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» en allez-vous toujours? eft-ce que vous ne » pouvez pas vous tenir auprès de moi? » Depuis plufieurs jours il rêvoit fou»vent. Sa principale occupation, dans » fes rêves, étoit la Meffe de Minuit : il » en parloit toujours, il croyoit y être. » Au milieu de fes rêves, la voix de » M. Collet le faifoit fur-le-champ reve»nir à lui. Vers les cinq heures, il me » demanda fi nous irions bientôt au Sa» lut? Je lui dis que ce ne feroit qu'à fix » heures; que s'il le vouloit, nous nous »rendrions plutôt à la Chapelle. Il me » dit

que non. Dans cet intervalle, de» puis cinq heures jufqu'à fix, il appella » plufieurs fois fon Confeffeur, lui par» la bas, & l'envoya parler à fon Mé»decin. A fix heures je lui dis que nous » allions au Salut : il me dit, c'est bien » fait. En rentrant dans la chambre, je » fus étonnée de n'y voir aucun Mé»decin. On me dit qu'il avoit ren»voyé tout le monde, & qu'il étoit »refté feul avec M. Collet. Je crus » qu'il avoit voulu fe confeffer encore » une fois. Je m'approchai de fon lit » avec Mefdames: il nous reçut très» bien, & nous parla avec fa tranquil»lité ordinaire, ainfi qu'au Roi & à la »Reine. Mais j'appris le foir, que pen

»dant notre abfence, il s'étoit fait dire » les Prieres des Agonifans.

» Tandis que la Reine étoit affife au» près de fon lit, il m'appella, & me » dit tout bas : je crois pourtant que je pafferai encore cette nuit. Confternée & » troublée de ce propos, je lui dis: ah! »j'efpere que cela fera encore long : »non, me dit-il, cela n'ira pas bien loin. » Pénétrée de douleur, je me retirai; il » appella Adélaïde, & lui dit la même » chose. Comme elle parloit affez haut » pour être entendue de la Reine, il lui » dit: paix donc, parlez plus bas. Il fe » faifoit tâter le pouls à tout moment, » & demandoit comment on le trou» voit. Cependant il avoit toujours de » la gaieté dans l'efprit, & plaifantoit » encore quelqu'un ayant pouffé une » table affez rudement, il contrefit le » bruit, & demanda à Louise fi ce n'é>>toit pas du tonnerre, parce qu'elle en » a peur. Comme il avoit beaucoup de >> peine à cracher & à fe moucher, il » difoit qu'il en avoit oublié la maniere, » qu'il auroit bien befoin de la rap» prendre.

» Dans la nuit il me demanda : on lui dit

que j'étois montée chez moi pour

» me repofer quelques heures, parce que

かん

» je m'étois bleffée à la jambe. A fept heures du matin il me demanda en» core: M. de la Sône lui dit qu'il alloit » monter pour me donner de ses nou» velles. Il vint en effet: je me levai tout » de fuite. Je ne fus pas plutôt levée, que » fon premier Valet-de-Chambre vint me » dire qu'il le prioit de lui envoyer le ta»bac que la Reine lui avoit fait accom» moder la veille je defcendis fur le » champ. Dès qu'il m'apperçut, il me dit: » Quoi! c'eft toi-même ? Je lui dis que je » lui apportois le tabac qu'il m'avoit de» mandé. Il me prit la main, & me dit en » me la ferrant : Eh bon jour mon petit » cœur ; que je fuis aife de te voir: je te » croyois perdue. Il y a un moment qu'on »m'avoit dit que tu ne defcendrois que ce » foir. Que je t'aime ! Il me ferra encore la » main, & je baifai la fienne, hélas! pour » la derniere fois. N'ayant plus le cou» rage de refter auprès de fon lit, j'allai » me mettre au fond de la chambre: il » m'appelloit à chaque inftant. Louise » vint il avoit un bras hors de fon man»teau de lit, je lui propofai de le remet>tre. Il fe tint fur fon féant affez long»tems, fans s'appuyer, & pendant que >>Louise arrangeoit l'au re bras, je ne fis » que le foutenir très-légérement.

» Un moment après, il dit : que tout le » monde forte, excepté M. Collet : il étoit » allé dire la Meffe. Je dis à M. l'Archevêque de s'approcher de fon lit, en at» tendant M. Collet. Dès qu'il l'apperçut, » il lui dit : Ah, bon jour, Monseigneur : » c'eft ainfi qu'il l'appelloit toujours; & » & il fe mit à faire la converfation avec » lui. M. Collet vint: nous paffâmes dans le cabinet. Après qu'il lui eut parlé, il » nous fit rappeller. Son Médecin lui pro »pofa de prendre une potion qu'on lui avoit préparée : il l'accepta. En la pre»nant, ah, dit-il, que cela eft fort; eft-ce » du Lilium ? On lui dit que non. Un mo» ment après, il appella le Médecin, & » lui dit, votre drogue a penfe me donner un » battement de cœur. Il demanda enfuite en » riant à la Reine, fi elle aimoit les Mo>> mies d'Egypte ? La Reine lui ayant ré» pondu que non: c'eft, lui dit-il, que bien» tôt vous en aurez une: car les drogues chau» des qu'on me donne me deffechent. La »Reine lui dit que quand il fe porteroit » bien, il auroit bientôt recouvré fon >> embonpoint : Ah oui, lui dit-il, avec » un fourire qui marquoit affez qu'il n'y » comptoit pas ; il m'appel a enfuite, & » me dit arrangez-moi mes oreillers, & »táchez de me trouver une fituation qui me

» mette la poitrine un peu à l'aise pour refpi»rer. Je l'arrangeai de mon mieux, & lui >> demandai s'il fe trouvoit plus commo» dément ? Il me dit : oui, du moins pour » le moment. Il s'affoupit, & fe réveilla, » en difant à M. Collet: n'eft-on pas à l'é» lévation? M. Collet lui dit qu'on ne di» foit pas la Meffe. Il demanda à la Reine, » fi elle venoit de matines? On lui dit » que ce n'étoit pas la nuit de Noël : il dit » qu'il l'avoit cru; & fon agitation con» tinuant, il commença à chanter un » Noël. Son Confeffeur lui dit de ne point » chanter, parce que cela lui fatigueroit la poitrine: vous avez raison, dit-il, & fe tut. Un moment après il fe mit fur fon féant, & fe laiffa enfuite tomber, en di» fant: Ah! repofons-nous pour un moment. » Je fus fi effrayée de l'état où je le voyois, » que je crus qu'il alloit avoir une foi» bleffe, & j'appellai la Breuille. Il s'ap» perçut de ma frayeur, & me demanda » pourquoi j'appellois le Médecin ? Je lui

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répondit que je croyois qu'il fe trou» voit mal. Il me dit en riant: oh non, pas » encore; puis fe fouvenant qu'on lui avoit » dit que je m'étois bleffée à la jambe, il » il me dit: n'êtes-vous pas bien fatiguée? » Comment va votre jambe? Je lui dis que ❤ ce n'étoit rien. Il dit à fon Médecin que

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