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auffi la maniere de combattre des anciens bretons, ainsi que l'affurent Diodore de Sicile, Céfar & Tacite : d'où quelques au teurs n'ont pas manqué de conclure qu'ils étoient une colonie de troyens.

Enfin, quiconque fera verfé dans la connoiffance de l'antiquité, demandera fans doute pourquoi les chevaux de ces héros, & celui de Céfar principalement font reprefentés avec des felles & des étriers. Peut-être pourroit-on établir l'usage des felles, mais pour l'ufage des étriers Pancirolle a bien prouvé qu'il n'étoit pas connu. Polydore Virgile & Victorius ont fait des traités exprès pour le démontrer, & l'on n'en voit pas le moindre veftige dans les monumens anciens, comme les médailles & les arcs triomphaux des romains. Les latins n'ont pas même de terme pour exprimer la chose. Ceux de ftaphia, ftapes ou ftapeda ne fe trouvent point dans les bons auteurs; & ceux que l'on cite ordinairement ou fignifioient autre chose du tems de Céfar, ou font plus modernes. De là vient, fuivant la remarque de Lipfe, qu'afin qu'une chofe d'un ufage auffi general eût un nom, Philelphe les nomma ftapedas, & Bodinus Subicus pedaneos. Et parce qu'on pourroit regarder ces termes comme anciens, fur ce qu'un des os de l'organe de l'ouie eft appellé ftapes par les anato

miftes, il faut remarquer qu'aucun des anciens, ni Hippocrate, ni Galien n'ont connu cet os; & Laurent nous apprend que Colomb & Ingraffias, l'un Sicilien l'autre Cremonois, qui vivoient dans le feiziéme fiecle, fe font difputé l'honneur de cette découverte.

On peut conclure la même chofe du témoignage de plufieurs bons auteurs. Polybe décrivant la route d'Annibal en Italie, employe le mot suarai, c'est-àdire au fentiment de Victorius qu'il avoit fait difpofer de petites hauteurs nommées bemata, afin que fes foldats remontaffent plus facilement à cheval. Plutarque en dit autant dans la vie de Gracchus. Comme il s'étudioit à gagner la bienveillance du peuple, outre qu'il fit mettre des pierres au bout de chaque milliaire, il fit encore placer en de moindres intervalles des efpéces de marches, afin que l'on pût plus commodément monter à cheval, Et fi l'on demande comment on pouvoit y monter fans étriers, Lipfe répond que les perfonnes foibles avoient leurs avaßoxes ou ftratores qui les aidoient. Telle fut felon Plutarque la maniere de Craffus; celle de Caracalle felon Spartien ; & plus tard encore celle de Valentinien, qui coupa la main droite de fon ftrator, parce que fon cheval s'étant cabré, il ne put le monter.

Mais Vegece dans fon traité de re militari; nous inftruit fuffifamment de quelle maniere ils fautoient fur leurs chevaux ; il nous apprend qu'ils avoient chés eux des chevaux de bois fur lefquels ils s'exerçoient, & devenoient fi habiles, qu'ils montoient en tenant leur épée à la main, fuivant ce vers de Virgile:

Pofcit equos atque arma fimul, faltuque fuperbus
Emicat...

Et cet autre du même poete:
Infranunt alii currus, & corpora faltu.
Injiciunt in equos,...

c'eft encore pour cela que Julius Pollux confeilloit de dreffer les chevaux à s'incliner, afin que les cavaliers les montaffent plus facilement. Par là on entend ce qu'Hippocrate dit des Scythes, qu'ils étoient fort fujets à la fciatique, parce qu'ils étoient continuellement à cheval; & ce que Suetone raconte de Germanicus, qu'il avoit les jambes grêles, mais qu'elles groffirent par l'exercice qu'il prenoit à cheval après fes repas; c'eft que les humeurs descendoient plus aifément dans ces parties qui n'étoient point foutenues.

Mais, dira-t-on, ces erreurs ne font point importantes,& n'intereffent que foiblement la verité hiftorique. Je répons que la raifon défend d'admettre aucune faulleté, &

que

que n'y ayant point de milieu entre le vrai & le faux, il eft du bien general, que l'un & l'autre foient caracterifés, parce qu'une erreur ne`manque jamais d'entraîner une autre erreur, & que le faux nuit à la fincerité qui eft comme l'ame de l'hiftoire.

CHAPITRE XIV.

Des tableaux qui reprefentent le facrifice de

Jephté.

Es peintres ont hardiment representé Jephte facrifiant la fille de la meme ma niere qu'Abraham immolant fon fils. C'eft une opinion génerale & qui eft foutenue par des auteurs refpectables que ce facrifice fut réel. D'un autre côté des auteurs auffi dignes d'eftime affurent fur des fondemens raifonnables que Jephté ne fit point fouffrir à fa fille une mort naturelle, mais feulement une mort civile, en la retirant du commerce du monde, & la confacránt au fervice du Seigneur. La raifon & plufieurs textes de l'écriture femblent établir ce fentiment.

Il est constant 1° qu'elle pleura sa virginité, & non pas fa mort future. Jud. 11.39. Laiffez-moi aller für les montagnes pendant deux mois, afin que je pleure ma virginité avec mes compagnes.

2° Lorfqu'il eft dit que Jephté accom

Tome II.

E

plit ce qu'il avoit voué à l'égard de fa fille, on lit tout de fuite qu'en effet elle ne connut point d'homme. Ce qui est une expofition très claire du vœu même.

3o Le texte facré ajoute que les filles d'Ifrael alloient quatre jours chaque années s'entretenir avec la fille de Jephté; ce qu'elles n'euffent pû faire fi en effet Jephté l'avoit immolée. A la verité le terme en géneral fignifie quelquefois pleurer, mais il fignifie auffi converfer. On peut encore croire que dans les fiécles fuivans la fille de Jephté fut adorée comme une divinité & que les famaritains prirent de ces affemblées occafion de lui confacrer une fête annuelle, comme S. Epiphane le rapporte au fujet de l'hérefie des Melchideciens.

D'ailleurs il répugne à la raifon que Jephté ait facrifié fa fille. Car les victimes humaines étoient défendues par la loi; Dieu les avoit en abomination, auffi bien que les facrifices des animaux immondes. Il ne permettoit d'offrir fur les autels que des bœufs, des boucs, des moutons, des colombes &c. J'avoue que pour la purification de la lépre, il eft fait mention de moineaux, mais il eft douteux que le terme hébreu ait été bien rendu. L'écri ture parle fouvent avec indignation des victimes humaines qu'offroient les payens, chés qui tous les animaux étoient bons

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