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gue à Egra les reftes de l'Armée de France par cette mémorable retraite qui étonna l'Europe. Ce Général aiant l'ennemi en tête, en queue & en flanc, étoit embaraffé de 40. piéces de canon aux Armes de France, dont il ne perdit pas une feule. Il avoit outre cela à résister aux rigueurs d'un hiver affreux, qui fit périr une partie de cette Armée, foit en chemin, foit après fon arrivée à Egra.

Dans guerre de Provence Mr. le Maréchal-Duc de Belleifle donna de hautes preuves de fa capacité. Il conferva une belle Province avec un petit nombre de troupes contre une grande Armée, à qui la conquête en paroiffoit facile. Il chaffa l'ennemi de la Provence, & il y rétablit l'abondance, lorfque la famine jettoit les habitans dans une extrême défolation, & ne permettoit pas de donner la fubfistance aux troupes qui devoient la défendre. Mr. de Belleifle a montré avec éclat combien grandes font les reffources qu'un habile Général trouve dans fon courage & dans fon efprit, lorsqu'il paroît prêt à succomber fous le poids des malheurs de la guerre. C'eft furtout dans l'adverfité qu'un Général fe fait estimer des connoiffeurs, & lorsqu'il fait servir à fa gloire ce qui auroit perdu un homme médiocre. La guerre défenfive demande de plus grands talens fans contredit que l'offenfive, & une petite Armée conduite par un homme habile viendra à bout d'une grande commandée par un Général du commun, au jugement de Mr. de Folard. Il le prouve par l'exemple de Mr. de Turenne, qui en 1674. avec une Armée de 25000. hommes en détruifit une de plus de 60000. Allemands qui menaçoient la France d'une entiére défolation. On avoit réfolu de brûler l'Alface pour empêcher l'ennemi de pénétrer plus avant. Mr. de Turenne ne fut point de cet avis; il enleva aux Allemands leurs quartiers l'un après l'autre, & fit difparoître cette Armée qui avoit fait trembler les Miniftres de Louis XIV. La défenfive pour réuffir doit fe tourner en offenfive, lorsqu'il fe préfente des occafions favorables qu'un habile homme fait tou

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jours

jours faire naître dans les Païs difficiles & de hautes Montagnes; cette forte de guerre eft la plus favante de toutes. Notre Auteur l'a traitée d'une maniére profonde, auffi bien que les retraites d'Armées, fans que les Ecrivains militaires lui aient fourni les moindres fecours fur ces matiéres importantes & délicates.

Rien n'est plus étonnant que de voir un homme tel que le Chevalier de Folard, fi peu récompensé après tant de fervices importans, qui fembloient devoir l'élever aux plus hauts grades, furtout dans un Païs comme la France. Jamais on ne vit plus d'application au métier de la guerre, de courage plus élevé, de génie plus fécond en reffources, & plus de lumiéres, dont il étoit moins redevable à fa grande expérience qu'à l'étude de toutes les Sciences néceffaires à un Homme de guerre, & qui ne font pas en petit nombre. Il étoit fort verfé dans les Antiquités, les Méchaniques & la Politique. Une lecture immenfe de l'Hiftoire ancienne & moderne lui rendoit préfens les faits dont il avoit befoin pour confirmer par des exemples les vérités qu'il vouloit établir. C'est la méthode qu'il a toujours fuivie dans fon Commentaire fur PoJybe, où il fe propofe d'anéantir une infinité de préjugés reçus. Toujours foutenu des Grands - hommes de l'Antiquité, & de ceux que les derniers tems ont produit de plus illuftres, il n'avance rien que la conduite de ces Héros anciens & modernes ne juftifie & n'autorife. Avec une telle escorte, le bonfens & la raison triomphent fans peine des contradictions les plùs opiniâtres; & la vérité toute lumineuse refte en poffeffion de fes justes droits. ⠀1k en a trouvé un grand nombre en fon chemin, qui entêtés des préjugés de la coutume, n'ont cessé de crier contre un homme qui s'écartoit des routes ordinaires, qui attaquoit les ufages reçus, lorsqu'ils lui paroiffoient contraires à la droite raison, & qu'il cherchoit à établir une nouvelle Tactique & un nouveau Systême Militaire, fondé fur des principes puifés dans les Anciens. Il les regarde comme nos Maîtres dans

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toutes les parties de la guerre; & il montre que les Grandshommes des derniers tems leur font redevables de leurs plus glorieux fuccès. Si les Modernes l'emportent en diverfes Sciences fur les Anciens, comme Mr. de Folard en convient de bonne foi, ils leur font très - inférieurs dans celle de la guerre. La routine a prévalu jusqu'à présent fur l'évidence, & ce n'est qu'avec le tems qu'on peut espérer que la Science des Aries atteindra à la perfection, & qu'une Postérité plus reculée mettra à profit les travaux & les recherches d'un Génie fupérieur, qui nous a frayé les plus belles routes, & les a rendu faciles. ́11 ne faut pour cela qu'un grand Prince, ou un Homme de gran, de autorité, qui ouvrira les yeux fur les avantages de la nouvelle méthode, & animera par des récompenfes les gens de guerre à l'étude, dont ils ont encore plus de befoin que dé l'expérience, comme on le montre dans tant d'endroits de cet Ouvrage. Celle-ci doit fervir à perfectionner, & apprend à faire ufage des Sciences acquifes dans le repos & dans la paix.

Mr. de Folard voudroit que les Miniftres d'Etat fuiviffent l'exemple de Sofibe, qui gouvernoit l'Egypte fous Ptolomée Philopator menacé de la guerre par Antiochus le Grand, qui étoit fur le point d'envahir fes Etats. Cet habile Miniftre, dont Tom.v. on nous donne le portrait, mit en œuvre toutes les rufes de fa & 337. Politique pour tromper Antiochus, en négociant & en intriguant perpétuellement, & fçût gagner du tems qu'il mit à pro

fit

pour fauver fon Maître. Il ne fe contenta pas d'attirer à fon fervice un grand corps de Soldats étrangers & d'excellens Officiers, mais, ce qui étoit très-important, il mit la difcipline Militaire des Egyptiens fur un meilleur pied, en introduisant parmi eux celle des Grecs, leur Tactique & leurs armes. Les Grecs avoient tout imité des Egyptiens, qui oubliérent fous les fucceffeurs d'Alexandre le Grand tout ce qui regardoit la guerre. Les Grecs devinrent à leur tour leurs Maîtres. Enfin la guerre, retardée par des propofitions de paix, s'alluma entre les deux Monarques; Antiochus remporta d'abord divers avantages, &

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fut enfin vaincu à la bataille de Raphies. Notre Auteur n'oublie pas les grands changemens que le Czar Pierre le Grand a eu l'habileté de faire dans fes Troupes, autrefois fi méprilées, & aujourd'hui devenuës fi redoutables. Il fait voir que par-tout où il y a des hommes, il eft aifé de former de braves foldats, avec le fecours d'une bonne difcipline Militaire & des Officiers capables & appliqués, qu'on ne fauroit trop animer par les plus grandes recompenfes.

Il eft tems de parler des violentes perfécutions que Mr. de Folard eut à effuyer. Elles étoient d'autant plus dangereufes que des personnes d'un rang diftingué fe déclarerent fes ennemis, & réfolurent la perte. Si elles ne purent affouvir leur vengeance, elles réuffirent du moins à le chagriner, & à empêcher qu'on lui rendit justice. Mr. de Folard avoit un grand fonds de probité; il aimoit la vérité par deffus toutes chofes, & étoit incapable de la diffimuler, lorsque le Public avoit intérêt d'en être inf truit. Il se faisoit un plaifir de remarquer les belles actions des Généraux, & même des Officiers particuliers; mais il n'étoit pas moins attentif à relever leurs fautes, perfuadé que rien n'est plus inftructif pour les gens de guerre. Cette liberté déplut à des hommes médiocres qui afpiroient à l'infaillibilité. Ceux que des talens diftingués élévent au-deffus des autres, n'ont garde d'y prétendre, le vrai mérite eft toujours modefte. Mr. de Turenne, le plus grand Général de fon fiécle, avouoit avec plaifir ses fautes, & en entretenoit souvent fes Officiers pour leur instruction. Mr. de Folard est très-réservé dans ses éloges, qui ne s'écartent jamais du vrai. Il a, dit-il lui-même, de l'encens en petite quantité, & il veut le ménager. Il louë uniquement les vertus & les belles actions, furtout dans ceux à qui on n'a pas rendu juftice. Nous en indiquerons deux exemples remarquables. L'un fe trouve dans la belle Relation de la surprise de Ĉremone, où il montre que Mr. le Maréchal de Villeroi se conduifit en Général fage, & qu'on ne peut lui rien reprocher; mais que fes ordres furent très-mal exécutés, & il rend à cette

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Tom.V.

occafion la justice qui eft due à grand nombre de braves gens. Dans l'autre il s'agit de l'efcalade de Cette dans la guerre de 1701. qui fit beaucoup d'honneur à Mr. le Duc de Noailles, depuis Maréchal de France.. Cette action, dit Mr. de Folard, fait beaucoup d'honneur à Mr. le Duc Noailles, brave, vigou- Préf. p. „, reux & hardi : je me ferai toujours un plaifir de le produire ,, par-tout, autant par fes qualités militaires, que par fon efprit que par ,, & fon goût pour les Belles-Lettres & pour les Beaux-Arts, & ,, par l'eftime de ceux qui les profeffent dans un tems où il femble que l'ignorance veuille en triompher". Voilà un bel éloge que la vérité feule a dicté, & tout fondé fur le mérite.

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Notre Auteur s'eft attiré beaucoup d'ennemis par un endroit qui devoit le rendre fort eftimable. Il eft perfuadé que rien n'eft plus injufte & plus propre à dégoûter les braves gens du service, que de leur ôter l'honneur de certaines actions, & les priver en même tems des recompenfes qui devroient en être le fruit. On garde le silence fur ceux qui les ont faites, & on les attribuë à d'autres qui n'y ont eu aucune part. Mr. de Folard fe croit obligé de dépouiller quelques Officiers de la gloire de certaines actions d'éclat, dont ils jouiffoient tranquillement, & il eft fort injufte de lui en faire un crime. Il a l'attention de ne leur faire aucun reproche; il fe contente de narrer fimplement le fait ; enfuite il tâche de prouver par des témoignages qui lui paroiffent irreprochables, qu'elles n'appartiennent point à ceux auxquels on les a attribuées, ou qui s'en font dit les auteurs.

La journée d'Almanza en 1707. fut très glorieuse au Maréchal-Duc de Berwick, qui jugea à propos d'en faire honneur au Marquis d'Asfeld, qui n'y avoit contribué en rien, & ne dit mot du Marquis d'Avarey, qui par une belle manovre fit gagner la bataille. Ce fecret hiftorique divulgué ne plut point au Maréchal, & le Marquis d'Asfeld jetta les hauts cris, fe voiant dépouillé d'une gloire dont il avoit jouï pendant 22. ans, voulut obliger le Chevalier de Folard de fe retracter. Il le refufa, étant bien affuré de la vérité du fait. Il écrivit au Marquis d'Avarey, dont la Tom. I.

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