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LE MOBILIER ET L'ARGENTERIE

BE L'ABBAYE DE MUNSTER

AUX XVII ET XVIIIe SIÈCLE.

La plupart des historiens qui ont écrit sur l'Alsace se sont occupés de l'abbaye de Munster d'une manière assez complète pour que nous n'ayons pas à nous étendre ici sur ce sujet. Fondée, vers 634, au confluent des deux Fecht (inter duas Fachinas) ce qui lui fit donner d'abord le nom de Monasterium ad confluentes, elle prit plus tard celui de S'-Grégoire dont ses premiers religieux étaient disciples. Enrichie par les libéralités des rois des deux premières races, ayant fourni, aux vie et vin siècles six évêques à l'église de Strasbourg, elle eût dû posséder, en accumulant les vases précieux, crosses, ornemens etc., qui lui furent offerts à diverses époques par les souverains, prélats, et seigneurs de France et d'Allemagne, un trésor digne de lutter avec ceux des plus riches abbayes de l'Europe centrale; mais ravagée, ainsi que la ville qui s'était élevée à l'ombre de ses murs, au XIe siècle par de terribles incendies, au xi par Rodolphe de Habsbourg en guerre avec l'évêque de Basle, peu de temps après, par les habitants de Colmar et le seigneur de Ribaupierre, au xv par les seigneurs de la Haute-Alsace, au xvre par

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les protestants, au xvire par les Suédois, les Brandebourgeois et les Lorrains, elle dut avoir, en outre, à souffrir comme tant d'autres monastères, des prodigalités et de la mauvaise administration de ses abbés commandataires qui, vivant à la cour des souverains plutôt en grands seigneurs, en princes, qu'en religieux, dissipaient, trop souvent dans de mondaines frivolités, les revenus et même les joyaux de leurs abbayes.

Aussi est-ce sans étonnement qu'on voit, par les inventaires des Prieurs ('), conservés aux archives du Haut-Rhin, l'état déplorable où étaient réduits, dès le milieu du xviio siècle, le mobilier et l'argenterie tant sacrée que profane de ce monastère autrefois si riche.

Le premier de ces inventaires porte la date de 1659; nous y remarquons les articles suivants :

RELIQUES ET ARGENTERIE DE L'ÉGLISE.

Deux chefs des onze mille vierges (sic) enveloppés de taffeta.
Une bouteille d'huile miraculeuse.

Un petit ciboire d'argent, couvert de satin bleu en broderie (2)
Trois calices d'argent dorré dont l'un est un peu façonné.

EN LA MAISON DE L'ABBAYE A COLMAR (3)

par refuge à cause des guerres passées.

Un beau grand Melchisedech d'argent. ()

(') Chaque prieur, en entrant en charge, dressait inventaire des objets mobiliers garnissant le couvent et dont la garde lui était confiée.

(*) Le ciboire est le vase sacré qui contient les hosties destinées à la communion des fidèles, et qui reste ordinairement enfermé dans le tabernacle qui surmonte l'autel. (MIGNE, Liturgie catholique, Vo cit.)

(3) La maison que possédait l'abbaye, à Colmar, était située entre la rue des Marchands et la place de l'Eglise. Une partie de ses bâtiments est occupée par le Comptoir d'escompte.

(*) Le Melchisedech, objet devenu sans usage dans le culte catholique, était une sorte de coffre ou petite armoire portative où l'on reufermait les hostics et le vin devant servir au sacrifice de la messe.

La couronne du Roy Dagobert d'argent dorré, ornée de diverses pierreries et garnie de velours rouge.

Une belle crosse abbatiale d'argent.

Une Encensoire très-belle avec sa navelle et la cuillère, le tout d'argent. (1)

Un calice et la platine d'argent doré (probablement patène; le mot platine ne se trouve pas dans le dictionnaire de Liturgie de Migne). Une grande croix et le crucifix d'argent avec les quatre Evangelistes d'argent doré.

Une autre croix d'argent plus petite et sans crucifix.

Deux paires de burettes avec leurs petits bassins d'argent, dont l'une des paires est plus grande et d'argent doré.

Un petit Cusson d'argent (sic, pour écusson).

Une mître de damas rouge, en broderie.

Une pante de taffeta rouge d'un ciel ou Dais à porter le St-Sacrement.
Une crosse de bois avec le Cusson d'airain esmaillé.

Une croix pectorale d'argent doré qui s'ouvre et y a quelques reliques.

Nous épargnerons à nos lecteurs l'énumération des instrumens de cuivre et d'étain, mais nous citerons, comme un indice de la pauvreté de l'abbaye à cette époque, le chétif inventaire de ses chasubles. (2)

Une de toile d'argent à fleurs.

Une vieille de Damas blanc, avec un petit gallon d'argent.

Une de laine verde et rouge en fleurs, avec un faux passement d'or.
Une de mesme, avec une bande de satin jaune, sans passement.

(*) Quiconque a assisté à une cérémonie du culte catholique sait ce que c'est qu'un encensoir ; il n'en est peut-être pas de même quant à la navelte ou navicule; on donne ce nom à cette petite boîte de métal où l'un des acolytes puise avec une cuillère l'encens pulvérisé qu'il répand sur les charbons ardents de l'encensoir ; on lui donne ce nom parce qu'elle a, ordinairement, la forme d'un petit navire (navicula).

(*) La chasuble (casula, petite maison) était primitivement une sorte de pardessus en forme de cloche, sans manches, très-ample, avec trois ouvertures pour passer la tête et les bras; elle conserva cette forme jusqu'au XVIe siècle; depuis, les incisions destinées au passage des bras allèrent toujours s'agrandissant et enfin, de nos jours, la chasuble n'est plus qu'un composé de cux pièces, l'une devant, l'autre derrière. (Liturgie catholique de MIGNE).

Une d'estoffe rouge avec un petit gallon d'argent.

Une de tabis rouge avec une croix de tabis orangés. (1)

Deux verdes à fleurs, l'une assés bonne avec une croix de figures en

soye et l'autre bien vieille avec une petite cantille (sic, pour cannetille) Deux vieilles de velour jaune tout rasé.

Une de tabis bleu avec un gallon de soye.

Une de tabis noir avec un faux gallon d'or.

Une vieille de satin noir que l'on doit raccommoder.

Une de vieil taffeta noir, couppée en deux.

Une vieille estolle avec le manipule de damas bleu. (3)

Une estolle et manipule de vieil velour jaune.

Une estolle et manipule de laine, en fleurs verdes, rouges et blanches. Trois estolles noires avec un manipule.

Une croix de tapisserie de figures en broderie, propre pour une chasuble.

Deux petites robbes noires sans manches pour les acolythes à la messe.

Les devant d'autels, tapis, coussins et voiles de calice ne sont ni plus luxueux ni en meilleur état; les nappes d'autel sont au nombre de huit, dont trois seulement garnies de dentelles. Cinq aubes à dentelles, mais dont quatre desja vieilles, trois surpellys (3) bien vieux et usés,

(') Tabis, étoffe de soie ondée. (Dict. de Richelet).

(*) L'Etole était originairement une robe (stola) bordée d'un galon d'or ou de broderie; les clercs, les personnes de distinction, et les femmes, la portaient en ville; plus tard, le clergé ne la prit plus que pour les cérémonies du culte et enfin, il se contenta pour conserver la tradition, de placer par-dessus ses vètements, le galon qui bordait l'ancienne stola. C'est ce que nous voyons aujourd'hui. Le manipule, ornement d'étoffe qui pend au bras ganche de l'officiant, n'était, originairement, autre chose qu'un mouchoir appelé aussi sudarium et destiné à tergere pituitam oculorum et narium; » il en fut ainsi jusqu'au XIIe siècle, qu'il fut remplacé par le fanon actuel : « Fanonem quem et manipulum et sudarium appelaverunt, perquem olim sudor et narium sordes, extergebantur. » Robertus Paululus, cité par MIGNE, V. cit.

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de off. eccles.,

(3) Surpellys, ce mot, écrit de la sorte, (sauf l'y final qui devrait être un i) est plus conforme que le mot moderne de surplis, à l'étymologie ; c'est la traduction de superpellicium, en français surpelisse, parce que l'officiant le mettait par-dessus son vêtement de ville. (MIGNE, loc. cit.)

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