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de bataille, alla charger l'aile gauche, & ordonna à Perdiccas d'aller attaquer en même tems l'aile droite. Ces deux ailes aiant été rompuës du premier choc, fe retirérent vers leurs éléphans, à la faveur defquels elles fe ralliérent. Le combat recommença avec plus de furie & beaucoup plus mêlée; de forte que les ennemis ne commencérent à plier & à fe retirer que vers la buitiéme beure du jour. C'est ainsi que l'écrit dans fes Lettres, conclut l'Auteur, le Général même qui donna la bataille, & qui la gagna. J'ai de la peine à ajouter foi à cette lettre : fans doute qu'Alexandre fe feroit un peu mieux expliqué; car il n'eft pas vraisemblable que les aîles de Porus fe fuffent ralliées fous les éléphans qui formoient une premiére ligne: comment l'auroient-elles pû, puifqu'elles furent pouffées en arriére? Il falloit dire que les aîles fe ralliérent derriére le corps de bataille. Voici un fait qui n'eft pas moins remarquable que les deux premiers, & qui fait voir combien les Généraux doivent être fur leurs gardes pour s'empêcher d'être furpris.

Le Duc d'Albe aiant affiégé Mons en 1572. le Prince d'Orange, qui voioit l'importance de cette place, marcha à fon fecours; mais aiant trouvé la circonvallation toute établie, & les Efpagnols en bonne pofture, il ne jugea pas à propos d'y ufer fes troupes. Comme il craignoit d'être inquiété dans fa retraite, il décampa à la faveur de la nuit. L'Efpagnol en étant averti, détache promptement deux cens fantaffins d'élite, & huit cens chevaux, ceux-là revêtus de chemises blanches par-def fus leurs habits, pour fe reconnoître. Au moment que l'ennemi étoit prêt à lever le camp, ces hommes déterminés s'y jettent tout au milieu, paffent fur le corps des premiéres gardes, pénétrent & taillent en piéces tout ce qui s'affemble & ofe leur tenir tête; & avant que l'armée eût pû fe reconnoître, elle voit tout en feu. Le camp fut confumé avec d'autant plus de viteffe, que les hutes des foldats étoient compofées de branchages. Ce coup fait, & après avoir tué cinq cens hommes, le victorieux fe retira tranquillement. Si le Duc d'Albe eût marché avec une partie de fon armée, où en étoit le Prince d'Orange?

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Xantippe arrive à Carthage, fon fentiment fur la défaite des Carthaginois. Bataille de Tunis. Ordonnance des Carthaginois. Ordonnance des Romains. La bataille fe donne, & les Romains la perdent. Réfléxions fur cet événement. Xantippe retourne dans fa patrie. Nouveaux préparatifs de guerre.

D

Ans ces conjonctures arrive à Carthage un de ces foldats mercénaires, qui avoient été envoiés en Gréce, conduifant une groffe recruë, où il y avoit (a) un nommé Xantippe Lacédémonien, inftruit à la maniére de fon païs, & par conféquent fort verfé dans le métier.

(a) Un nommé Xantippe Lacédémonien, inftruit à la maniére de fon pais, par conféquent fort

de

verfé au métier de la guerre.] La maniére dont Cafaubon, & après lui le fieur du Ryer, avoient

tra

de la guerre. Celui-ci informé en détail de la défaite des Carthaginois, & confidérant les préparatifs qui leur reftoient, le nombre de

que

traduit cet endroit de Polybe, m'avoit mis de mauvaise humeur: fans favoir le Grec, je ne pouvois me mettre dans la tête qu'un Hiftorien auffi judicieux que Polybe, eût encenfé fi mefquinement un homme auffi extraordinaire que Xantippe. Je dis extraordinaire, car le grand & le beau ne confiftent pas dans ce que l'on eft ou dans le rang que l'on occupe, qui n'eft le plus fouvent Pouvrage de la fortune, mais dans les actions. Or eft-ce faire des actions de Xantippe l'éloge qu'elles méritent, que de dire avec Cafaubon que ce Lacédémonien, Rei militaris ufum mediocrem habebat, ou avec du Ryer, qu'il ne manquoit pas d'expérience dans le métier de la guerre? Il ne faut pas être un genie médiocre dans la fcience militaire; mais un homme de la premiére volée pour changer l'ordre & toute la façon de faire la guerre. Exercer, difcipliner & aguerrir des troupes, compofées prefque toutes de nouveaux foldats, relever les courages abattus & pleins da fouvenir incommode des difgraces paffees, & les mener fierement contre un ennemi fupérieur, redoutable, brave, aguerri & victorieux: encore une fois, il me femble qu'il faut pour cela être quelque chofe de plus qu'un homme qui ne manque pas d'expérience dans le métier de la guerre. C'eft tout ce que l'on auroit à dire de lui, s'il devoit la gloire d'une action fi mémorable au hazard ou à la fortune. Mais Xantippe la doit uniquement à lui-même, à fa capacité, & à la grandeur de fon courage. 11 forme fon projet de campagne fur la nature de fes forces, fur celles de l'ennemi, & fur le pais où il vouloit porter la guerre. Un Général qui fe conduit par des voies fi profondes, eft-il un homme médiocre dans fon art? Il prévit ce qui devoit arriver par ce qu'il avoit prémédité de faire, & répondit du fuccès par la grandeur de fes connoiffances & l'ignorance des autres, qui ne connurent jamais feurs forces, & les moiens de les faire agir pour la victoire. Xantippe obferva une conduite toute différente, & fe mit en état de ne rien craindre d'un ennemi, dont l'ardeur le porteroit à quelque imprudence, & l'engageroit infaillible-ment dans les plaines.

Un Général qui forme un tel fyftême de campagne, ne peut être qu'un grand Capitaine, à moins qu'on ne veuille juger des hommes comme on fait ordinairement dans les Cours, par les dehors & à l'apparence, qui eft prefque la feule lettre de recommandation pour faire fortune, & dont Xantippe n'étoit pas pourvû. Car au jugement d'un Ancien, & même de Polybe, qui femble l'infinuer, le Grec étoit de petite ftature & de petite apparence dans la mine comme dans le refle; ce qui augmentoit l'admiration qu'on avoit pour fon courage; & qui cachoit en

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*

leur

lui une virtu très-grande. C'étoit un autre Agefilas.

En vérité mon Auteur n'auroit pas été équitable, fi fur une fi pauvre raison il eût loué fi maigrement un homme qui fait tant d'honneur à fon pais. D'ailleurs il avoit trop d'efprit & trop de bon fens pour s'imaginer, que les grandes penfées & les entreprifes les plus difficiles de la guerre ne peuvent entrer dans l'efprit d'un fimple Officier, & d'un foldat de petite apparence: comme fi on n'avançoit en capacité qu'à mesure qu'on s'élève aux grands honneurs de la guerre, & qu'onpaie de mine. Qui pourroit s'imaginer qu'on fût dans cette opinion dans toutes les Cours du monde? On a vu des hommes très-lourds, très-fots, & fans efprit, & qu'on n'auroit daigné confulter fans fe faire moquer, parvenir tout d'un coup, fans favoir pourquoi, parce qu'ils étoient grands, bien faits & de riche mine: comme fi la grandeur & l'étendue de l'efprit se régloit par celle du corps, que l'efprit fût corps lui-même, & que l'on jugeât du plus ou du moins, comme on feroit d'un coffre fort rempli de piftoles, qu'on admireroit plus ou moins felon fa grandeur ou fa petiteffe. Rarement juge-t-on autrement des hommes dans les Cours des Princes, on y est tout auffi peuple à bien des égards que par-tout ailleurs. Agefilas n'eut pas plûtôt débarqué en Egypte, qu'on vit une foule de peuple accourir fur le riva ge pour voir & admirer ce Héros; mais quel fut leur étonnement, lorfqu'ils virent un petit homme, fans apparence, & par furcroit boiteux? Il n'eft pas poffible, difoient-ils, que dans un fi petit corps, & fi mal bâti, il puifle loger tant d'ef prit, tant de bon fens & tant de courage: après cela ils n'eurent qu'un pas à faire pour s'en moquer, ils n'y manquérent pas. Tachos leur Roi, qui l'avoit appellé pour commander fes armées contre Nectanebos, penfa comme fon peuple, & n'en fit que rire. Agefilas lui apprit qu'on ne jugeoit pas des hommes tel que lui par la mine & par la taille, & qu'on ne le méprifoit pas impunément. 11 fe tourna contre lui, & s'etant joint à Nectanebos, qui le mit à la tête de fes toupes, il détrôna le railleur, & mit l'autre en fa place.

Si cet éxemple pouvoit fervir de leçon aux gens qui font à la tête des affaires, nous n'aurions pas perdu notre tems, & cela leur apprendroit à ne point juger des hommes fur l'air & la mine, ou fur ce qu'ils font plutôt que fur ce qu'ils difent. Il faut aller un peu bride en main dans ces fortes de chofes, & ne pas imiter Tachos: car ceux qui manquent de ces vains dehors, & qu'on ne daigne pas écouter, parce qu'ils ne font rien, se croient méprifés, cela fuffit pour porter de certains courages, qui fentent d'ailleurs ce qu'ils va

lent,

Bataille

de Tunis.

des Car

thaginois.

leur cavalerie & de leurs éléphans, penfa en lui-même, & dit à fes amis, que fi les Carthaginois avoient été vaincus, ils ne devoient s'en prendre qu'à l'incapacité de leurs Chefs. Ce mot fe répand parmi le peuple, & paffe bientôt du peuple aux Généraux. Les Magiftrats font appeller cet homme, il vient & juftifie clairement ce qu'il avoit avancé. Il leur fait voir pourquoi ils avoient été battus; & comment en choififfant toujours la plaine, foit dans les marches, foit dans les campemens, foit dans les ordonnances de bataille, ils fe mettroient en état non feulement de ne rien craindre de leurs ennemis, mais encore de les vaincre. Les Chefs applaudiffent, conviennent de leurs fautes, & lui confient le commandement de l'armée.

Sur le petit mot de Xantippe on avoit déja commencé parmi le peuOrdon- ple à parler avantageufement, & à efpérer quelque chofe de cet étrannance ger. Mais quand il eut rangé l'armée à la porte de la ville, qu'il en eut fait mouvoir quelque partie en ordre de bataille, qu'il lui eut fait faire l'éxercice felon les régles, on lui reconnut tant de fupériorité, que l'on éclata en cris de joie, & que l'on demanda d'être au plutôt mené aux ennemis, perfuadé que fous la conduite de Xantippe on n'avoit rien à redouter. Quelque animés & pleins de confiance que paruffent les foldats, les Chefs leur dirent encore quelque chofe pour les encourager de plus de plus en plus, & peu de jours après l'armée fe mit en marche. Elle étoit de douze mille hommes d'infanterie, de quatre mille chevaux, & d'environ cent éléphans. Les Romains furent d'abord furpris de voir les Carthaginois marcher & camper dans la plaine, mais cela ne les empêcha pas de fouhaiter d'en venir aux mains. Ils approchent, & campent le premier jour à dix ftades des ennemis. Le jour fuivant les Chefs des Carthaginois tinrent confeil fur ce qu'ils avoient à faire. Mais les foldats impatiens s'attroupoient par bandes, & criant à haute voix le nom de Xantippe, demandoient qu'on les menât vîte au combat. Cette impétuofité jointe à l'empreffement de Xantippe, qui ne recommandoit rien tant que de faifir l'occafion, détermine les Chefs ils donnent ordre à l'armée de fe tenir prête, & permiffion à Xantippe de faire tout ce qu'il jugeroit à propos. Revêtu de ce pouvoir, il range les éléphans fur une fimple ligne à la tête. Derriére il place la phalange à une distance raisonnable. Des troupes mercenaires, il en infére une partie dans l'aîle droite, & l'autre compofée

lent, à courir une autre fortune, pour fe vanger
d'un mépris dont ils fe croient fi peu dignes.
L'Hiftoire eft toute parfémée de ces fortes d'é-
xemples.

Nous allons en citer un, qui ne s'y trouve fu-
rement pas, dans le feul deffein d'égaier la ma-
tiére. Un Officier de par le monde, qui avoit
très-bien fervi, & fait plufieurs actions dont il
n'avoit reçû aucune récompenfe, s'étant présenté

de

au Miniftre, qui ne l'avoit jamais vû, & qui ne le connoifloit que par les lettres de fes Généraux cet Officier, dis-je, s'étant nommé, lui demanda' une grace qu'il croioit avoir méritée. Vous êtes donc un tel, lui dit-il: Ouï, Monfieur, je fuis celui-là même. Ah! vous êtes un tel, c'eft donc vous qui avez fait cela & cela? Oui, c'est moi, répondit-il. Ah! c'est donc vous, je ne le penfois pas : vous êtes bien petit.

de ce qu'il y avoit de plus agile, fut jettée fur l'une & l'autre aîle avec la cavalerie.

nance

A la vue de cette armée rangée en bataille, les Romains marchent Ordon en bonne contenance. Les éléphans les épouvantérent; mais pour parer des Ro au choc auquel ils s'attendoient, on mit au front les troupes armées à mains. la légére: derriére elles de groffes compagnies, & la cavaleric fur les deux aîles. De cette maniére le corps de bataille fut moins étendu que l'on n'avoit coûtume de le faire, mais il avoit plus d'épaiffeur. Cette ordonnance étoit excellente pour réfifter au choc des éléphans; mais elle ne défendoit pas contre la cavalerie des Carthaginois, qui étoit beaucoup plus nombreufe que celle des Romains.

donne,

mains la

Les deux armées ainfi rangées, on n'attendit plus que le tems de char- La ba ger. Xantippe ordonne de faire avancer les éléphans, & d'enfoncer les taille fe rangs des ennemis, & en même tems commande à la cavalerie des deux & les aîles d'enveloper & de donner. Les Romains alors font, felon la coû- Rotume, grand cliquetis de leurs armes, & s'excitant par des cris de guer- perdent. re, en viennent aux prises. La cavalerie Romaine ne tint pas longtems, elle étoit trop inférieure en nombre à celle des Carthaginois. L'infanterie de l'aile gauche, pour éviter le choc des éléphans, & faire voir combien elle craignoit peu les foldats étrangers, attaque l'aile droite des Carthaginois, la renverse & la pourfuit jufqu'au camp. De ceux qui étoient oppofés aux éléphans, les premiers furent foulés aux pieds, & écrasés. Le reste du corps de bataille fit ferme quelque tems, à caufe de fon épaiffeur. Mais dès que les derniers rangs eurent été entourés par la cavalerie, & contraints de lui faire face, & que ceux qui avoient paffé au travers des éléphans curent rencontré la phalange des Carthaginois, qui étoit encore en entier & en ordre, alors il n'y eut plus de reffource pour les Romains. La plupart fut écrasée fous le poids énorme des éléphans: le refte fans fortir de fon rang fut criblé des traits de la cavalerie, à peine y en eut-il quelques-uns qui échapérent par la fuite. Mais comme c'étoit dans un païs plat qu'ils fuioient, les éléphans & la cavalerie en tuérent une partie: cinq cens ou environ qui fuioient avec Régulus, atteints par les ennemis, furent emmenés prifonniers. Les Carthaginois perdirent en cette occafion huit cens foldats étrangers, qui étoient oppofés à l'aîle gauche des Romains, & de ceux-ci il ne fe fauva que ces deux mille, qui en pourfuivant l'aile droite des ennemis, s'étoient tirés de la mêlée. Tout le refte demeura fur la place, à l'exception de Régulus, & de ceux qui le fuivoient dans la fuite. Les compagnies qui avoient échapé au carnage, fe retirérent comme par miracle à Afpis. Pour les Carthaginois, après avoir dépouillé les morts, ils rentrérent triomphans dans Carthage, traînant après eux le Général des Romains & cinq cens prifonniers.

Que l'on faffe de férieufes réfléxions fur cet événement', il fournit de Réflé belles leçons pour le reglement des mœurs. Le malheur qui arrive ici à xions fur

Tom. I.

S

cet évé

Ré-nement,

Régulus, nous apprend que dans le fein même de la profpérité l'on doit toujours être en garde contre l'inconftance de la fortune. Il n'y a que quelques jours que ce Général dur & impitoiable ne vouloit fe relâcher fur rien, ni faire aucune grace à fes ennemis, & (a) aujourd'hui le voilà réduit à implorer leur compaflion & leur clémence. On reconnoît encore ici combien Euripide avoit autrefois raison de dire, (6) qu'un bon

(a) Aujourd'hui le voilà réduit à implorer leur compaffionis leur clémence.] Prefque tous les Hiftoriens qui ont écrit de cette guerre, font appointés contraires avec Polybe. Ils différent tous entr'eux à l'égard de la mort d'Attilius Régulus. Il n'eft pas jufqu'aux Orateurs & aux Poëtes qui n'en aient parlé, entr'autres Ciceron & Horace. Le plus grand nombre prétend que les Carthaginois le firent mourir, plutôt par dépit, que pour toute autre raifon. Comme ils craignoient que les Romains ne revinflent en Afrique avec de plus grandes forces qu'auparavant, ils envoiérent des Ambaladeurs à Rome pour avoir la paix, aufquels ils joignirent Régulus, qui étoit leur pri fonnier. Ils ne doutoient pas qu'il ne travaillât de toutes fes forces pour la leur obtenir du Sénat, fa liberté en dépendoit abfolument. Mais avant que de partir, ils lui firent promettre avec ferment qu'il reviendroit fe remettre dans les fers, s'il ne réflifloit pas. Ce grand homme étant arrivé à Rome, confeilla tout le contraire, & s'en retourna à Carthage comme il l'avoit promis. Les Carthaginois le firent mettre dans un tonneau garni de longs clous, dont les pointes paffoient en dedans, dit Appien; on le roula cruellement dans ce tonneau, où il mourut. Ciceron dans fes Entretiens fur les vrais biens & fur les vrais maux, marque qu'ils le firent mourir de faim. Dans fon Oraifon contre Pifon, il oublie ce qu'il a dit ail leurs. Il parle d'un autre fupplice. Il pré cnd qu'ils le liérent dans une machine, après lui avoir coupé les paupières. C'eft apparemment celle d'Appien dont il entend parler. Il n'eft pas jufqu'à Horace qui n'en parle, en fe moquant de la lâcheté des foldats Romains dans la bataille contre Xantippe, & de l'infamie de ceux qui aimérent mieux fe rendre prifonniers que de mourir les armes à la main. Car ce n'étoit pas la coûtume dans les armées Romaines, de rendre les armes pour fauver leur vie. Jamais gens n'ont été plus mal reçûs que ces prifonniers de guerre, & Horace nous donne une leçon qui devroit tenir lieu de loi dans notre milice. Cet excellent Poëte ne nous explique pas la nature de ce fupplice d'Attilius. I favoit bien, dit-il, à quels tourmens il s'expofuit. Sciebat que fibi barbarus tortor pararet. Florus marque qu'il fut crucifié. Crucis fupplicio deformata majeftas. Voilà de grandes contrariétés à l'égard de la mort de ce grand homme. J'aurois éte fort curieux de favoir ce que Tite-Live en avoit dit, Polybe en avoit fans doute parlé dans

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fon premier Livre, il faut qu'il y ait quelque chofe de perdu, car où auroit-il pú le mettre qu'en cet endroit? Il ne me paroît pas que les Carthaginois aient été affez. imfenlés pour le faire mou-, rir. Les Romains n'euflent-ils pas ufé de répréfailles fur les prisonniers Carthaginois, qu'ils avoient en très-grand nombre? Je croirois plutôt Diodore de Sicile, qui fait évanouir tous ces fupplices, qui font peut-être imaginaires. Voici ce que nous apprenons de cet Auteur fur la défaite & la prife d'Attilius Régulus, par Xantippe, qui commandoit l'armée des Carthaginois. Les Romains, dit-il, les défirent fur mer; ils prirent Bottar & Amilcar dans cette bataille. Le Senat les remit entre les mains de la femme & des enfans de Régulus, pour les échanger contre lui; mais fur ces entrefaites Attilius mourut en prifon. Sa femme defefpérée, fit mourir fes deux prifonniers, & pour fe juftifier elle répandit le bruit qu'on avoit fait mourir cruellement fon mari. C'est Palmerius qui fait cette remarque; mais je demande à Diodore, quel eft cet Amilcar qu'on fit mourir? Ce n'eft pas le fameux Amilcar, pere d'Annibal, puifqu'il fut tué en Espagne, & Polybe ne dit pas qui commandoit la flotte Carthaginoite dans cette bataille que les Romains gagnerent après la défaite de Régulus. C'étoit quelqu'autre Amilcar, car ce nom eft affez commun dans l'Hiftoire: je ne vois que des Amilcars partout, & je n'en trouve pas un qui approche de l'Amilcar pere d'Annibal. Toutes ces variations des Hiftoriens, touchant la mort de Régulus, me font beaucoup douter que cet événement foit tel qu'ils nous le débitent. Je pancherois beaucoup du côté de Diodore, à la bigarrure près.

Le nom

(b) Qu'un bon confeil vaut mieux qu'une puiffante armée.] Cette maxime eft très-viaie & tresfage, de quelque fens qu'on la tourne. bre & la valeur ne peuvent rien fans le confeil. Xantippe en eft une bonne preuve; mais combien y a-t-il de Xantippes inconnus dans les armées, aufquels bien de Généraux ont dû toute leur gloire. Qu'on ne me dife pas qu'il s'eft trouvé de ces derniers, qui la doivent uniquement à eux-mêmes, à leur efprit, à leur bon fens, & à la grandeur de leurs connoiffances; outre que ceuxci font d'une très-grande rareté, & qu'on ne les trouve que par fauts d'un ou de deux fiécles d'intervalle, on ne s'apperçoit pas que les autres, & peut-être aucun, ne peuvent agir & faire mouvoir la roue pour la victoire, s'ils ne font aides

des

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