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pliquer les échelles de toutes parts. En un inftant les murailles furent efcaladées, & les remparts bordés de François, qui allerent ouvrir les portes au refte de l'armée. Elle entra dans la place fans coup férir; & tout cela s'exécuta avec tant d'ordre, de promptitude, & de filence, que, comme le dit agréablement un Ecrivain, les Bourgeois qui s'étoient endormis Autrichiens, furent tout furpris de fe réveiller François. Bruges ouvrit fes portes au vainqueur. Oudenarde fe défendit vigoureusement, & fut emportée. Dendermonde ne tint pas long-tems. Enfin l'armée parut fous les murs d'Oftende, Oftende cette Ville fameufe par le fiege qu'elle foutint pendant trois ans, contre une armée commandée par un des plus habiles Capitaines de fon fiecle, Spinola. Cette place eft défendue d'un côté par la mer, de l'autre, par des forts & des baftions, aux pieds defquels font des foffés larges & profonds, que le Commandant tient à fec, ou qu'il inonde à fon gré. Elle renfermoit une bonne garnifon. Sa défense fut vigoureufe; mais il n'eft point d'obftacles infurmontables pour une armée Françoife qui combat fous les yeux de fon Roi & de fon Dauphin: Oftende ne

foutint que dix jours de tranchée. Nieuport & plufieurs autres places moins importantes fubirent la loi du Vainqueur. Louis XV ayant terminé cette campagne, & pourvu à la fûreté de fes conquêtes, revint en France avec le Dauphin: ils arriverent à Paris dans le courant de Septembre.

A l'ouverture de la campagne fuivante, le Dauphin qui defiroit paffionnément d'accompagner le Roi dans les nouvelles expéditions qu'il méditoit, lui en demanda la permiffion; mais il la lui refusa conftamment, confeillé, dit-on, par quelques perfonnes en place qui craignoient que la vertu du jeune Prince n'éclairât de trop près leurs opérations, & déterminé, comme on l'a cru, par la crainte affez bien fondée que fon ardeur ne le précipitât dans quelque fâcheux accident. Mais depuis la journée de Fontenoy, jamais il ne témoigna plus de defir de fe fignaler contre les ennemis du nom François, qu'au moment où il apprit la défaite de Crevels. Il étoit alors à Verfailles : le Roi étoit allé à Saint Hubert. Le Maréchal de Belle-Ifle, à qui le Courier avoit remis les papiers, les envoya au Roi, & vint fur le champ rendre compte au Dauphin des particu

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larités de cette malheureuse journée. Le découragement des troupes fut ce qui le le toucha le plus. Sans perdre un instant, il écrit au Roi pour lui demander la permiffion d'aller fe mettre à la tête de l'armée battue. Il emploie dans fa lettre les motifs les plus preffans pour le persuader. Il prévient les difficultés qu'on pourroit oppofer à fa réfolution: il proteste qu'il ne fera rien que de l'avis des Officiers Généraux : « non, dit-il en finif»fant, je fuis fûr qu'il n'y a point de » François dont le courage ne foit rani» mé, & qui ne devienne invincible à » la vue de votre fils unique, qui le me» nera au combat. » Le Roi lui fit cette réponse: «votre lettre, mon fils, m'a » touché jufqu'aux larmes ; il ne faut pas »fe laiffer accabler par les malheurs. » C'eft aux grands maux qu'il faut de » grands remedes: ceci n'eft qu'une » échaufourée. Je fuis ravi de recon>>noître en vous les fentimens de nos » peres. Mais il n'eft pas encore tems que » je vous fépare de moi. Je plains bien » le pauvre Maréchal de Belle-Ifle, fon fils nous manquera. Je ferai à Ver» failles à une heure «<.

Le Dauphin, outre le courage qu'on remarquoit en lui, & une connoiffance

exacte de toutes les parties de l'art militaire, avoit encore, dans un degré fupérieur, ce qu'on peut appeller l'efprit de commandement; &, ce qui n'eft pas le moindre mérite d'un Général, le talent merveilleux de s'affectionner les troupes. Ce qui faifoit dire au Maréchal de Broglie: «< il n'a manqué à M. le Dau>>phin que l'occafion pour fe montrer » un des plus grands Héros de fa race ». Au dernier Camp de Compiegne, portant déjà depuis long-tems dans le fein le germe de la maladie dont il mourut, on le vit diriger les travaux, comme le plus habile Ingénieur : commander les évolutions avec la dignité d'un Roi, le ton, l'aifance & la précifion du Général le plus expérimenté. On remarqua furtout qu'il étoit actif, fe trouvant le premier à toutes les opérations; généreux, jufqu'à anticiper fur fes revenus, pour gratifier le Soldat; affable, difant dans l'occafion un mot à un Officier, faifant à l'autre un figne gracieux, donnant à tous quelque marque d'attention. Il fortit un jour en uniforme après fon dîner pour aller vifiter le quartier des Dragons-Dauphin, qui étoit fort éloigné de la Ville. Les Officiers qui n'étoient pas avertis, étoient alors abfens; mais quel

ques Soldats l'ayant reconnu à fon uniforme & à fon cordon-bleu, fe mirent à crier : « voilà notre Colonel ». Tous à l'inftant fe raffemblerent autour de lui, jettant leurs cafques en l'air, & pouffant mille cris de joie. Comme ils n'avoient pas de fiege à lui préfenter, ils lui offrirent une botte de paille, fur laquelle il ne fit point de difficulté de s'affeoir : les Officiers avertis de fon arrivée, fe rendirent auprès de lui avec un empreffement qu'il eft aifé d'imaginer: il s'entretint familiérement avec eux, & leur demanda la grace de quelques Dragons qui étoient aux arrêts, « ne voulant pas, » dit-il, qu'il y eût aucun malheureux » dans un jour qui lui caufoit tant de » joie ». Un ancien Officier Général difoit à cette occafion, qu'il fe regarderoit comme un perfonnage dans l'Etat, s'il étoit fimple Dragon dans le Régiment Dauphin.

Quelque tems avant le départ de Compiegne, après avoir commandé un exercice: «mes enfans, dit-il aux Sol» dats, je fuis d'autant plus content de » vous, que vous avez très-bien fait, » quoique je vous aie moi-même fort» mal commandé ». Le Prince de Condé lui difoit en revenant du Camp, qu'il

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