Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Parcourons un peu cet Ouvrage. Le Théâtre, au premier Acte, représente le palais des Miniftres de Jupiter à Euricôme. Ifménias ouvre la Scène avec fon pere Thémifthée. Nous apprenons d'eux qu'Ifménias choifi par les Peuples voisins vient annoncer la fête de Jupiter. Selon la loi établie parmi les Peuples d'Euricôme, il doit n'avoir point aimé jufqu'à ce jour. Il doit auffi ne point aimer tant que dure la fête. Il fait ces conditions, & promet d'y foufcrire.

A mes fermens vous me verrez fidele.

Dut mon cœur en gémir je remplirai vos vœux.

D'un autre côté, Azaris, Roi d'Euricôme, va nommer une Reine. C'est un présage bien favorable que le jour de la fête de Jupiter. Thé misthée fort pour préfider à cette élection.

Ifménias refté feul nous découvre le véritable état de fon cœur :

Pourquoi cruel amour t'opposer à ma gloire?
Vois ce qu'elle coûte à mon cœur :

Lui-même te fert de vengeur,

Il me fait pleurer ma victoire.

Ce Monologue eft fait de la part du Poëte, & conféquemment de la part du Muficien, de la même coupe dont on les faifait il y a dix-fept

ans; car il y a ce temps que cet Opéra eft m en Mufique, mais le chant n'en a point cette langueur froide & monotone. Il semblait que l'Auteur devinât que ce ftyle, quoique confacré n'est point celui qui convient à la Scène. Il donné dans le refte de l'Ouvrage des preuve plus grandes encore de cette divination.

Ifmène eft donc l'objet des vœux d'Ifménia malgré les fermens & malgré lui-même. Elle p raît à la tête de toute la jeuneffe d'Euricôme, & vient rendre hommage à Ifménias. L'air qui l'annonce, qu'elle chante, que l'on danfe, & qu'on reprend en chœur, est un des plus char mans fix-huit que l'on puiffe entendre, & cepen dant on fait que les airs de cette mesure fom presque tous jolis. Ils portent avec eux pow l'ordinaire un caractère de gaieté pastorale qui les diftingue. La fuite d'Ifmène fe retire & h laiffe avec Ifménias.

Cette Scène eft pleine de délicatesse. Ifmèn reproche à Ifménias fon indifférence aux hor neurs qu'on lui rend. Il trouve du danger dan fa gloire. Son feul bonheur devrait être dan l'indifférence, mais l'Amour offensé l'a menadi dans un fonge:

Dans fon Temple j'ai cru voir ce Dieu redoutable

Environné d'Amans heureux.

L'image du bonheur allait faire un coupable.
Je veux fuir..... l'Amour gronde, & fon courroux m'ac-

cable.

Jupiter paraît armé par la vengeance:

Je frémiffais..... l'Amour prit ma défense.
Je crois le voir encor pénétrer dans les Cieux
Défarmer Jupiter, me bleffer à fes yeux,
Et me dire en vainqueur : Adore ma puiffance.
A la face même des Dieux.

On voit que le style de ce fonge a la force & l'élégance qui lui convenaient. Il eft encore deviné de la part du Musicien, C'est une efpèce de récitatif obligé, qui n'a pas toute cette fimplicité, ces repos, cette marche qu'on lui a donné depuis, même en France, mais il est trèsfort au-deffus de fon temps, & il donne l'idée du parti que le Muficien en aurait tiré, s'il l'eût fait dans ce moment-ci.

Une fymphonie interrompt cette conversation qui ne fait qu'indiquer les fentimens mutuels que ces deux jeunes gens fe cachent l'un à l'autre. Ifmène eft inquiette. Viendrait-on vous apprendre, dit Ifménias,

Que le Roi vous éleve au Trône de ces lieux.

Ilmène répond par ces deux vers charmans:

N'allarmez pas un cœur qui raffurait le vôtre:
L'éclat n'eft pas toujours ce qui flatte nos vœux.

C'eft Thémisthée en effet qui vient annonce à Ifmène que le Roi l'a choifie. Elle est fort peu sensible à cet honneur. Elle ne veut répondre qu'au Roi lui-même. Incertaine fi Ifménias l'ai me, elle veut l'observer pendant la fete, ven la fin de laquelle le Roi arrive. Je ne dois pas oublier de remarquer que les Airs de cette fète font tous plus charmans les uns que les autres, Azaris dit des chofes galantes à Ifmene, qui le reçoit avec indifférence, & elle fort. Le Roi & le Peuple la fuivent.

Ifménias eft refté feul avec fon pere. Celuici le félicite de fon bonheur,

...On ne peut te ravir l'avantage

D'unir à nos Autels ce couple glorieux.

Chacun de ces mots aggrave la douleur du jeune Prêtre. Son pere la remarque, & lui en

demande le fujet.

Craignez de le favoir.

Que dis-tu, malheureux?

Il avoue fa tendreffe. Thémisthée lui en fa

préfager les malheurs, lui rappelle le jour où il fit fes fermens....

Il n'est que trop present à mon cœur amoureux,
C'est le jour où je vis Ifmène.

Quand la bouche me dit qu'il fallait fuir l'Amour,
Ses regards, de ce Dieu, in'annonçaient la puiffance.

Ifmène enfin reçut cn même temps
Et le ferment & le parjure.

Il eft difficile d'écrire avec plus de fraîcheur & de graces. Les confeils paternels de 1hémifthée font exprimés dans un air fuperbe, auquel la belle voix de M. Larrivée, & fon excellente maniere de chanter, ne font aflément pas de tort, mais qui, fans elles, ferait encore plein de caractère & de feu, d'un chant & d'une tournure abfolument neuve alors, & digne d'étre applaudi aujourd'hui. Mais n'en difons pas davantage; réservons des éloges pour le Duo qui le fuit. Ce morceau, plus app'audi que tout le refte, a joué dans le commencement un tour bien cruel aux Critiques. Ne fachant que cire contre ce Duo, ils ont prétendu qu'il était calqué fur celui d'Ernelinde : J'excufe ton jcune courage. C'était lui faire honneur; car ce Duo d'Erne

« AnteriorContinuar »