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réponse confirma tout ce qu'il avoit avancé, & qui prouve que Mr. d'Asfeld n'avoit point tiré l'épée à Almanza. On diftribua en peu de jours plus de 2000. copies de cette Lettre dans Paris & à la Cour, & Mr. de Folard eut foin d'en envoyer une à fon Ami de Hollande, qui la montra à diverses perfonnes. Il nous apprend que dans la même année le Marquis de Goësbriand fauva Toulon par fa bonne conduite & fa bravoure, cependant on garda un profond filence fur cet important fervice. C'est le même Officier-Général qui défendit enfuite la ville d'Aire avec tant de gloire, & qu'il ne rendit aux Alliés qu'après en avoir reçu trois ordres confécutifs de la part du Roi. Il auroit foutenu un affaut général, & fes difpofitions étoient faites cela; on ne jugea pas à propos de lui faire tenir une quatriéme Lettre, par laquelle Sa Majesté remettoit toutes choses à fa fageffe. La mode étoit paffée qu'un Gouverneur foutenoit trois affauts au corps d'une Place, comme il y est obligé par les loix de la guerre; & la conduite du Marquis de Goësbriand en eft d'autant plus digne de remarque.

pour

mais

Voici une affaire bien plus férieuse, que l'amour de la vérité & de la justice attira à Mr. de Folard. Il eut occafion de parler dans fon Tome I. du fameux Combat de Denain, qui releva la France prête à fuccomber, & fit évanouir toutes les espérances des Alliés. Il nous apprit à ce sujet un secret fort important: c'est que le projet de cette grande action avoit été formé par un homme de Robe de beaucoup d'efprit, qui connoiffoit parfaitement le Païs, ajoûtant qu'il faloit être auffi grand Général que Mr. le Maréchal de Villars pour l'exécuter avec autant de gloire. Celui-ci, qui avoit toujours regardé l'affaire de Denain comme fa couronne, fut irrité qu'on eût l'audace d'y porter la moindre atteinte, & ne voulant céder à aucun autre la plus petite portion de l'honneur de cette journée, il exigea une fatisfaction éclatante. Mr. de Folard cité à la Cour pour rendre compte de fa conduite, comparut devant le Ministre de la Guerre, avec cette noble hardieffe que la vérité inspire à un honnê

te

te-homme, furtout lorfqu'il ne craint rien du reffentiment des Grands, & qu'il foule tout aux pieds, ambition & fortune. Il prouva ce qu'il avoit avancé fur la foi d'une Patente du Roi, qui avoit recompenfé l'Auteur du Projet pour ce fervice rendu à l'Etat. Ainfi toute la réparation qui fut faite à Mr. le Maréchal, consista en une Lettre de politeffe, dans laquelle Mr. de Folard l'affuroit qu'il n'avoit point eu la penfée de diminuer la gloire qui lui revenoit de la journée de Denain, qui avoit été le falut de la France; qu'il avoit donné à fes belles actions les plus grandes louanges dans fon Polybe; & qu'il feroit toujours difpofé à rendre à lon mérite & à fon habileté toute la juftice qui leur étoit duë. Il nous dit enfuite dans la Préface du Tome II. que tout le reproche qu'il avoit à fe faire dans cette affaire de Denain, c'étoit de n'avoir pas dit le nom de l'Auteur de cette entreprise. Il l'avoit appris de Mr. Voifin, en ce tems-là Ministre de la guerre. Ce fut Mr. le Préfident le Fevre d'Orval, alors Confeiller au Parlement de Cambray : fon plan fut goûté à la Cour; & le Maréchal de Villars, habile & éclairé comme il étoit, en fentit toute l'importance. L'exécution de ce projet de guerre qui demandoit une grande conduite, couvrit de gloire le Général ; mais celui qui en fait voir la poffibilité par l'intelligence des lieux, que le premier ne fauroit obferver par lui-même, ne mérite-t-il pas quelque portion de cette gloire, quoique moins brillante? Mr. de Folard ne le pense pas, & il ne pouvoit le fouffrir. Il trouvoit jufte que le nom de ce Magiftrat paffât à la poftérité, & qu'il devint illuftre dans l'Hiftoire. A la bonne heure qu'on érige des Autels, qu'on célébre des Fêtes à l'honneur du Général, il y consent de bon cœur, pourvu que le fuccès. foit moins l'ouvrage de la fortune, que de la capacité. Le vulgaire juge d'ordinaire des grands événemens par le bonheur qui les accompagne & ceux qui les produifent ; & les gens habiles eftiment fur-tout les moyens employés pour les conduire à une heureuse fin.

On lira avec grand plaifir les belles observations de notre ha

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bile Auteur fur le combat de Denain, où il fe trouva. S'il reléve les fautes des Alliés, il ne diffimule pas celles des François, & il fait voir qu'un Général médiocre les auroit facilement arrêtés au paffage de l'Efcaut & enfuite du Marais qu'ils devoient franchir, & que les troupes qui marchoient en diligence au secours du camp retranché, feroient arrivées à tems pour le défendre. Rien n'empêchoit les Alliés de continuer le fiége de Landrecies; la perte de leurs Magafins pouvoit être réparée, & le Quefnoy regorgeoit de Munitions de guerre. On pouvoit faire entrer en France plufieurs gros détachemens, & empêcher le Maréchal de Villars de repaffer l'Efcaut pour s'y opposer. Il eut été lui-même très-embaraffé. Mais, dit Mr. de Folard, la tête tourna aux Alliés, qui ne laifférent pas au Prince Eugéne, qui l'avoit très-bonne, la liberté d'arrêter les progrès des François. On fait voir enfuite que ces derniers ne poufférent pas leurs avantages autant qu'ils le pouvoient. Nous remarquerons une chofe qui fait beaucoup d'honneur à Mr. de Folard: c'est Tom.II. qu'il loue la conduite & la bravoure du Maréchal de Montes quiou, qui attaqua Denain à la tête des troupes & l'emporta l'épée à la main. Ces louanges font d'autant moins fufpectes, que le Maréchal n'aimoit point cet Officier, qu'il a nourri fon averfion lui très-chérement jufqu'à la mort, fans manquer aucune occafion de lui en donner des marques, ni rien négliger de ce qu'il croyoit pouvoir contribuer à lui nuire. La franchise de Mr. de Folard, qui defapprouvoit fouvent les manœuvres des Généraux, déplaifoit au Maréchal. Il louë, il blâme toujours avec une équité scrupuleufe, & fes plus grands ennemis pouvoient y compter, lorfqu'ils faifoient une belle action.

Préf. P.

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Il fe fait un plaifir de rendre justice aux ennemis de la France; nulle prévention n'influë fur fes jugemens; il admire la science militaire & les belles actions par tout où il les trouve. Il regarde Mr. de Vendôme comme un très-habile Général, qui réparoît en un moment les fautes qui lui échappoient quelquefois; mais dans le parallèle qu'il en fait avec Mr. le Prince Eugéne de

Sa

Savoye, il paroît décider en faveur de celui-ci, quoique fouvent battu par Mr. de Vendôme; il le met au deffus pour la difcipline militaire, & ne fait pas difficulté de l'appeller le Héros du Siécle. Il rend bonne juftice au Duc de Marlborough, illuftre par fes victoires fur les François, & il fe fait un plaifir de remarquer les belles actions qui l'ont rendu l'admiration de l'Europe, quoiqu'il ne le trouve pas plus exemt que les autres grands-hommes des foiblesses inféparables de l'humanité. Le Comte de Schulembourg, le Comte de Staremberg, & le Marquis de Santa Cruz, lui paroiffent avoir fur-tout excellé dans la science de l'Infanterie, dont très peu d'Officiers connoiffoient la force. Ces habiles Généraux étoient dans les mêmes principes, quoique leurs fyftêmes ne fuffent pas entiérement les mêmes. La maniére de Mr. de Folard de faire combattre la Cavalerie, toujours foutenuë de l'Infanterie, n'eft plus, dit-on, de mode; mais elle n'en eft pas moins raifonnable. Les autorités dont il appuye fon fentiment, font des plus fortes, & il feroit difficile de leur en oppofer de capables de les contrebalancer. L'Amiral de Coligny, Henri IV. Roi de France & très grand Capitaine, Guftave-Adolphe Roi de Suéde, Mr. de Turenne, le grand Condé, & tant d'autres hommes dont la compagnie infpire la plus grande confiance à Mr. de Folard, puifque les petites Armées bien conduites les faifoient triompher des plus grandes. Ce n'eft, felon lui, ni le nombre, ni la bravoure des troupes qui affurent la victoire, mais la maniére de les faire combattre, & la fcience du Général.

Le Polybe avoit paru avant les deux derniéres guerres, & Mr. de Folard n'aiant plus rien donné au Public, n'a pu nous faire connoître ce qu'il penfoit des événemens confidérables que ces guerres ont produit. Il ne fe feroit pas contenté de célébrer les actions du Maréchal-Duc de Belleifle & du Comte de Saxe qu'il eftimoit particuliérement, & qui penfoient comme lui en bien de choses. Il auroit rendu juftice avec la même équité aux Généraux étrangers, qu'il fe contentoit d'admirer avec fes Amis, n'aiant plus la liberté d'écrire. Que n'eût-il pas dit du fage & ha

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bile

bile Général Khevenhuler & de tant d'autres Généraux Allemans & Prussiens qui se sont signalés par tant de beaux faits d'Armes? Surtout que n'eût-il pas dit du Roi de Pruffe, ce Héros du Nord, célébre par tant de victoires, dont étoit moins redevable à la valeur de fes troupes, qu'à fes propres vertus militai res, à fon intelligence, & à fa bonne conduite?

Il est tems de parler des grands fuccès de Mr. de Folard, & de la gloire qu'il a acquise par fon Ouvrage, unique en fon espéce, & le plus beau qui ait paru fur la Guerre. Tout ce qu'il y a en France de gens eftimables pour les Sciences & distingués dans les Armes, foit parmi les Généraux, foit parmi les Officiers particuliers, ont applaudi à un homme né pour illuftrer fa Nation, & lui montrer le véritable chemin de la gloire. Il nous apprend lui-même que les plus habiles Guerriers des autres Nations, Allemans, Anglois, Hollandois, avoient approuvé fon Ouvrage, & qu'il avoit dans le Nord un grand nombre de Profélytes, qui mettoient en pratique une partie des choses utiles que fon Livre renfermoit. Nous nous contenterons de citer deux témoignages bien glorieux pour Mr. de Folard ; l'un eft celui du Comte de Schulembourg, dont on trouve deux belles Lettres dans le premier & le cinquiéme Tomes de Polybe; l'autre est du Veldt-Maréchal Comte de Starenberg, qui écrivit à notre Auteur qu'il penfoit comme lui fur les Principales parties de la Guerre & la véritable maniére de faire combattre l'Infanterie ; que s'il étoit capable d'écrire fur la Science Militaire, il ne fuivroit point d'autres Principes que ceux qu'il établissoit dans fon Commentaire fur Polybe; & que s'il avoit eu le bonheur de faire pendant fa vie quelque chose de louable, il le devoit à ces, mêmes Principes, dont une longue expérience lui avoit appris à connoître la vérité. Mr. de Folard ne fit point imprimer cette Lettre; il fe contenta de la communiquer à fes bons Amis, furtout à celui de Hollande, en qui il avoit une entiére confiance. Voici des fuffrages bien précieux & propres à confoler un homme moins fenfible à la perte de fa fortune, qu'à la gloire

d'avoir

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