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de moufqueterie recommencerent alors, & continuerent long-tems dans un ordre prefque invariable. Nos troupes avoient perdu du terrein, & fe trouvoient à trois cens pas au - deffous de Fontenoy. Cette pofition, par l'événement, devint funette à l'Ennemi, qui étoit tout à la fois expofé au feu des redoutes du bois de Barry, & à celui de l'artillerie de Fontenoy. Mais le Duc de Cumberland, en Capitaine qui favoit prendre fon parti, fit faire volteface aux dernieres lignes de fon armée, qui forma par ce moyen un quarré long, dont l'un des côtés devoit continuer de preffer notre aîle gauche, & l'autre envelopper les redoutes du bois de Barry, & faire tête au pofte de Fontenoy. Cette difpofition réuffit aux Ennemis au-delà de leurs efpérances. Leur unique bataillon faifoit face de toutes parts, ils avoient un plus grand nombre de coups à tirer, & tous les coups portoient. Leurs lignes étoient ferrés & en bon ordre; les nôtres étoient rompues en plufieurs endroits.

Cependant le Maréchal de Saxe, tantôt à pied, tantôt à cheval, quelquefois en litiere, car il étoit malade, fe portoit où le péril étoit plus grand. Par

tout il voyoit notre armée faire des prodiges de valeur, mais qui ne fervoient qu'à augmenter fes pertes. Si quelquefois le Soldat cédoit pour un inftant aux efforts de cette colonne redoutable qu'il avoit en tête, il revenoit à la charge, fans jamais fe rebuter, quoique toujours fans fuccès.

Déjà l'Ennemi, comptant fur la victoire, jettoit des cris d'allegreffe, qui l'annonçoient au loin; & les Tournéfiens, qui, du haut de leurs murailles, étoient fpectateurs du combat, fe préparoient à rendre complette la défaite des François. La garnifon tenta une fortie; mais des Miliciens & des Troupes de nouvelle levée, qu'on avoit laiffées à la garde de la tranchée, firent fi bien leur devoir, que l'Ennemi fut repouffé avec perte.

Ce fut dans cet inftant critique, qu'on fe détermina à faire un nouvel effort, & par une triple attaque à charger l'Ennemi de front & par les flancs. Ce mouvement fit espérer que les chofes changeroient de face. Et les Troupes fe montrant auffi pleines d'ardeur, que fi elles n'euffent point encore combattu, la charge recommença. Jamais deux armées rivales, pouffées par le defir de

la vengeance, ne s'entrechoquerent avec plus de furie. C'eft en cette occafion que la Maifon du Roi, qui n'avoit pas encore donné, fe couvrit de gloire. Tous les Régimens, François & Etrangers, Cavalerie & Infanterie, fe précipiterent fur l'Ennemi avec une égale impétuofité. La colonne Ennemie fit face aux trois attaques, & les foutint avec intrépidité. On la foudroyoit par des charges vives & continuelles; elle répondoit par un feu également meurtrier: le carnage fut effroyable de part & d'autre. L'Ennemi cachoit fes pertes; les nôtres étoient fenfibles. On vit les Régimens du Roi, de la Couronne & d'Aubeterre fe retrancher derriere des monceaux de cadavres. L'armée des Confédérés faifoit ferme, & foutenoit fes premiers fuccès par de nouveaux avantages: nos lignes écrafées plutôt qu'enfoncées, paroiffoient en défordre en plufieurs endroits. Cependant on ne vouloit point céder: plufieurs détachemens, ne prenant confeil que de leur valeur, allerent, tête-baiffée, heurter ce bataillon formidable, rien ne fut capable de l'entamer.

Le Maréchal de Saxe, qui ne s'inquiétoit pas fans raison, fit dire au Roi &

au Dauphin, qu'il étoit tems qu'ils fongeaffent à mettre leurs Perfonnes en fûreté, en repaffant l'Efcaút: fon avis ne fut point fuivi. Peu de tems après, on parla de retraite, & plufieurs braves Officiers la jugeoient néceffaire au salut de l'armée. On avoit réfervé quatre pieces de canon pour la favorifer en cas d'accident: on penfoit à en faire ufage. Le Duc de Richelieu crut devoir s'y oppofer: << Point de retraite, s'écria-t-il, le » Roi ne veut pas, & entend que ces ca» nons fervent à la victoire ». En effet on les braque fur l'armée ennemie, qui n'étoit qu'à quelques pas: on en fait précipitamment plufieurs décharges. La certitude d'être foudroyé l'inftant d'après fait craindre au Soldat d'occuper la place de celui qui vient d'être renverfé. Cette colonne, jufqu'alors impénétrable, laiffe enfin appercevoir un défaut; on le cherchoit depuis long-tems: la Maifon du Roi le faifit & s'y infinue : les Gendarmes & les Carabiniers élargiffent le paffage : les autres Régimens fuivent. Animés par ces fuccès, les Corps chargés des autres attaques, fe précipitent fur les lignes qu'ils ont en tête, & les rompent en plufieurs endroits. Ce fut alors qu'on en vint aux armes blanches.

La mêlée fut fanglante: mais le Soldat François ayant fon adverfaire en face, la partie ne fut plus égale. Bientôt le défordre & la confufion s'étant communiqués jufqu'aux derniers rangs de l'armée ennemie, d'un excès de confiance, elle paffa au découragement. Les Troupes Angloifes furent celles qui firent mieux leur devoir en cette occafion; mais il fallut céder à la force. Tout plia, tout fe débanda. Le Soldat irrité d'une réfiftance fi opiniâtre, ne faifoit point de quartier, & maffacroit fans pitié tout ce qui tomboit fous fa main. Ceux qui échappoient au fer du Fantaffin, étoient écrafés par la Cavalerie. Les chevaux enfanglantés jufqu'au poitrail, avoient peine à se débarraffer des tas de cadavres, dont la plaine étoit jonchée. Ce qui eft bien remarquable, c'eft que cette déroute générale d'une armée, peu d'heures avant fi formidable, fut l'ouvrage d'un inftant. Le François étonné de ne rencontrer par-tout que des François, refpire enfin, & fent tout le prix d'une victoire fi long-tems difputée.

Chacun raifonna comme il étoit affecté, fur la cause du gain de la bataille. Les uns l'attribuerent à la préfence du

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