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GASTON D'ORLEANS AU MAGISTRAT DE COLMAR 1.

(1631).

Que nos lecteurs veuillent bien se reporter aux événements qui se passaient en France en l'an de grâce 1631. Le cardinal de Richelieu venait, après la célèbre journée des dupes, de remporter sur la reine-mère, Marie de Médicis, une victoire que celle-ci ne devait plus lui disputer; prisonnière à Compiègne, elle allait, en se réfugiant à Bruxelles, abandonner pour jamais la partie, et laissait Richelieu tout puissant sur l'esprit de Louis XIII. Gaston d'Orléans, frère du Roi, rejeté comme lui dans l'ombre par la puissante personnalité du cardinal, s'était retiré à Orléans d'où il préparait la guerre civile; mais Louis XIII ne lui laissa pas le temps de la commencer, et fit marcher ses troupes sur Orléans; fuyant devant l'armée royale, Gaston se retira d'abord en Bourgogne où le gouverneur de la province, M. de Bellegarde, lui ouvrit la petite ville de ce nom, puis à Besançon et enfin en Lorraine; c'est de la ville de Bellegarde qu'il écrivit au magistrat de Colmar la lettre suivante :

Messieurs, vous apprendrez sil vous plaist du S' de la Mairie lieutenant de mes gardes lestat auquel ie suis reduit sur cette frontiere et ce que j'aurois à desirer de vous dans ce rencontre obligez moy de louyr favorablement et de me tesmoigner en cette occurence autant de bonne volonté et d'affection que ie mensuis promis de votre courtoisie, vous

(') Archives de la ville de Colmar, R. C. B. 42. No 12.

protestant que ce quoy que vous faciez a mon advantage et pour lamour de moy ien auray a men remercier lorsque ien auray le moyen au moing vous feray je tousiours veoir que ie suis

Messieurs, Vostre bien bon amy

de Bellegarde ce 24 mars 1631.

GASTON.

Suscription: A Messieurs Messieurs les bourgmestres et eschevins de la ville de Coulombiers (').

On voit que le projet de Gaston était de traverser Colmar, et sans doute l'Alsace dans toute sa longueur, pour pénétrer en Allemagne par Strasbourg. La magistrat de Colmar répondit au prince qu'il avait appris par le Sr de La Mairie que son intention était d'entrer à Colmar avec un gros de cavalerie, qu'en présence des difficultés de la situation politique du temps, il ne pouvait à cet égard se rendre à ses désirs, mais que s'il voulait se contenter d'une escorte de 40 cavaliers, il lui accorderait volontiers le droit de passage à travers la ville.

Voici la réponse du magistrat :

Durchleuchtigister fürst unnd herr, euren furstlichen durchlaut seyen unnser underth. dienst zuevor, gnedigister herr.

Ew. frst. Dchl. ane uns gethonde credentiales haben wir mit gebůrender reverentz empfangen und darauffen, besonders dero abgeordneteu muntlichem vorbringen vernommen, was gestalten dieselbe mit einer ansehenlicher cavalleri, disen Landes durchzureissen, genedigst entschlossen auch darmit den pass unnd Einkhór durch und in unserer Statt Begert, wann sich nun bey Ew. frst. dcht. (wie wúr berichtet, und deren stants hocheit noch gebûrt) ein solcher comitat befünden thuet, dass demselben ins gesambt und in so starckher anzahl, bey alhiesiger statt, dissmahls, uud in ansehung gegenwertiger beschwehrlicher zeiten, nicht wohl nothwendige Vorsehung beschehen khan, und aber Ew. Frst. Dcht. genedigst belieben will, mit vierzig Pferden alhier einzuekhommen, und in selbiger aigner verzehrung durchzupassieren, so soll deroselben der Pass, und einlass, gehiórter maasen, und in angeregter Zahl unversogt sein auch alle gebühr erwüssen wer;) Columbaria.

den, und würt dero abgesanter, dan den übrigen ansehenlichen Comitat unfehrn der statt mit fueglicher gelegenheit zue logiren guete gesicherte Conmoditet, selbsten ferners underth. mundtlich berichten khonden, die darmit dem lieben Gott zu beharlicher Frst. Leibsgesundtheit unnd zue deren g. wir uns wohl empfehlen datum den 1 aprilis 1631. Suscription: dem durchleichtigisten Fürsten und herren herren Gaston, hertzogen von Orléans unnserm gnedigsten herren.

Quand nous disons que le magistrat de Colmar répondit à Gaston d'Orléans, il serait plus exact de dire que son intention était de répondre, car la lettre ne partit pas; l'expédition est restée en effet sans signature et on lit sur le revers, au dessus de la suscription, la note que voici: Ist nit abgangen, sondern underdessen ein abgesanter ein kommen, welcher die Resolution zu vernemen begert undi nach anhærung derselben des screiben anzuenemen bedenckens getragen.

Voici ce qui était arrivé: le 1er avril au matin, le chancelier de la Régence d'Ensisheim, Isaac Volmar, avait expédié un courrier à son beau-frère Michel Glaser, syndic de Colmar, pour l'aviser que l'avant-veille M. de La Mairie était venu faire à la Régence, au nom de son maître, la même demande de passage, mais que la Régence, cousidérant que le prince était tombé dans la disgrâce de sou frère, n'avait pas voulu s'attirer l'inimitié de celui-ci, en accordant à Gaston d'Orléans le passage sur le territoire alsacien; la décision de la Régence d'Ensisheim entraina celle du magistrat de Colmar; la lettre ne partit donc pas comme le dit la note que nous avons rapportée tout-àl'heure, et, changeant son itinéraire, Gaston d'Orléans se réfugia en Lorraine par la Franche-Comté.

Ce ne fut pas la seule fois que ce prince se trouva dans le cas de solliciter du gouvernement autrichien l'autorisation de passer par l'Alsace. Les archives du Haut-Rhin

(fonds de la Régence d'Ensisheim, C. 871) possèdent une lettre de l'archiduchesse Claudie adressée au margrave Guillaume de Bade, landvogt des pays antérieurs, pour lui recommander de ne pas laisser le duc d'Orléans pénétrer en Alsace. Voici ce document: (1)

« Unnser freundtlich willig dienst und was wir liebs und guets vermógen, zůvor, hochgeborne fürst, freundtlicher, lieber vetter, wir haben aús euerer schreiben vernommen was gestalt dess Königs in Franckreich Brueder Duc d'Orléans durch einen currier dieselbe angesuecht, dass weil ime von dem König die capitulationes nicht gehalten werden, er sein retirada in Teutschlant nemmen muesste, solche aber von dem hertzogen zu Lottringen, wie gern er sonnst wollte, aus forcht des Königs nicht geben werden khúnde der underschlaiff in euerer guverno bewilligt werden wollte.

Wann wir dann nun umbwillen nach sich ziehender gefahren und nachigedenckens, ohne Ihro Kay. Mt. und hes herrzogen von Friedlandts vorwissen, unns nicht gern mit im Duca d'Orléans imbarchieren und durch dessen retirada dem könige ainiche anlaitt zu wideriger intention und impresa geben wollten. Als haben wúr nicht allain Euerer antwort gern vernommen sonder werden dieselbige auf weitern nachvolg allweg dahin die sachen dirigieren, damit Er duc von Orleans solch berait gegebene resolution gemess, auch in den vorlannden von dem aufhalt und underschlaiff mit vormandt daz wúr ausser Iro Kay M'. vorwissen derzeitten ein solches nicht wol übernemmen Khúndten gewisen; die durch passierung aber zu des herrzogen von Fridlants oder Iro Kay. M'. gleichwoln vergunnt werde; massen wir unns auch zu versehen, dieselbige nicht weniger in den übrigen Iro zue gehörigen Lannden und undergebnen Reichstätten, den underschlaiff oder retirada ausser des durchzugs, mit wenigem volck beharrlich zu difficultieren gedacht sein wollen, auf das dardurch der König nicht irritiert, und im nachvolg die vor lannd in gefahr gerathen; verbleiben Euer, & & geben zu Innsprugg den 16 Novembris anno 1632.

Claudia von Gottes gnaden & &.

(') Cette lettre a été découverte par M. Dietrich dans les papiers de la Régence d'Ensisheim, avant le classement de ce fonds. Quelqu'un trouva tout simple de ́s'approprier celle découverte et de communiquer sous son nom le document à nn recueil historique et diplomatique; sie vos non vobis.....

MÉMOIRE

DE CE QUE LA VILLE DE SAINT-HYPPOLITE A SUFFERT DEPUIS LE COMMENCEMENT DES GUERRES IUSQUES A PRÉSENT (').

Premier la ville dudict S-Hyppolite (2) estant prise par force par les Suédois, le 17 augst 1633, ilz ont estée contrainct de payer pour la rantion 6000 reichsthaller, 100 fuoder de vin, dix chevaux d'artillerie, et vingt bœuf; au gouverneur Luernheim de Benfelt, qui conduissoit et commendoit les soldatz, pour avoir esté tiré parmy son chapeau et un peu blessé, 1000 florin d'or, et ce pour exempter les cloches et le breullement de la ville; nonobstant ceste accord, ils n'ont pas laissez que de piller et prentre tous le vin qui montoit a plus de 300 fuodre et piller aussy toute ce qui estoit de meilleur aux maisons et sauvé au chasteau, et les chevaux; en a près, emmené quatre des principaux bourgeois pour hostage a Benfelt, iusques a tant que la dicte somme at esté payé ce qui a couste plus de 1000 florin. Et après ce, la ville de Brisacq estant assiegé la premier fois, et que le duc de Feria la vient secorer, larmée du prince de Burckenfelt se vient au secours des Suedois avec 6000 hommes, logerent une nuict icy, a la ville, lesquelz consummert tous; trois jours après, elle retourna et y logerent encor cinq iournée avec quattre regiment, de sorte ils ny laisserent plus rien; après leur despart bien lost on commenca a vendenger, et pendant ladite vendenge il y vient deux Regiment de ...... et Hanau qui logerent sept iournée

(') Ce document, dont l'original existe encore aux archives de la ville de SaintHippolyte, ne porte ni date, ni signature; il doit avoir été écrit à la fin du xvir siècle. Nous en avons restitué la ponctuation qui rendait le sens parfois douteux, mais nous avons respecté l'incorrect on du style et de l'orthographe qui lui donnent un cachet de véracité facile à saisir.

(*) Saint-Hippolyte, petite ville de 2500 âmes, canton de Ribauvillé, arrondissentent de Colmar (Haut-Rhin).

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