Imágenes de páginas
PDF
EPUB

comment elle vivroit avec la Reine, comment elle gagneroit l'affection du Dauphin Le Peuple politiquoit; le Courtifan examinoit; mais Dieu agiffoit, fa fageffe dirigeoit la Princeffe, qui parut toujours la moins embarraffée de tous. Nous nous contenterons de citer ici quelques traits pris entre une infinité d'autres, qui tous étoient bien propres à lui concilier les cœurs, & à donner de fa perfonne l'idée la plus avantageufe. Quand le Dauphin, la premiere nuit de fes noces, entra dans fon appartement, à la vue de plufieurs meubles qui avoient été à l'ufage de fa premiere Epoufe, tous les fentimens de fa douleur fe réveillerent; quelques efforts qu'il fit, il ne fut pas maître de retenir fes larmes; la Dauphine les vit couler. Toute autre, en pareille circonftance, eût cru s'être tirée avec adreffe, en feignant de ne pas les appercevoir; mais elle entra dans les fentimens du Dauphin; elle prit part à fa douleur, & mêlant fes larmes aux fiennes: » Donnez, Monfieur, lui dit-elle, » un libre cours à vos larmes, & ne >> craignez point que je m'en offenfe; » elles m'annoncent au contraire ce que

»j'ai droit d'efpérer moi-même, fi je » fuis affez heureufe pour mériter votre »eftime. Le troifieme jour après fon mariage, elle devoit fuivant l'étiquette, porter en bracelet le portrait du Roi fon pere. Quoiqu'on fe fût déjà fait de part & d'autre des protestations bien finceres d'oublier pour toujours les démêlés des deux Cours, on fent affez qu'il devoit en coûter à la fille de Staniflas, de voir porter comme en triomphe dans le Palais de Verfailles, le portrait de Frédéric. Une partie de la journée s'étoit déjà paffée, fans que perfonne eût ofé fixer ce bracelet, qui avoit quelque chofe de plus brillant que ceux des jours précédens. La Reine fut la premiere qui en parla: » Voilà donc, ma fille, lui dit

elle, le portrait du Roi votre pere? » Oui, maman, répondit la Dauphine » en lui présentant fon bras, voyez qu'il » eft reffemblant : « c'étoit celui de Staniflas. Ce trait fut admiré & applaudi de toute la Cour. La Reine fentit tout ce qu'il valoit: elle en témoigna fa fatisfaction à la jeune Princeffe, qui lui devenoit plus chere de jour en jour.

Cependant le Dauphin n'avoit pas encore perdu le fouvenir de fa premiere

Epouse; il en parloit toujours avec complaifance; la Dauphine de fon côté paroiffoit pleine de vénération pour fa mémoire elle engageoit elle-même le Dauphin à l'entretenir de fes rares qualités, & lui proteftoit en toute occafion, que tous fes foins fe porteroient à conà lui fes vertus, & toute fon ambition reux ne pouvoient manqfédés fi généplus vive impreffion fur le Dauphin. II fentoit croître de jour en jour fon attachement pour fa nouvelle Epoufe, & pouvoit à peine en croire fon cœur. Mais rien ne lui fit mieux connoître le tréfor qu'il poffédoit en fa perfonne, & combien elle étoit digne de toute fa tendreffe, que la maladie qu'il effuya en 1752. C'étoit une petite vérole, qui s'annonça par des fymptomes effrayans. La Dauphine s'étant rappellée qu'un jour il lui avoit dit qu'il redoutoit cette maladie, parce que fouvent elle ne laiffe pas au malade le tems de fe reconnoîelle forma le deffein de lui en laif

tre,

fer ignorer la nature, & elle y réuffit. Elle imagina de compofer & de faire imprimer, exprès pour lui, une Gazette de France dans laquelle, fans avancer

Cy

cependant rien de faux, elle parloit de fa maladie en termes généraux, & propres à éloigner de fon efprit tout foupçon que ce pût être la pétite vérole. Elle paffoit la journée entiere auprès de lui, & ne fortoit de fa chambre que fort avant dans la nuit, lorfqu'on l'obligeoit d'aller prendre quelque rui préfenter peu pour fa tendil prenoit, de cherelle régayer par fes propos, elle avoit la plus grande attention à lui procurer une fituation commode dans fon lit; elle fe livroit avec un air de fatisfaction aux offices les plus rebutans, & dont je craindrois que le détail n'offenfât la délicateffe du Lecteur : enforte qu'un célebre Médecin, qu'on avoit mandé par extraordinaire, & qui ne connoiffoit point la Cour, frappé de tout ce qu'il voyoit faire à la Princeffe, la prit pour une garde-malade. » Voilà, dit-il

en la montrant à quelqu'un, une petite » femme qui eft impayable pour fes at»tentions, fon air aifé & fon affiduité à » fervir M. le Dauphin: comment l'ap>pellez-vous?« Sur ce qu'on lui répondit que c'étoit Madame la Dauphine, ilfe reprocha beaucoup de ne lui avoir

pas donné, dans les occafions, les marques de refpect qui lui étoient dues. » Oh » bien, s'écria-t-il enfuite, que je voie > encore nos petites Dames de Paris faire » les précieufes, & craindre d'entrer » dans la chambre de leurs maris quand » ils font malades, comme je les enverrai à cette école ! « Un jour qu'on repréfentoit à la Princeffe le danger auquel elle expofoit elle-même fa fanté, en fe ménageant fi peu, & en refpirant habituellement l'air d'une maladie contagieufe, elle fit cette belle réponse : » eh qu'importe que je meure, pourvu » qu'il vive! La France ne manquera ja» mais de Dauphine, fi je puis lui con» ferver fon Dauphin «.

Ce Prince fentit tout le prix des attentions de fa vertueufe Epoufe; & pendant fa convalescence, il ne fe laffoit pas d'en parler. » Non, difoit-il quel» quefois, ce n'eft qu'à fes foins & à fes » prieres que je fuis redevable de la vie. » Vous m'avez fait prendre le change fur » la nature de ma maladie, lui difoit-il » un jour en riant, cela n'eft pas bien : » avez vous eu foin d'en tenir note dans » votre examen de confcience? Oh ! » vraiment, lui répondit la Dauphine,

« AnteriorContinuar »