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»lité. Elle croit perdre fon tems, quand » elle est dans fa famille. Elle s'imagine » n'être pas au monde, quand elle n'eft » pas à des Cours, à des Spectacles, à » des affemblées. Elle ne fe trouve jamais » bien dans un endroit, quand elle penfe » qu'ailleurs il y a plus de monde. Man» quer à la premiere représentation d'un Opéra, lui feroit plus de peine que de perdre un de fes enfans. Elle a pitié » des perfonnes les plus eftimables de fon » fexe, qui menent une vie décente, mo» defte & retirée : elle dit qu'elles n'ont » ni efprit, ni politeffe. Quelle mortifi»cation ne feroit-ce point pour Fulvie, » fi elle favoit que plus elle fe montre, » plus elle paroît ridicule, & qu'elle de» vient plus méprifable à mesure qu'on » la voit davantage ! >>

Ce Prince lifcit volontiers Pope. Voici comment il rend fa comparaifon d'Homere avec Virgile: » Homere fut le plus » grand génie, & Virgile le meilleur » Artifte. Dans l'un nous admirons plus » l'Auteur, & dans l'autre l'ouvrage. » Homere nous tranfporte & nous en» traîne avec empire & impétuofité; » Virgile nous attire par une majesté fé- › » duifante. Homere répand avec une gé»néreuse profusion; Virgile diftribue

» avec une magnificence réglée. Ho» mere, semblable au Nil, verse ses ri» cheffes avec une efpece de déborde»ment; Virgile eft femblable à une ri» viere qui, renfermée dans fes limites, » coule avec conftance & modération. » Quand je confidere leurs batailles, ces » deux Poëtes me paroiffent reffembler » aux Héros qu'ils ont célébrés. Homere, » comme Achilles, ne connoît ni limites, »ni résistance : il renverfe tout ce qui » s'oppose à lui : & plus fa témérité aug» mente, plus il paroît brillant; Virgile >>hardi, mais avec tranquillité, comme » Enée, paroît fans trouble au milieu » même de l'action. Il arrange tout ce » qui eft autour de lui; & il eft encore >> tranquille après la victoire. Quand » nous confidérons leurs Divinités, Ho» mere, femblable à son Jupiter, ébranle » l'Olympe, fait briller des éclairs, & >> met tout le Ciel en feu. Virgile reffem»ble au même Dieu, lorfqu'il tient fes » confeils avec les Dieux inférieurs » qu'il forme des plans pour les Empires, » & qu'il met l'ordre & la regle dans >> tout ce qu'il a créé ».

Le foin que prit le Dauphin de cultiver cette langue, étoit conforme à ce qu'il dit dans un de fes Ecrits : « II

>> convient qu'un Prince fache la langue >> des peuples avec lefquels il doit traiter » plus fouvent, & fur les matieres les

plus importantes. I joignoit à cette grande facilité pour les langues, une mémoire heureufe, dont il faifoit furtout ufage pour apprendre les plus beaux morceaux, & quelquefois des pieces & des difcours entiers des meilleurs Auteurs anciens & modernes. Le Chancelier d'Agueffeau, étánt venu lui faire fa cour: M. le Chancelier, lui » dit-il, me réciteriez-vous bien le dif» cours que vous avez prononcé en telle » occafion?« Tout ce que ce favant Chef de la Magiftrature pût s'en rappeller, c'eft qu'il étoit, de tous ceux qu'il avoit faits, celui dont il étoit le plus content; «eh bien, lui dit le Dauphin, » je fuis charmé que mon jugement s'ac» corde avec le vôtre; j'ai trouvé cette » piece fi belle, que je l'ai apprife par » cœur, & je crois me la rappeller affez » bien pour vous la déclamer ». Ce qu'il fit fur le champ, mais en mettant dans fon action tant d'ame & de feu, que le Chancelier en fut attendri jufqu'aux larmes;.& il difoit depuis, que jamais fes productions ne lui avoient paru fi énergiques que dans la bouche du Dauphin.

Ce

Ce Prince retenoit auffi fûrement qu'il apprenoit avec aifance; fix mois après qu'on lui avoit parlé d'une affaire, il fe la rappelloit dans toutes fes circonftances, comme fi on l'en eût entretenu le jour même. Il demandoit à l'Evêque de Mirepoix fon fentiment fur l'endroit d'un ouvrage qui paroiffoit depuis long-tems: l'Evêque lui répondit qu'il n'en avoit point d'idée : » vous n'avez donc pas lu »l'ouvrage, lui dit le Dauphin? Je l'ai » lu dans le tems, reprit le Prélat, mais » je ne l'ai pas appris par cœur. Ni moi » non plus, répliqua le Dauphin, mais » je vous dirois bien encore tout ce qu'il » contient, «< & en même-tems il en fit l'analyse avec autant de netteté & de précifion que s'il n'eût fait que de le lire.

Tant d'heureuses difpofitions, jointes à un travail fuivi, lui ornerent l'efprit des plus belles connoiffances. Après avoir étudié, il compofa lui-même. A l'âge de dix-fept ans il s'exerça fur divers fujets d'éloquence; & fes premiers effais, en ce genre, furent fi heureux qu'on les eut regardés plutôt comme les chefs-d'œeuvres d'un maître de l'art, que comme les productions d'un jeune Prince. » Il écri» voit, dit le Cardinal de Luynes, avec

» toute la pureté d'un Grammairien, & » en même-tems avec cette nobleffe de » ftyle, affortie à la fublimité de fon >> rang: j'ai vu des morceaux de fa com»pofition, dignes des plus grands Ora

teurs. «Quand il étoit plein de fon fujet, il le traitoit avec une aifance merveilleuse, les tours & les expreffions les plus heureuses ne lui coûtoient rien. L'Officier chargé de fa bibliotheque m'affura qu'il avoit fouvent écrit fous a dictée, des pieces qui avoient toute la perfection de ftyle dont elles étoient fufceptibles. Nous aurons occafion de citer dans la fuite quelques morceaux de fa compofition, qui ont été imprimés tels qu'il les avoit dictés, & qui portent l'empreinte du bon goût. La lettre fuivante qu'il écrit à l'Abbé de Saint-Cyr annonce une critique fine & judicieufe.

»Le porteur de ma lettre, cher Abbé, » vous donnera des nouvelles de ma » fanté. Quant à mes occupations, j'ai » fort bien profité de l'avis que vous » m'aviez donné de n'en prendre qu'à » mon aife. J'ai beaucoup lu, & j'ef » pere, Dieu merci, n'avoir gueres pro» fité de mes lectures. J'ai, fur-tout, lu force Difcours Académiques, dont

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