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longs. On en retient, que la jeune Hélène a un goût pour la retraite, qui fait le fupplice de fon pere qui l'aime tendrement, & qu'elle le force de refuser tous les partis qui fe présentent pour elle.

De plus, ce jour eft la fète du Marquis, & en même-tems celle du Baron. On parle de divertiffemens, & il fe trouve que chacun des deux amans en prépare un au pere de l'autre.

Hélène paraît n'être occupée que de la fête qu'elle donne. Elle envoie fa Bonne, voir fi les payfans du Village, qui lui fervent d'Acteurs, favent leurs Rôles. Reftée seule, elle ne fe contraint point fur fes fentimens. Le goût qu'elle témoigne pour la retraite, lui fert à retenir Lindor, fur l'aveu qu'il cherche à lui faire, & à empêcher fon pere de lui parler de mariage. Elle fent qu'elle ne peut être heureufe qu'avec Lindor. C'eft ce qu'elle exprime dans une Ariette fort jolie, bien faite & d'une bonne tournure. L'arrivée du Marquis avec fon fils l'interrompt; elle quitte la Scène pour aller retrouver sa Bonne.

Le jeune Lindor paraît donc avec fon pere, avec l'air de ramener la converfation fur fon mariage. Le Marquis prend le ton d'ironie,

perfifle fon fils qui s'en apperçoit & qui fe défole, qui lui rappelle toutes les promeffes qu'il lui a faites de le marier, qui lui montre fes lettres; le Marquis ceffe enfin de plaifanter, prend le ton férieux de la raifon, & veut montrer à fon fils qu'il n'eft pas encore en état de tenir maison. Il lui représente toutes les obligations, tous les devoirs d'un homme de fon état, d'un Seigneur de Village, qui doit n'avoir pour but que de rendre fes Vaffaux heureux. C'est le fujet d'une Ariette, qui, pour le dire en paffant, était impoffible à mettre en Mufique. Elle abonde trop en paroles. Elle est trop fournie de détails, & la Mufique ne peut rendre qu'un tableau avec tout au plus fon contrafte. La Mufique ne fait pas mieux que la peinture, rendre plufieurs événemens fucceffifs.

C'est tout ce qui a précédé cet endroit dans cette Scène, qu'on a trouvé un peu trop longuement exprimé. On pourrait, au moyen de quelques facrifices peu regrettables, donner beaucoup plus de vivacité à ce commencement. Le refte de cette Scène eft charmant : on y voit Lindor, faire entendre à fon pere qu'il a fait un choix, en faire le portrait, &

c'est celui d'Hélène, refuser de nommer cet objet, mais defirer vivement d'en être preffé. Le Marquis, au contraire, badiner fon fils im pitoyablement, rapprocher & éluder les aveux qu'il fe meurt d'envie de faire, & finir la Scène & la converfation fous un vain prétexte.

Lindor refté feul, exhale fon impatience, fes defirs, avec un naturel, une naïveté charmante, & dont le prix n'est médiocre, pas ment relevé par la manière vive, ardente, pleine de graces, de vérité, avec lequel Ma dame Triai rend ce Rôle depuis le commen cement jufqu'à la fin. Elle dément avec bien de la force l'opinion reçue & presque toujours vraie jufqu'à elle, que les Rôles d'Amoureux font toujours froidement joués par des fem mes. Affurément l'illufion eft complette, & il ferait difficile de fonger à Madame Trial en voyant ce petit poliffon, charmant, plein de feu, d'efprit & de vivacité.

Le Baron qui revient de la chaffe, paraît avec le Marquis. Trio de chaffe très agréable. Nouvelles plaifanteries du Marquis à fon fils, fur fon âge. Impatiences du jeune Lindor qui fe défend bien, & qui fe voit foutenu avec gaîté par le Baron qui lui témoigne la plus

grande amitié. Hélène paraît, ce qui interrompt la conversation, & l'Acte finit par aller dîner.

Le Théatre repréfente des jardins agréables. Le Marquis ouvre le fecond Acte avec le Précepteur de fon fils, Monfieur Dupuis. Ils parlent de l'amour que Lindor a pour Hélène, & dont ils fe font tous deux apperçus. M. Dupuis foupçonne même qu'Hélène n'y eft pas infenfible. Cependant il prie le Marquis de se retiter il ne faut pas que Lindor les trouve ensemble, queftion qui peint le cœur d'un pere d'une ma

nière bien intéreffante & bien naturelle. Le Marquis demande au Précepteur: Ce qu'il a fait, eft-il joli? -Vous le verrez. -Vous ne lui avez pas uni? —Oh! l'idée est de lui.... J'ai bien ufé un peu de mes droits de maître. Ah! j'entends. -Non; pour faire parler aux payfans leur langage, & voilà tout. Enfin, ce qu'il a fait eft joli, vous êtes content de lui.

Le Marquis fort, & Lindor paraît. Il a tout l'enthousiasme d'un jeune homme qui voit éclore ses propres talens, qui donne une fête de lui, ce qui jette fur lui-même une forte d'importance qui l'enivre, qui donne cette fête

au pere de fa maîtreffe, à sa maîtreffe ellemême, & qui eft bien amoureux. Lindor rentre, & la Bonne vient annoncer l'arrivée de fes Acteurs. On eft convenu que ceux de Lindor doivent commencer. La Bonne s'en va, tous les paysans paraiffent. Chœur délicieux pour la naïveté de fon chant, pour la manière dont il eft déclamé par la Mufique, pour la gaîté, le tableau, l'expreffion. Rien de plus heureu sement rendu que le contrafte de ces paysans qui fe vantent avec joie de favoir tretous leur affaire, & qui font interrompus par le Précep teur qui leur dit, plus bas, & qui se difent l'un à l'autre, plus bas, plus bas, & qui pour se faire taire font un tapage d'enfer. La nourrice, fur-tout, ne tarrit point fur les éloges de fon enfant. Chacun dit fon mot à fa louange, & puis paix, v'la queuqu'un, c'eft Mamfell la Bonne, cach'ton bouquet. Moment d'une vérité de Mufique furprenante. Il y a dans tout le refte ce défordre, ce murmure inséparables de toutes les fêtes nombreuses. La joie, furtout dans les personnes de cet état, est toujours tumultueufe. Les Ménétriers arrivent, ils jouent une Marche pendant laquelle le fallon s'ouvre ; alors les Muficiens mènent la Marche: les payfans vont prendre la compagnie pour la

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