tant appartenant au Duc-de-deux-ponts qu'au cardinal de Spire seront employés à rembourser celles de Messieurs du conseil souverain d'Alsace. Ce sont encore des on dit, de gens cependant en place.

<< Tous ces Messieurs ont diné hier chez M. le Premier President où l'on s'est bien amusé et bien bu; on était encore à table á cinq heures (1). Les corps ont été faire leurs complimens aux chefs de la compagnie. Aujourd'hui ces Messieurs doivent tous aller à Ingersheim. (2)

« Je n'ai pas osé, Monsieur, envoyer tout ce détail directement à Son Altesse, comme je n'ai pas osé lui présenter mes hommages à l'occasion de sa fète. Je craindrais de l'importuner tant soit peu; mais personne ne prie plus et ne fait plus prier pour la conservation de son illustre personne; je sens trop la perte que je ferois. Si vous trouviez, Monsieur, l'occasion de faire une toute petite mention de moi, rien ne pourroit égaler ma reconnaissance. Dès que l'Edit sera imprimé, j'aurai l'honneur de vous envoyer un exemplaire.

«Je suis avec la plus respectueuse veneration

« Monsieur,

« Votre très-humble et très-obeissant servitteur

Signé: OTT, curé.

« Colmar, ce 29 octobre 1771. »

On voit, par la première de ces lettres, que le Premier Président avait 12000 livres de traitement; mais par la seconde, on voit également qu'en y ajoutant la pension

(') On dinait alors à midi.

(*) Ingersheim, commune de 9274 habitants, arrond'. de Colmar, canton de Kaysersberg. Le second Président du Conseil, M. de Salomon, y possédait une maison de campagne qui existe encore; il parait d'après la lettre ci-dessus qu'il y traitait la compagnie, le 29, comme le Premier Président l'avait traitée, en ville, la veille.

et le fourrage, ses émolumens s'élevaient à vingt-deux mille livres (plus de 44000 francs de nos jours); mais il faut considérer qu'à cette époque un chef de compagnie judiciaire se trouvait entraîné à des dépenses de représentation bien plus considérables qu'aujourd'hui. Le second Président, qui, dans certain cas, en l'absence du premier, pouvait avoir des dépenses extraordinaires et obligatoires, touchait 6000 livres ou 12000 francs; le Procureur général de même, c'est-à-dire. 3000 de moins qu'aujourd'hui. Mais pour les autres magistrats, leurs appoinments se rapprochaient beaucoup de ceux des cours impériales actuelles. Ainsi, le doyen dont la position avait plus d'analogie qu'aujourd'hui avec celle des présidents de chambres qui ont 7500 francs, touchait l'équivalent de 8000; les anciens conscillers, de 5000 (le traitement actuel) les nouveaux de 4000 (celui qu'ils touchaient encore il y a trois ans); les avocats généraux de 5000 (ils touchaient 4800 il y a trois ans, et depuis la dernière augmentation 6000). Le traitement des substituts est celui qui offre la plus grande différence: 2000 au lieu de 3750. Il est vrai que, dans l'ancienne magistrature, ils n'avaient guère, en principe, que le service intérieur du parquet et ne montaient à l'audience que sur une délégation spéciale et formelle du Procureur général.

Quant aux vacances, que le sieur d'Aigrefeuille semble fixer à la S'-Michel (29 septembre) nous devons entrer, ici, dans quelques détails: dans notre ancienne organisation judiciaire chaque parlement les fixait selon les convenances de ses membres, les usages locaux, et les besoins du service; cependant celles du parlement de Paris avaient été, longtemps avant l'époque qui nous occupe, l'objet de règlements émanés, le premier de Charles VI (1405)

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et le second de Louis XII (1499). Le gouvernement de Louis XIV avait une tendance trop prononcée à l'unité, à l'uniformité en toutes choses, pour ne pas s'efforcer d'y ramener tous les corps judiciaires; aussi, dans une suite de déclarations rendues sous les gardes-des-sceaux et chanceliers Séguier (1633-1650, 1656-72); d'Aligre (1672-77) le Tellier (1677-85) les vacations de tous les parlements furent réglées d'une manière à-peu-près uniforme, tout en respectant, dans une certaine mesure, d'anciens usages traditionnels.

• En général elles embrassaient les mois de septembre ct d'octobre (comme de nos jours). Cependant, celles d'Aix commençaient en juillet et finissaient avec le mois de septembre, celles de Pau se prolongeaient jusqu'en décembre, celles du Parlement de Flandres avaient éprouvé plusieurs variations; au xviie siècle, elles avaient lieu du 15 août au 2 octobre; mais elles furent à la fin reculées, et finissaient douze jours avant celles de Paris. (1) ►

Mais, malgré ces légères différences quant à leur durée, cette durée était continue, tandis qu'au Conseil souverain les vacances étaient fractionnées; ainsi, le Conseil vaquait depuis le 13 juillet jusqu'au 15 août, reprenait ses travaux le 16 août, jusqu'au 29 septembre, et vaquait de nouveau, depuis le 29 septembre jusqu'au jeudi après la S'-Martin (du 12 au 18 novembre). (2)

C'est que le Conseil avait conservé les vacances de l'ancienne Régence c'est-à-dire, sauf une légère différence que nous allons expliquer, celles réglées par le Code Théodosien qui accordait aux magistrats de l'Empire

(') Bastard d'Estang, les Parlements de France. - T. 1, p. 624, 625. (*) Pillot et de Neyremand, Ilist. du Cons. souv, p 361.

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