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villa, et ne parait comprendre que le ban d'un village. Le Markgericht est alors un tribunal de prudhommes, chargés de veiller sur l'intégrité des communaux et des propriétés particulières Conserver le cadastre du communal (Almend), des alleux (Eigen) et des emphyteoses (Erbe), placer les pierres bornes, (Murkstein), punir les empiétements: voilà sa mission. Les membres de ce tribunal s'appelaient Marker (1).

Le plus souvent la Marche embrasse un ensemble de villages et de hameaux, qui, en dehors de leurs règlements particuliers (Hof ou Dorfrecht), ont une constitution commune (Mark ou Landrecht), l'administration commune de la haute justice, la jouissance commune de bois et de pâturages indivis. Le mot Mark désigne alors, soit l'ensemble de ces communes, soit l'ensemble des terres indivises, eaux, forêts et pâturages.

Ces grandes communautés couvraient autrefois toute notre province, sous des dénominations diverses (marca, pagi ou gau, gerayde, etc.). Dans la Basse-Alsace, j'ai retrouvé jusque dans les documents des deux derniers siècles, les noms, les limites et même les constitutions de la plupart d'entre elles. Dans la Haute-Alsace, elles ont laissé moins de vestiges; mais des indices de toute espèce permettraient cependant, sur leur étendue et leurs circonscriptions, des conjectures très-plausibles. L'existence de ces Marches ne pouvait manquer d'intriguer les historiens et les jurisconsultes. Il y avait là de quoi exercer leur sagacité et déployer leur faconde Je vous fais grace de toutes leurs théories dont le seul exposé donnerait matière à un volume.

La Marche de Marmoutier comprend tout le territoire que Childebert II donna, dit-on, à l'abbé Léobard. Ses limites sont indiquées dans une charte de l'Alsace diplomatique (t. 1, p. 29), et dans la carte que je publie ici, comme curiosité et comme renseignement.

Voici l'origine de cette carte.

Du temps de Louis-le-Débonnaire, le monastère de Marmoutier se trouvait ruiné par des guerres, des incendies, des désastres de toute nature. L'abbé Celse recourut alors à la libéralité du pieux empereur, le pria de prendre son couvent sous la protection impériale, et accompagna sa pétition d'un plan descriptif de la Marche.

Lons-le-Débonnaire agréa cette demande, et chargea son frère

() V. surtout les Traditiones Wissemburgenses et un Salbuch du fonds HanauLichtemberg (E. 2745 ̧.

Drogon, évêque de Metz, de restaurer Marmoutier. Hélas! dans ce bas monde le bonheur est rarement sans mélange. Drogon rétablit le monastère; mais il lui imposa la suzeraineté de son église. A partir de cette époque, chaque nouvel abbé devait se rendre à Metz, et à genoux sur un carreau » prêter hommage aux successeurs de Drogon. Ce n'était pas tout. Quelque long qu'il fût, le bras des évêques de Metz n'atteignait pas facilement au-delà des Vosges ; pour remplir leurs devoirs de protecteurs, ils les déléguèrent à une puissante famille d'Alsace ('), aux seigneurs de Geroltseck. Ceux-ci firent si bien, aidés par les circonstances, qu'au bout de quelques siècles, il ne resta presque plus rien à enlever à l'antique abbaye. C'est une bonne chose que de pouvoir dormir sur les deux oreilles, sous l'égide d'un puissant protecteur, mais il est rare qu'il ne finisse par vous asservir, et la paix,

C'est l'acheter trop cher que l'acheter d'un bien

Sans qui les autres ne sont rien.

Au XIe siècle, on n'en était pas encore là, vous le verrez tout-à-l'heure, l'avoué de Geroltseck ne revendiquait pas encore ce rôle dictatorial que jouèrent plus tard les Markherrn du xvie et du XVIIe siècle.

Outre les limites de la Marche, l'abbé Celse indique sur son plan le nom et la position respective des villages qui la composaient. Quelquesuns de ces hameaux ont disparu, mais ils existaient encore au xir siècle. Il faut y joindre Garrebourg et Hillenhusen, Salenthal et Engwiller qui furent sans doute fondés peu de temps après Celse, dans les forêts des Vosges, les premiers dans la partie occidentale, les deux autres, dans la partie méridionale de la Marche.

Ces détails pourront plus tard servir au lecteur. Avant de décrire les institutions de la Marche, il était bon de définir la portée de ce mot. Les savants des àges futurs, s'ils daignent lire ces lignes et considérer notre plan, ne seront plus exposés à mettre dans la Marche de Marmoutier tous les villages où l'abbaye possédait quelque bien. Je n'ai qu'un regret, c'est que dans son culte pour la ligne droite, l'abbé Celse ait supprimé les Vosges avec leurs mamelons et leurs vallées, leurs forêts séculaires et leurs torrents impétueux. Un petit grain de poésie n'eut rien gåtė.

(') Ce n'était du reste pas une innovation, les monastères avaient déjà des avoués avant cette époque. Mais cette charge ne fut dangereuse que lorsqu'elle devint héréditaire.

IN PERGAMENO OLIM DEPICTA PER CELSUM ABBATEM

(HABETUR IN ORIGINALE.)

celsus mauri abbas monrii. post cessionem prædicti monasterii et chartarum

Ab incarnatione Domini usque ad primum imperii Ludovici imp. explentur anni 828; in ipsa supputatione vir venerabilis

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munster.

Villa
Leobardi vulgo
Lochwiller
pagus.

Reittenburg

pagus.

Signum Christi

.go Sin. Christ

pagus

per fraxinetum et locum Asgoa et sic per fluvium Sorna

Suabesilare

vulgo Schwabviller.

Leogardicis cella vulgo Dillersmunster

pagus. Durenbach pagus destructus.

tendeus per provincias usque ad publicam stratam tabernensem

Heminges bura

pagus destructus

Dumphelthal

pagus

ejus terminum scribere voluit qualiter vir Illust. Childebertus quondam Rex eidem loco concessit ut sequaces ejus

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II.

LA VALEUR D'UN MANSE AU XIIE SIÈCLE.

Encore une petite question à vider. J'aime à déblayer le terrain, à lancer mes tirailleurs, avant de mettre en ligne les gros bataillons.

Dans tous ces vieux documents, on parle sans cesse des manses. J'ai déjà essayé de déterminer leur étendue. Mais il n'est pas inutile de multiplier, quand on le peut, les points de comparaison. Or voici une charte de 1166, contemporaine par conséquent de nos autres monuments sur la Marche, qui renferme sur cette matière un renseignement précis.

L'abbaye de Marmoutier avait vendu à l'empereur Frédéric son alleu d'Eschbach, et en avait retiré la somme de cent marcs d'argent. Cent livres! ne riez pas. Nous sommes en l'année 1166. Il parait qu'à cette époque c'était un gros capital, d'un placement difficile. L'abbé Werner était singulièrement embarrassé; il ne trouvait pas, dans tout le pays, de terre de cette valeur. Il fallut donc se mettre à la recherche des petites propriétés et acheter de toutes parts: à Ittlenheim, un aleu de 17 acres; à Maennolsheim, 1 manse; à Fridolsheim, 3 acres; à Zeinheim, 7 acres de vigne; à Wallenheim, 10 acres, et en outre la moitié d'un moulin qui fut échangé pour 17 acres et une partie de la dime de Wilgoltheim; à Dossenheim, 8 acres; à Neugartheim, 1 acre de vigne ; à Reutenburg, 4 acres de prés; å Schnersheim, 3 acres; à Duntzenheim, 2 acres; enfin à Marsal, 2 puits à sel. Grand Dieu, quelle liste! Que de soucis les banques et les comptoirs d'escompte de notre siècle épargnent aux capitalistes! Grace à eux, on n'a plus à courir ainsi le pays pour se délivrer de son argent.

Le brave abbé Wernher, après cette énumération ajoute: tout cela réuni forme 3 manses, 2 acres, une portion de dime et 2 puits à sel. Or, refaites son calcul, que trouvez-vous? 1 manse et 72 1⁄2 acres. D'où la conclusion mathématiquement rigoureuse que 1 manse et 72 acres == 3 manses 2 acres, et par conséquent, 1 manse à 35 acres. D'un autre côté comme la valeur de l'acre varie de 25 à 35 ares, nous serons en droit de dire que le manse contenait, à peu près, dix de nos hectares.

Ainsi en cessant d'être une propriété indivise, le manse était resté une mesure agraire, d'une valeur déterminée.

Cette conclusion me suffit, j'abandonne aux amateurs le soin d'étudier la valeur relative des champs, des vignes et des prés, etc., etc. Voici la charte de l'abbé Wernher, ou du moins la partie de sa charte qui nous intéresse ici. (fonds Marm. h. 610):

....« Porro quia integrum allodium, in quo tantum argenti expende<< retur, non invenimus, diversis in locis consulto et multo utilius, quam « prius fuerat, expendimus, in agris scilicet, vineis, pratis, monasterio « vel curiis nostris contiguis, juxta adnotacionem vel distribucionem << infra descriptam.

« Apud Otelenheim, emimus XVII agros alodii pro XXX libris argenti. Apud Meinoltesheim, mansum unum, et apud Fridesheim III agros « pro XX libris. Apud Zeinheim, emimus VII agros vitibus consitos, pro <<< XV libris argenti. Apud Wallenheim expendimus XIII marchas pro « X agris et dimidia parte molendini, quod totum cambivimus cum " sororibus nostris de Sindeno monte, apud Willegoteheim scilicet, pro XVII agris et parte decime, que tanti valet precii, quanti et agri. Apud « Dozenheim, emimus VIII agros, pro VII libris; apud Nõgerthe, alterum << dimidium agrum cum vitibus, pro V libris; apud Ritenburch IV agros « prati pro III libris. Apud Snaresheim, III agros pro III libris emimus; « apud Duncenheim, II agros, pro II libris. Apud Maresallum solvimus duas sedes patellarum pro duobus libris.

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«Hec omnia computata faciunt tres mansos, tertium dimidium agrum, « et partem decime apud Willegotheim, computatam pro XVII agris, et « duas sedes patellarum. Precium vero horum omnium sunt centum libre argenti. »

III.

CHARTE DE L'ABBÉ ANSELME, (1117-1143-1135-1147).

Au xn siècle, l'abbaye de Marmoutier eut à sa tête plusieurs abbės très-soucieux des traditions de leur monastère. De ce nombre furent Meynhard II (1137-1146) et Anselme 1 (1146-1154). Quoique postėrieures aux notes de Meynhard, celles de l'abbé Anselme jettent une vive lumière sur le travail de son prédécesseur. On me permettra donc de leur donner ici le pas.

L'abbé Anselme débute par une courte préface dans laquelle il expose son plan. En parcourant les vieilles archives du monastère, il a trouvé

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